Opération Campus : le PRES de Bordeaux joue gagnant

Fabienne Guimont Publié le
Sur les 46 dossiers déposés pour l’Opération campus, le jury, réuni le 28 mai 2008, a retenu six projets localisés dans des grandes villes de province : Bordeaux, Grenoble, Lyon, Montpellier, Strasbourg et Toulouse. Valérie Pécresse a avalisé ce choix. Arrivées en ordre dispersé pour présenter pas moins de treize projets, les universités parisiennes brillent par leur absence au terme de cette première sélection. A l’inverse, en réunissant ses quatre universités, trois écoles d’ingénieurs et l'IEP, le PRES de Bordeaux a séduit le jury. Retour sur cette collaboration fructueuse.

La carte du PRES a payé à Bordeaux. Lorsque l’Opération campus est lancée, l’enjeu est de savoir si l’université des sciences et technologie Bordeaux 1 va déposer un projet en solo ou si elle décide de collaborer avec les autres membres du PRES Université de Bordeaux qui vient de se constituer. Comme deux autres universités françaises, Bordeaux 1 vient en effet de travailler sur un contrat de partenariat public-privé (PPP) autour d’un audit sur son patrimoine immobilier et financier avec le concours de l’Etat. Coût envisagé : 245 millions d’euros comprenant la requalification de 212 000 m2 de locaux et la construction de 6000 m2, avec leur maintenance sur 25 ans.

Trois départements sur le modèle anglosaxon

« Bordeaux 1 a joué la carte du PRES. Nous avons défendu le fait que son expérience pouvait nous servir, avec une analyse fine de son immobilier. Même si la partie immobilière était très importante, nous avons montré qu’elle était au service d’un projet scientifique et pédagogique construit autour de trois grands départements – biologie santé, sciences dures, sciences humaines et sociales – s’affranchissant des frontières des établissements actuels. L’idée est celle d’un campus ouvert sur la ville dont les sites sont principalement reliés par le tramway », explique Daniel Hickel, qui a suivi le dossier en tant que chargé de la stratégie et des grands projets au sein du PRES. Le projet développe aussi un volet vie de l’étudiant et accueil.

538 millions demandés

Sur les 538 millions d’euros demandés dans le projet de l'Opération campus, tout n’a pas été retenu par le ministère de Valérie Pécresse. Les sites Carrière (biologie santé autour de Bordeaux 2) et Victoire (une partie des sciences humaines et sociales) ne rentrent pas dans le périmètre  finalement limité à Talence-Pessac-Gradignan. Bordeaux 1 en revanche en sort gagnant.

Le fort engagement des collectivités territoriales dans l’enseignement supérieur et la recherche n’a pu que retenir également l’attention bienveillante du jury. Le Contrat de Plan Etat-Région par exemple de 178 millions d’euros sur la période 2007-2013 est supérieur de 58 millions à la part mise par l’Etat. Ce qui place la région en deuxième position pour l’investissement. S’y ajoutent 50 millions d’euros d’aide régionale annuelle. Les projets d’aménagement du campus au sein de la ville vont recevoir également 35 millions d’euros de la Communauté urbaine de Bordeaux.

La suite des opérations

D’ici novembre 2008, comme les autres lauréats, le PRES doit remettre un dossier au ministère avec son projet affiné. Nouveau venu dans le monde universitaire, la Caisse des dépôts d’Aquitaine devrait l'aider à réaliser le cahier des charges et à financer un cabinet pour réaliser l’évaluation préalable du projet. « On a discuté pendant un an, maintenant on va passer à la pratique », résume Xavier Roland-Billecart, son directeur général. « C’est un très bon dossier, original, de campus urbain qui fédère des enseignements dispersés ce qui est bien pour se faire repérer internationalement. Bordeaux avait une grosse avance avec la mobilisation de Bordeaux 1 et son immobilier est le plus dégradé. On discute aussi avec eux sur le numérique, le logement étudiant, la valorisation de la recherche, l’innovation ». Pour l’instant, une filiale Caisse des dépôts/Université de Bordeaux pourrait être créée. Elle servirait de maîtrise d’ouvrage au partenariat public-privé qui, lui, assurerait la réhabilitation et la maintenance du patrimoine immobilier universitaire sur 25 ans. La filiale se chargerait de payer les loyers à un opérateur privé. Au plan national, 10 millions d’euros seront consacrés par la CDC en 2008 pour accompagner financièrement et techniquement les projets des universités à condition qu'elles en fassent la demande. 

Bordeaux bénie des dieux

Les millions se récoltent presque à la pelle sur les campus de Bordeaux ces jours-ci… La région Aquitaine vient d’annoncer le lancement du projet Neurocampus : un investissement de 60 millions d’euros finançant la construction de quatre bâtiments de recherche sur le campus de Bordeaux 2. Objectif : doubler le potentiel de recherche local. La vitrine bordelaise à l’international risque d’être bien achalandée.

Les gagnants et les perdants

Si les villes moyennes avaient été bien dotées par les plans U3M et U2000, la première sélection de l’Opération campus a favorisé des métropoles régionales. Et plutôt au Sud d’une ligne Strasbourg-Bordeaux, mettant l’Ouest à l’écart. Les projets des universités parisiennes ont jusqu’à présent été retoqués par le jury. Ils jouent trop perso et l’éparpillement des sites immobiliers rebute, surtout au regard des universitaires étrangers. Résultat : Valérie Pécresse a essayé de mettre les établissements du plateau de Saclay autour d’une table et a lancé une mission d’audit sur l’immobilier parisien. Autre chance de rattrapage pour eux : quatre dossiers parisiens – Paris-Centre, Paris-Est, Paris-Aubervilliers et Saclay – figurent dans la short-list pour le second tour de l’Opération, en juillet. Trois projets provinciaux sont aussi bien placés : Aix-Marseille, Lille et Nancy-Metz. Les dix heureux élus auront à se partager les fruits du placement des cinq milliards d’euros récupérés par l’Etat suite à la vente d’une partie d’EDF. Ils permettront de payer les loyers sur 25 ans des locaux qui auront bénéficié de l’Opération campus. Et les autres ? Cergy-Pontoise, Dijon, Le Havre et Valenciennes devraient avoir une rallonge selon la ministre pour la grande qualité de leur projet. L’Unef s’inquiète du fait que beaucoup de projets retenus laissent de côté les sciences humaines en rappelant aussi que « 30% du patrimoine universitaire est en état de dégradation, 15% des campus sont inadaptés à leur mission, et la moitié des campus n’a pas été rénové depuis 30 ans ». Après les palmes, les bonnets d'ânes risquent d'être durs à porter.

Fabienne Guimont | Publié le