Lionel Collet, président de la CPU : "La sortie de crise ne dépend pas que de l’évolution du projet de décret"

Propos recueillis par Maëlle Flot Publié le
Lionel Collet, président de la CPU : "La sortie de crise ne dépend pas que de l’évolution du projet de décret"
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Le bureau de la Conférence des présidents d'université (CPU) est de nouveau reçu par la ministre de l'enseignement supérieur et de la Recherche, Valérie Pécresse, ce mardi 3 mars. A l'ordre du jour, la réécriture du décret régissant le statut des enseignants-chercheurs. Lionel Collet, président de la CPU, revient pour Educpros sur la mobilisation des enseignants-chercheurs. Il rappelle que la sortie de crise ne dépend pas que de l’évolution du projet de décret. La question des emplois, la réforme de la formation des enseignants, etc., en sont aussi, selon lui, des facteurs majeurs.

La CPU avait émis à la mi-février de "fortes réserves sur la nature et la durée de la médiation proposée, qui ne répondent pas à l'urgence de la situation". Nous entrons dans la cinquième semaine de mobilisation dans les universités. Etes-vous confiant sur la sortie de crise suite à votre rencontre, le 27 février dernier, avec la ministre et la médiatrice Claire Bazy-Malaurie ?

Je suis confiant sur le fait que le projet sera réécrit et qu’un nouveau décret CNU [Conseil national des universités] sera rédigé. Confiant aussi en raison d’un nouveau passage devant le CTPU. Mais la sortie de crise ne dépend pas que de l’évolution du projet de décret. Les réponses apportées aux autres dossiers en discussion (emplois, réforme de la formation des enseignants, questions relatives aux établissements publics de recherche et à leurs personnels) seront aussi des facteurs majeurs de la sortie de crise.

Le Premier ministre a annoncé la semaine dernière qu'il n'y aurait pas de suppressions d'emplois en 2010 et 2011 dans les universités. Ce geste est-il suffisant à vos yeux ?

J’ai répété que la sortie de crise passerait par un rétablissement des emplois. La mobilisation actuelle des enseignants-chercheurs tient à la multiplicité des projets et au calendrier serré des réformes. Sans oublier la méthode qui aurait pu être différente. La suppression des emplois a constitué ainsi plus qu’une maladresse. Cette décision a été le catalyseur des mécontentements. La CPU avait alerté la ministre en fin d’année, puis le président de la République, par une lettre envoyée début janvier, sur la situation alarmante au sein de nos établissements. Nous notons donc avec satisfaction les annonces du Premier Ministre. Les universités ont connu beaucoup de réformes depuis quelques années : la Loi Programme pour la recherche en 2006, la loi LRU en 2007, l’intégration des IUFM en 2008. Il faut savoir prendre le délai de la réflexion.

La réforme du statut des enseignants-chercheurs peut-elle être encore « sauvée » ?

Elle doit l’être. On ne peut pas ne pas modifier le décret de 1984. Nous en avons besoin pour mettre en place la modulation des services de façon satisfaisante. La modulation se faisait déjà mais pas toujours dans la légalité. Elle doit désormais être encadrée selon des modalités acceptées par la communauté universitaire. Il s’agit donc de nous mettre en conformité avec des pratiques existantes. L’évaluation en elle-même ne pose pas de problème aux enseignants-chercheurs. Ce sont les modalités de sa mise en place qui suscitent les inquiétudes et notamment l’articulation entre le rôle du CNU et l’intervention au niveau local. Il faut que le décret sur le CNU sorte vite.

Les inquiétudes des manifestants portent principalement sur le rôle du président dans l’évaluation des enseignants-chercheurs ?

Jamais à la CPU nous n’avons imaginé que le président puisse arrêter seul le service d’un enseignant-chercheur sans avoir consulté son UFR ou son laboratoire. A l’heure actuelle, l’augmentation des services serait rare à moins qu’elle ne soit demandée par l’enseignant-chercheur lui-même en vue d’une activité de recherche plus dense les années suivantes, par exemple. Aujourd’hui, les présidents servent de boucs émissaires. Ces attaques visent à rendre le président moins légitime, à décrédibiliser les instances exécutives. Car aujourd’hui l’exécutif au sein des universités, ce n’est pas que le président. C’est le conseil d’administration qui détermine la politique de l’établissement et  qui décide dans beaucoup de domaines, dont le vote du budget. En France, le président cumule la présidence des trois conseils. Aux Etats-Unis, l’approche est différente, puisque le président gère aux côtés du Sénat académique.

Valérie Pécresse souhaite une réévaluation de la prime des présidents d’université. Certains enseignants-chercheurs y voient une manœuvre du gouvernement pour vous « acheter » ?

Il n’y a jamais eu de demande de la CPU pour que la prime accordée aux présidents d’université soit revalorisée. Nous avons découvert cette information en octobre dernier lors d’une réunion publique présentant le chantier carrière. La CPU n’est pas un syndicat. Elle représente les établissements et n’est donc pas là pour porter des revendications salariales pour les présidents d’université.

Que pensez-vous de la possibilité d’affecter davantage de professeurs agrégés du second degré (PRAG) dans les universités ?

Avons-nous intérêt à accueillir plus d’enseignants du secondaire dans le supérieur ? Oui, incontestablement, pour le plan Licence et la formation des enseignants notamment. Mais il ne faudrait pas que le niveau L (licence) n’accueille que des enseignants du secondaire car nous perdrions alors ce qui fait la force de l’université, son lien entre enseignement et recherche. Nous sommes en cours de discussion avec les ministères de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur sur cette question.

Propos recueillis par Maëlle Flot | Publié le