Michel Lussault (président du PRES Université de Lyon) : “Shanghai doit devenir la plateforme privilégiée des partenariats de l’UdL en Chine”

Propos recueillis par Fabienne Guimont, envoyée spéciale à Shanghai Publié le
Michel Lussault (président du PRES Université de Lyon) : “Shanghai doit devenir la plateforme privilégiée des partenariats de l’UdL en Chine”
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L’Université de Lyon (UdL) mise sur Shanghai pour se faire un nom à l’international. Elle organisait, du 16 au 22 août 2010, une semaine thématique* à la demande du Conseil régional de Rhône-Alpes pour animer son pavillon à l’Exposition universelle de Shanghai . Géographe de l’urbain et président du PRES de Lyon-Saint-Étienne, Michel Lussault en était le maître d’œuvre. Il revient sur le développement du pôle universitaire lyonnais. Cette interview ouvre une série d'articles et de reportages réalisés à Shanghai que nous publions en cette rentrée.

Quels intérêts avez-vous trouvés à participer à l’Expo de Shanghai, une expérience inédite pour un PRES ?

En nous demandant d’animer une de ses semaines thématiques à l’Exposition universelle de Shanghai, la Région Rhône-Alpes reconnaissait les compétences de l’UdL et sa légitimité à organiser des événements scientifiques. C’était aussi une manière de dire que le PRES, en s’affirmant, était susceptible d’entraîner les autres acteurs régionaux. Le thème de l’Expo a également enlevé ma décision car il fait partie de ma spécialité. Cela prouve aussi que le PRES n’est pas seulement demandeur de financements, mais qu’il est aussi capable de construire comme un acteur crédible. Un deuxième enjeu était, grâce à cet instrument de communication qu’est l’Expo, de faire rayonner au maximum à l’étranger le site de Lyon-Saint-Étienne comme un élément d’entraînement. Je veux faire de l’UdL une référence en Europe, avec Paris Est, dans les domaines qui vont de l’animal urbain, aux transports, en passant par l’écologie urbaine, la planification, l’urbanisme, le design et la chimie verte. Le troisième enjeu était de structurer des partenariats universitaires et industriels privilégiés par l’UdL. La région a financé cette semaine à hauteur de 300.000 €, l’UdL a amené 100.000 € auxquels s’ajoute la participation de Veolia, qui sera également notre partenaire dans le cadre du Grand emprunt.

Comment se positionne le PRES par rapport à la politique de coopération internationale de ses membres en Asie ?

Shanghai doit devenir la plateforme privilégiée des partenariats de l’UdL en Chine. À terme, une représentation permanente de l’UdL devra être installée autour de l’antenne de l’EM Lyon déjà présente à l’ECNU. Nous devons cibler nos partenariats sur les universités de Fudan , Jiao Tong , Tongji et l’ECNU. L’Expo nous a d’ores et déjà permis de renforcer nos partenariats avec l’université de Tongji d’où sont venus la moitié de nos visiteurs chinois à nos conférences. La semaine de l’enseignement supérieur organisée sur le pavillon Rhône-Alpes en octobre 2010 nous permettra de rencontrer les présidents de ces universités. Nous devons aussi nous positionner par rapport à Tokyo, Séoul et Taïwan. Un accord-cadre est en cours d’élaboration avec l’université Todai (Tokyo) pour accueillir en 2011 le Todai forum à Lyon. L’université d’été de Lyon se tiendra à l’université de Sendai en octobre 2010. On veut ainsi montrer à nos membres que l’UdL ça marche et que le PRES n’enlève rien à personne mais apporte à tout le monde.

Qu’est-ce que les PRES apportent aux universités ? Certains dénoncent une contradiction entre cette politique de regroupement, alors que les universités sont aussi conduites à devenir des établissements plus autonomes.

Autonomie et PRES ne sont pas contradictoires. On peut les comparer à l’intercommunalité qui n’a jamais tué les communes. C’est justement quand on est autonome qu’on peut coopérer. La coopération avec le fusil sur la nuque, ce n’est pas ma tasse de thé. Mais je n’aime pas cette gestion boutiquière de l’autonomie défendue par certains : on dirait des notaires en train de compter leurs actes !

Comment l’UdL va-t-elle répondre au Grand emprunt ?

Après le Plan campus qui va nous permettre de réhabiliter nos bâtiments, nous demandons quelque 2 milliards d’euros avec un laboratoire d’excellence sur les mondes urbains (à l’intersection des sciences sociales et des sciences de l’environnement), un équipement d’excellence “Ville et environnement, vers l’éco-campus” et un laboratoire d’excellence sur les transports porté par l’Inrets (Institut national de recherche sur les transports et la sécurité) . Les PRES sont de bons outils pour financer l’enseignement supérieur.

Votre mandat à la tête du PRES s’achève dans un an. Avez-vous des ambitions politiques à la région ou ailleurs ?

Non, je suis parti de Tours pour montrer que je n’avais aucune ambition à la mairie de cette ville, je n’hésiterai pas à recommencer à Lyon. Je suis socialiste et je ne renie pas mes valeurs : je crois au système de mutualisation, de coopération, bon pour gérer le développement stratégique et non pas pour gérer la crise. Je resterai au PRES pour un second mandat si mes collègues m’y réélisent, et seulement si les mutualisations peuvent être approfondies. Ce qui peut me pousser à renoncer, c’est si l’État n’est pas cohérent avec la politique des PRES, mise en place et laissée au milieu du gué. De son côté, Valérie Pécresse a pris depuis quelques mois des positions courageuses en donnant la possibilité aux PRES de délivrer le doctorat, de paraître dans les classements internationaux ou de répondre au grand emprunt, par exemple. Mais je ne suis pas sûr que les PRES soient soutenus à tous les niveaux du gouvernement, notamment à l’Élysée, alors qu’on est en train de montrer que le PRES est efficace nationalement et à l’international, pour mettre en avant le potentiel des compétences scientifiques, au niveau de la vie étudiante ou des coopérations internationales. Avec le Grand Lyon par exemple, le PRES va signer un schéma de développement universitaire métropolitain pour planifier le développement universitaire au niveau de l’agglomération. Il n’y a pas d’équivalent en France.

Le dernier classement de Shanghai vient de sortir et laisse les universités françaises à des places relativement équivalentes aux précédentes éditions malgré la politique des PRES censée faire remonter les établissements dans les rankings internationaux…

Personne en Chine ne parle du classement de Shanghai. Il n’y a que les Français pour se prendre la tête avec ce classement. Les rankings thématiques – utilisés par l’ANR (Agence nationale de la recherche) ou dans la sélection des projets du grand emprunt – me préoccupent davantage que ce classement. Pour sa dernière édition, les PRES n’ont pas été pris en compte en tant que tel. Je pense que les indicateurs bibliométriques doivent être agrégés au niveau du PRES et non des établissements. Par ailleurs les universités françaises sont handicapées dans ce classement de Shanghai car le nombre d’étudiants des premiers cycles y est surreprésenté. L’UdL a par exemple 130.000 étudiants pour 5.000 doctorants alors que la proportion à Harvard y est d’un tiers. D’un autre côté, les grandes écoles pâtissent de leur trop petite taille. Les politiques ont fait du classement de Shanghai un outil de critique du système d’enseignement supérieur français.

Une coopération Rhône-Alpes-Shanghai stratégique

“La délégation d’universitaires, d’experts, d’artistes [venue dans le cadre de la semaine thématique de l’UdL*, NDLR] pourra être sollicitée dans le cadre de nos futures coopérations.” Pour Sarah Boukaala, l’élue à la jeunesse de la Région Rhône-Alpes, l’Expo de Shanghai est une nouvelle occasion pour approfondir la coopération bilatérale avec la municipalité de Shanghai entamée en 1986. Depuis, un jumelage a été signé en 2008 et un accord-cadre sur les transports et le développement durable en mai 2010. “Les liens entre établissements français et chinois sont difficilement établis sans ces liens institutionnels. Notamment pour obtenir des visas avec la Chine par exemple”, poursuit-elle. Les 3.000 étudiants chinois forment la première nationalité parmi les étudiants étrangers accueillis en Rhône-Alpes. Ce chiffre a décuplé en six ans. Sur les 500 bourses de mobilité offertes par la région, 400 sont attribuées à des Chinois, dont deux tiers viennent de Shanghai.

* Conférences en français et mandarin, expositions et séminaires se sont tenus autour du thème “la ville post-carbone” à l’Expo et dans les universités shanghaiennes Tongji et de l'ECNU (East China Normal University) .

Propos recueillis par Fabienne Guimont, envoyée spéciale à Shanghai | Publié le