Les premiers “community managers” arrivent dans les écoles de commerce

Jessica Gourdon Publié le
Les premiers “community managers” arrivent dans les écoles de commerce
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Ils sont jeunes, férus du Web 2.0, et explorent les méandres des réseaux sociaux pour le compte d’institutions. Leur profession : “community manager”. Dans l’enseignement supérieur, les écoles de commerce se montrent pionnières en la matière. Plusieurs d’entre elles ont créé des postes spécifiques pour ces nouvelles fonctions.

Nicolas Grosse-Waechter, 25 ans, est un passionné d’Internet. Le genre qui a grandi avec un clavier entre les mains et qui manie la novlangue du Web à la perfection. Diplômé du Cesem , programme post-bac de RMS (Reims Management School), c’est presque naturellement qu’il y est devenu, en janvier 2010, responsable de la communication sur les réseaux sociaux, autrement dit “community manager”.

Ses attributions consistent d’abord à rassembler les groupes d’étudiants et de diplômés de RMS présents sur Facebook, Linkedin, Viadeo, à supprimer les pages ”doublons” et à animer ces communautés. Il leur diffuse des informations sur l’actualité de l’école, lance des thèmes de discussion. Il cherche aussi, toujours via le Web, à fédérer des lycéens, des étudiants de classes préparatoires, ou encore des entreprises partenaires autour de la marque RMS. C’est également lui qui a les codes du compte Twitter et de la page Facebook de l’école, et qui supervise une chaîne  vidéo YouTube. Nicolas Grosse-Waechter travaille aussi avec l’association des anciens, afin de les inciter à rejoindre ces groupes virtuels. Enfin, il surveille la réputation de l’école sur les forums, et recense les contenus qui évoquent RMS sur Internet.

Se réapproprier sa communication

Comme à Reims Management School, d’autres écoles de commerce ont créé, ces derniers mois, des postes spécifiques de community manager. Tout d’abord parce que beaucoup d’entre elles étaient actives à leur insu sur certains réseaux sociaux, et qu’elles avaient tout à gagner à exploiter et maîtriser cette présence. Ensuite parce que ces réseaux leur permettent de développer de nouvelles stratégies de communication envers leurs étudiants, leurs anciens et leurs partenaires.

“Cela me paraît très pertinent qu’une personne s’en occupe à plein-temps, en lien avec le directeur de la communication”, estime Brigitte Fournier, directrice de Noir sur Blanc, agence spécialisée dans l’enseignement supérieur. “L’utilisation des réseaux sociaux demande beaucoup de temps, et nécessite une vraie réflexion stratégique”, poursuit-elle. Car dans ce domaine, l’amateurisme n’a rien de bon. “Certaines écoles utilisent n’importe comment Twitter ou YouTube, lancent des initiatives, puis n’assurent aucun suivi. Cela peut avoir des effets dévastateurs.” Regis Brandinelli, directeur adjoint de Skema Business School , l’a bien compris : “Si on abandonne une page Facebook ou Twitter pendant quelque temps, c’est fini, les gens ne reviennent plus.”

Stratégies de recrutement

Reste à trouver la bonne personne, capable de jongler avec ces outils sans cesse en évolution. Pour Manuel Canévet, fondateur de l’agence Campus communication, mieux vaut éviter les profils trop techniques et miser sur des spécialistes de la communication, de type “chef de projet” : “Les community managers doivent être de bons rédacteurs, capables d’avoir une réflexion éditoriale.”

Une analyse partagée par Martine Bronner, directrice du marketing et de la communication de l’ESSEC , qui a recruté un community manager en avril 2010. “Je voulais éviter le profil webmaster. Je cherchais un rédacteur en chef de tous les contenus Web, qui connaisse le secteur de l’enseignement supérieur et les rouages de la production vidéo, et soit capable de parler aux digital natives.”

Dans certaines écoles, le poste de community manager a été proposé à une personne déjà au sein de l’établissement. C’est le cas à Skema (voir encadré ci-dessous), qui a recruté la responsable du site web de l’ESC Lille, par ailleurs diplômée de cette école en 2003. À Grenoble EM , c’est le webmaster qui va devenir, dans les prochaines semaines, le community manager, et abandonner ses fonctions à une nouvelle recrue. À Reims, Nicolas Grosse-Waechter a exercé près de deux ans comme chargé de promotion avant d’évoluer vers ce poste en janvier 2010.

D’autres écoles ont fait appel à du sang neuf, comme l’ESSEC. Elle a embauché un diplômé en design et publicité, qui avait travaillé en tant que concepteur-rédacteur pour plusieurs sites Web d’entreprises. Reste à voir si d’autres écoles leur emboîteront le pas.

Hélène Allaire, community manager à l’ESCP Europe : “Un poste transversal qui peut être très ludique”

Hélène-Allaire-community-manager-ESCP EuropeHélène Allaire, 29 ans, est community manager à l’ESCP Europe depuis un an. Son travail, elle en parle avec enthousiasme : “C’est un poste transversal, qui ouvre sans cesse le champ des possibles. Et puis, utiliser les réseaux sociaux a quelque chose de ludique.” À l’origine, Hélène Allaire ne se destinait pas au community management. Recrutée en juillet 2008 à la direction de la communication et de la marque de l’ESCP, elle s’est consacrée pendant un an à l’organisation des événements de l’école, avant de prendre en charge, désormais à plein-temps, les réseaux sociaux. 
À l’image de ses nouvelles missions, le parcours d’Hélène Allaire est éclectique : premier cycle en histoire de l’art à l’école du Louvre, master 1 en multimédia à l’université de Nantes, master 2 de marketing à Lille 3. Après un stage à l’ambassade de France en Grande-Bretagne, elle passe deux ans comme assistante d’une directrice d’école bilingue de Londres, où elle œuvre déjà à rendre visible son établissement sur Internet.
En ce moment, Hélène Allaire est très occupée par le développement de la présence de l’ESCP Europe sur Twitter. “J’ai fédéré les fils d’actualité de nos différents campus et j’essaie d’identifier quelques professeurs qui pourraient s’y mettre. J’aimerais convaincre le directeur Pascal Morand de se lancer !” Elle s’investit aussi dans le lancement de la nouvelle “vidéo virale” de l’ESCP, qui sera diffusée sur le Web dans les prochaines semaines. Avec un gros défi : celle de l’année dernière avait créé un vrai “buzz”, avec plus de 430.000 visionnages sur YouTube.

À Skema, le community management accompagne la fusion

Regis Brandinelli, directeur adjoint de Skema, prévient d’emblée : avec ou sans fusion, le recrutement d’un community manager était prévu. Toujours est-il que la création de ce poste a été concomitante avec le rapprochement ESC Lille-CERAM, qui a donné naissance à Skema en juin 2009. “À ce moment, c’était très important d’avoir un retour de ce qui se disait sur les forums, les réseaux. Nous devions répondre aux multiples questions posées via Internet par des étudiants et des diplômés, apporter un maximum d’informations”, remarque-t-il.
Aux manettes de cette nouvelle politique, Virginie de Lagrange-Chancel, 31 ans, diplômée de l’ESC Lille et ancienne responsable du site Web de cette école : “Les réseaux sociaux sont d’excellents baromètres. Au moment de la fusion, je faisais des remontées quotidiennes de ce qu’il s’y disait.” Aujourd’hui, elle se contente d’un rapport mensuel, qui reprend les principaux chiffres. Ainsi, en mai 2010, Skema recensait  4.400 fans sur Facebook, 353 abonnés Twitter, 1.714 diplômés sur Linkedin, 6 .792 sur Viadeo et 8.715 vidéos vues sur Skema TV. À côté de cela, elle organise des sondages, des jeux en ligne pour faire connaître la nouvelle marque ou dialoguer les anciens des deux écoles. Et leur faire accepter leur nouvelle identité.

Jessica Gourdon | Publié le