Parcoursup sous l’œil d’un comité scientifique et éthique

Natacha Lefauconnier Publié le
Parcoursup sous l’œil d’un comité scientifique et éthique
Frédérique Vidal, entourée de Noëlle Lenoir (à gauche) et de Gérard Berry (à droite), présidente et vice-président du comité scientifique et éthique de Parcoursup. // ©  MESRI/XR Pictures
Remettre un peu d'humanité dans Parcoursup. Le vœu de la CNIL est exaucé, mercredi 7 février 2018, avec la désignation des six membres du comité scientifique et éthique, présidé par Noëlle Lenoir. Cet organe indépendant veillera à la transparence de la plate-forme et proposera des améliorations au ministère de l’Enseignement supérieur.

"Six fortes personnalités" composent le comité scientifique et éthique de Parcoursup, selon les termes de sa présidente, Noëlle Lenoir, qui promet que “les débats seront animés”. Ancienne ministre et ex-directrice juridique de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés), elle souligne l’indispensable indépendance du comité. "Nous serons informés de tout ce que l’on veut savoir !" promet-elle.

À ses côtés, le vice-président, Gérard Berry, qui tient la chaire "Algorithmes, machines et langages" au Collège de France. Les quatre autres membres sont Max Dauchet, professeur émérite de l’université de Lille, Julien Grenet, chercheur en économie au CNRS, Laure Lucchesi, directrice d’Etalab, et Catherine Moisan, présidente du conseil de l’Espé de Créteil et ancienne directrice de la Depp (direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance). Tous sont désignés pour deux ans renouvelables.

"J’ai souhaité un comité paritaire, interdisciplinaire et interprofessionnel", précise Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, avant d’ajouter que ce comité resserré permettra "un dialogue fluide" et pourra l’interpeller "autant de fois que nécessaire".

"Ressusciter la confiance"

Annoncée fin septembre 2017, la création d’un comité d’éthique pour Parcoursup fait suite à la mise en demeure de la CNIL sur le manque de transparence d’APB. La commission avait pointé la nécessité d’une intervention humaine dans la procédure d’admission postbac.

Voilà qui est chose faite. Frédérique Vidal réaffirme sa volonté de "ressusciter la confiance" des candidats et des familles dans le principe d’une plate-forme numérique. Devant l’augmentation du nombre d’étudiants à chaque rentrée (+ 38.000 en 2017, + 28.000 attendus pour 2018), pas question de se passer d’un traitement informatique des candidatures.

"Le couple homme/machine est indispensable, affirme la ministre de l’Enseignement supérieur. L’algorithme gère la mise en correspondance des vœux des étudiants avec les formations, mais c’est à l’humain que revient la partie orientation et la prise de décision."

Réintroduire transparence, loyauté et sens

Le comité scientifique et éthique devra garantir trois grands principes du système, à commencer par sa transparence. Il devra ainsi veiller à ce que Parcoursup applique les règles légales et que celles-ci soient compréhensibles par tous les citoyens. "Ce doit être une boîte blanche et plus une boîte noire", insiste Frédérique Vidal, faisant allusion à l’expression utilisée par son prédécesseur Thierry Mandon (alors secrétaire d'État), en décembre 2015, pour désigner le code source d’APB.

L’algorithme de Parcoursup devra également respecter le principe de loyauté défendu par la CNIL. Le comité sera le gardien de son lien de subordination aux décisions politiques. Par ailleurs, "le lycéen gardera la maîtrise de son choix d’orientation", rappelle la ministre, puisqu’il n’y a plus de hiérarchisation des vœux.

"Il existe des algorithmes dont on ne comprend pas bien le fonctionnement, mais ce n’est pas le cas de celui de Parcoursup", précise Gérard Berry, vice-président du comité. "Celui-ci fait exactement ce qui est écrit." L’instance se prononcera également sur les conditions d’ouverture du code informatique de la plate-forme.

Quid des algorithmes qu’utiliseront les universités pour la gestion des candidatures en licence ? “S’il y a un traitement informatique, il y pourra y avoir un avis du comité”, tranche Frédérique Vidal.

Enfin, l’organe se fera l’écho des grands questionnements (moraux, déontologiques…) relatifs aux sciences numériques. "Ce n’est ni une instance de contrôle ni une instance de recours, mais une instance de conseil permanent et de veille", résume Frédérique Vidal. Un éclaireur inscrit dans une démarche scientifique, qui nourrira la décision de ses propositions.

Suivi en temps réel et rapport annuel

Concrètement, le comité suivra "en temps réel" le fonctionnement de la plate-forme. "Nous allons regarder comment il rencontre les souhaits des étudiants, détaille Noëlle Lenoir. Nous tiendrons des débats internes en fonction de ce que les familles, les organisations représentatives et les médias montrent comme inquiétudes." La présidente précise que le comité rencontrera les équipes techniques de la plate-forme, hébergées à l’INP Toulouse.

Si des modifications sont nécessaires dans les règles de la procédure ou dans les choix techniques, le comité donnera son avis et "veillera à ce qu’on reste dans les clous du réglementaire et de la loi", assure Frédérique Vidal. L’instance n’aura aucun lien avec la CNIL, qui pourra elle-même procéder à un audit de Parcoursup.

À la fin de la procédure, le comité scientifique et éthique rendra un rapport annuel public à la ministre. "Notre rôle est de permettre que des adaptations soient apportées le plus rapidement possible, dans le respect de la loi", conclut Noëlle Lenoir.

Loi qui n’est pas encore votée, malgré l’ouverture de Parcoursup le 15 janvier dernier : le projet est examiné au Sénat en séance publique les 7 et 8 février 2018.


Loi ORE : un recours devant le Conseil d'État

La mise en place du projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants (loi dite "ORE"), avant même qu’il ait été débattu et adopté au Parlement, constitue "une entorse majeure au bon fonctionnement de notre démocratie", selon le groupe CRCE (communiste, républicain, citoyen et écologiste) du Sénat. Ce dernier a déposé un recours en référé-suspension devant le Conseil d'État de l'arrêté pris par la ministre Frédérique Vidal le 19 janvier dernier, pour rendre opérationnel le traitement automatisé de données à caractère personnel dans Parcoursup. Les organisations syndicales Snesup-FSU, Ferc-CGT, Unef et UNL se sont associées à ce recours. En parallèle de la démarche judiciaire, des marches de mobilisation contre la réforme se sont tenues les 1er et 6 février 2018.

Natacha Lefauconnier | Publié le