Pour la Cour des comptes, la hausse du budget de l'ESR "ne peut être soutenue à long terme"

Céline Authemayou Publié le
Pour la Cour des comptes, la hausse du budget de l'ESR "ne peut être soutenue à long terme"
La Cour des comptes liste la Mires comme l'une des missions qui concentrent les risques budgétaires les plus importants pour l'État. // ©  Denis Allard / R.E.A
Dans son audit des finances publiques remis jeudi 29 juin 2017 au Premier ministre Édouard Philippe, la Cour des comptes identifie plusieurs actions pour rendre plus “efficientes” certaines politiques publiques, dont l’enseignement supérieur. Parmi les propositions : réformer les modalités d’allocation des moyens aux universités ou encore augmenter les droits d’inscription.

Dans son audit des finances publiques effectué à la demande du Premier ministre, Édouard Philippe, et publié jeudi 29 juin 2017, la Cour des comptes appelle le gouvernement à un "effort de redressement", alors que la situation des finances publiques de la France "est loin d'être assainie". Pour cela, la haute juridiction liste toute une série de "leviers permettant de rendre moins coûteuses et plus efficaces les politiques publiques". Parmi les exemples retenus : l'enseignement supérieur.

Pourquoi ce secteur ? Parce qu'il est, analyse la Cour, sur la liste des missions qui concentrent les risques budgétaires les plus importants pour l'État. La Mires (Mission recherche et enseignement supérieur) risque ainsi de dépasser son budget inscrit à la loi de finances initiale de 100 millions d'euros.

En cause : la sous-évaluation de la contribution française aux organismes scientifiques internationaux comme l'ESA (Agence spatiale européenne) et de l'aide au mérite attribuée aux bacheliers titulaires d'une mention très bien. Des points que relevait déjà la Cour des comptes dans son rapport annuel publié fin mai 2017.

Hausse des droits et meilleure orientation

Selon les analyses des Sages de la rue Cambon, les crédits de la mission Mires ont connu une hausse de 29 % entre 2006 et 2017. Une évolution "nettement plus favorable que celle du budget général de l'État", qui "ne peut être soutenu à long terme, alors qu'une augmentation de la démographie étudiante est prévue".

Alors qu'en 2024, 2,81 millions d'étudiants pourraient être inscrits dans l'enseignement supérieur français selon les projections du ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, la Cour des comptes identifie la hausse des droits d'inscription aux diplômes nationaux comme une piste envisagée, sans pour autant que cela augmente "fortement le coût des études pour les familles".

Constatant que l'augmentation des effectifs étudiants a été majoritairement absorbée par les licences universitaires, la haute juridiction appelle à une réflexion approfondie "sur les modalités d'orientation des bacheliers dans l'enseignement". Une manière, selon elle, d'éviter de recourir au tirage au sort comme modalité de sélection lorsque les capacités d'accueil sont limitées.

Rationaliser les Comue et réformer l'allocation des moyens

Autre voie proposée : la réforme des modalités d'allocation des moyens aux universités, qui pourraient reposer sur l'attribution d'une dotation au titre du contrat pluriannuel "fixée tous les cinq ans après un audit approfondi de l'établissement, et sur la base d'un modèle prenant en compte l'activité et la performance". Cette recommandation n'est pas nouvelle, la Cour s'étant déjà intéressée, en 2015, à cette piste consistant à fusionner allocation des moyens et contrat de site, à l'occasion de son bilan sur l'autonomie des universités.

Les regroupements d'établissements se retrouvent également sur la sellette. Pour la Cour, la création des Comue (Communautés d'universités et établissements) doit "se traduire par le transfert réel de compétences dans certains domaines dont la gestion immobilière, les achats, la vie étudiante". Ce qui permettrait de limiter la création de nouvelles structures "coûteuses, qui dupliquent les services support déjà présents dans les établissements du site".

Plus d'enseignement pour les enseignants-chercheurs

La Rue Cambon s'attaque également au statut des enseignants-chercheurs et à la répartition de leur temps de travail, "théoriquement partagé à égalité entre enseignement et recherche". Or la modulation de leurs obligations de service "a été systématiquement utilisée pour réduire le temps d'enseignement au profit de la recherche ou de charges administratives". Conséquence : des coûts supplémentaires d'heures complémentaires et de vacations. La Cour propose ainsi d'instaurer une modulation au bénéfice de l'enseignement.

Toujours sur le volet des ressources humaines, la Cour revient sur une proposition de 2015, émise dans le rapport sur l'autonomie des universités. Évoquant la durée de travail des agents publics d'État, elle préconise une augmentation du temps de travail des BIATSS ( personnels ingénieurs, administratifs, techniques, sociaux et de santé et des bibliothèques), "ce qui permettrait d'abaisser le plafond d'emplois de chaque université".

Contrôler l'assiduité des étudiants boursiers

En matière de vie étudiante enfin, la haute juridiction émet l'idée de contrôler l'assiduité des étudiants boursiers, le potentiel de recouvrement des bourses des étudiants non assidus étant évalué à 19 millions d'euros en 2015. Une façon, pour la Cour, de réaliser des économies, alors que le budget des bourses étudiantes est en hausse constante depuis 2012.

Céline Authemayou | Publié le