Malgré les polémiques, le réseau social pour étudiants Yik Yak se lance en France

Jessica Gourdon Publié le
Malgré les polémiques, le réseau social pour étudiants Yik Yak se lance en France
Après son succès fulgurant aux Etats-Unis, Yik Yak se lance dans les universités franciliennes. // ©  Yik Yak
Le réseau social Yik Yak sèmera-t-il la zizanie en France comme il l'a fait sur de nombreux campus aux États-Unis ? L'application, qui cible les étudiants, est disponible en France depuis le 14 novembre. Un nouveau marché pour cette start-up américaine, au succès aussi polémique que fulgurant.

Pour avoir une idée de ce qu'est Yik Yak, pensez à Twitter. Mais un Twitter anonyme et sans followers, basé uniquement sur l'hyperlocalisation (dans un rayon de 4 kilomètres). Sur le fil de l'application, tous les messages postés par les gens autour de soi, défilent, sans que l'on connaisse l'identité de l'émetteur. Tous les étudiants se trouvant au même endroit (un campus, ou même un amphi : plus le nombre d'utilisateurs est important, plus le rayon est restreint) peuvent poster anonymement des commentaires, ou se répondre entre eux.

L'anonymat, vecteur de dérives ?

Aux États-Unis, le succès a été immédiat. Le réseau est devenu la plate-forme locale sur laquelle les étudiants échangent des observations, des confessions, des blagues ou des informations, protégés et stimulés par le filtre de l'anonymat. Mais les dérapages ont été nombreux. En 2015 comme en 2016, Yik Yak a été au cœur de diverses polémiques, accusé de véhiculer des commentaires racistes, misogynes, homophobes... Et d'être à l'origine de cas de harcèlement de professeurs ou d'élèves.

Des scandales ont éclaté dans une vingtaine d'établissements : University of North Carolina, Michigan State University, Penn State, Eastern Michigan, Emory, Colgate, University of Texas... L'application est également au cœur d'un fait divers tragique – l'assassinat de Grace Rebecca Mann, une étudiante féministe de l'université Mary Washington, qui avait été harcelée sur ce réseau. Certaines universités ont tenté d'interdire Yik Yak sur leurs campus, bloquant son accès sur leurs réseaux – mais ne peuvent pas empêcher les étudiants de s'y connecter via la 4G.

Aux États-Unis, le réseau est devenu la plate-forme locale sur laquelle les étudiants communiquent, protégés et stimulés par le filtre de l'anonymat.

Un réseau actif dans 2.500 universités

Malgré tout, la start-up continue de se développer – elle a levé au total 73 millions de dollars depuis son lancement en 2014 –, mais elle traverse néanmoins une phase difficile. Si Yik Yak compte près de 2 millions d'utilisateurs uniques mensuels selon les estimations de Comscore, son audience stagnerait depuis plusieurs mois.

Elle a aussi connu un revers : la fonctionnalité permettant de s'identifier un minimum, via des pseudonymes, a été vivement critiquée par les utilisateurs lorsqu'elle devenue obligatoire cette année, avant que les fondateurs ne fassent marche arrière au début du mois de novembre.

Yik Yak affirme néanmoins que le réseau social est actif dans 2.500 universités dans le monde, principalement aux États-Unis. Mais aussi au Brésil, en Angleterre, en Indonésie, et peut-être bientôt en France, sa nouvelle cible commerciale.

Un lancement dans les universités franciliennes

"La France est un pays où les 18-25 ans sont très présents sur les réseaux sociaux, et où il y a peu de concurrence", rappelle Lucile Carré, responsable du développement de Yik Yak en France. "Nous sommes satisfaits de notre lancement, cela évolue bien", poursuit-elle.

Elle s'appuie pour cela sur des jeunes "ambassadeurs", des campagnes et des opérations de promotion sur les campus. À son actif, des actions à Paris-8 Vincennes-Saint-Denis, autour de la Sorbonne, à Paris-Nanterre ou encore à Paris-Diderot, avec la mascotte Yik Yak (un renne) et des chaussettes offertes aux étudiants en échange du téléchargement de l'application.

"D'après mes observations, les étudiants français utilisent Yik Yak pour partager des blagues, des impressions sur leurs vies, des confessions, et aussi discuter avec des inconnus. Certains se rencontrent ensuite dans la vie réelle", assure Lucile Carré.

Bien sûr, les possibilités des dérapages existent en France comme aux États-Unis – Yik Yak tente d'y répondre avec un système de modération, a priori et a posteriori, effectué par des algorithmes, et grâce à la communauté d'utilisateurs. "Nous faisons attention à éviter ces problèmes", répond Lucile Carré. Un risque néanmoins inhérent à cette application, qui doit son succès à l'anonymat. Et au sentiment d'impunité qu'elle peut déclencher.

Jessica Gourdon | Publié le