États-Unis : des réseaux sociaux qui simplifient la vie des universités

Guillaume Mollaret, envoyé spécial à San Francisco Publié le
États-Unis : des réseaux sociaux qui simplifient la vie des universités
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Afin de lever des fonds, de souder leurs équipes ou d'attirer plus d'étudiants, les campus américains développent leurs propres communautés en ligne. Ces expériences, présentées lors de la convention Dreamforce à San Francisco mi-octobre 2014, n'en sont pour l'heure qu'à leurs balbutiements, mais elles préfigurent ce que les universités voudraient généraliser à travers leur "campus connecté".

Puisque Facebook est né du cerveau d'un étudiant de Harvard, pourquoi les universités ne remporteraient-elles pas le même succès en fédérant une communauté autour de leur propre réseau social ? C'est peu ou prou en partant de cette réflexion que des universités américaines ont décidé de développer leur propre réseau social. Elles sont venues présenter leurs initatives à la convention de Salesforce à San Francisco mi-octobre 2014. Leader mondial de la gestion de données clients spécialisé dans le cloud, la société américaine propose des solutions aux universités pour développer ces nouveaux services.

“L'un des enjeux majeurs pour nos universités est de conserver leurs étudiants, explique Sandra Sanvido, directrice du développement Enseignement supérieur pour Salesforce. Plus d'un tiers d'entre eux changent d'établissement d'une année sur l'autre. Il faut donc que les universités s'adaptent au besoin de ce que nous n'avons pas peur d'appeler ici des clients.” Outre-Atlantique, les dotations d'État (aussi) diminuent. Pour conserver leur niveau de services, les universités n'ont donc pas d'autre choix que de lever de nouveaux fonds et de fidéliser au maximum les étudiants à leurs programmes. Une démarche qui commence dès la phase de recrutement.

MIEUX CIBLER LE RECRUTEMENT DES ÉTUDIANTS

Bien sûr, les universités consultent les classements afin de draguer les majors de promotion, mais pour les autres, la chasse débute dès les salons ou la consultation du site Internet de l'université... Les dossiers que remplissent en ligne les postulants, et ceux que les établissements remplissent eux-mêmes lors des salons, permettent une proposition de formation ciblée. “E-mail, SMS, message via Facebook ou Twitter...  Développer une application nous donne la possibilité de savoir quand le message a été lu et le temps qu'il a fallu pour que l'étudiant y réponde. En fonction, cela nous permet, grâce à une interface écran unique, de lui adresser à notre tour un message par le canal d'information qu'il a choisi”, vante Roger Lurie, directeur du service information à ASU (Arizona State University).

Une stratégie sur les réseaux sociaux a également été mise en place avec une veille en direct et par mot-clé sur Twitter, LinkedIn, Instagram, Facebook... “Vous pouvez choisir de l'ignorer ou de le prendre en main, mais un mauvais commentaire sur votre université ne doit pas seulement faire l'objet d'une réponse. Il doit également être pris en compte pour améliorer le service visé”, plaide Leah Lommel, vice-présidente chargée du développement des technologies de l'information au sein d'ASU.

FIDéLISER LES ÉTUDIANTS

Pour impliquer aussi les  étudiants étrangers, ASU leur a dédié un réseau social. Chacun des 200 étudiants inscrits à un programme d'apprentissage de la culture américaine peut, sur son profil, voir où il en est de sa scolarité, de la validation de ses diplômes, de son cursus d'inscription, du rendu de ses travaux de groupe. “D'autres éléments sont mis en ligne dans des foires aux questions que l'on peut chercher par mot-clé. Ces questions sont classées par ordre de popularité et ne sont pas fermées. Un étudiant peut ainsi ouvrir le champ de questions en demandant où se trouve la laverie la plus proche de chez lui ou encore s'il y a des hôtels situés à proximité du campus pouvant accueillir ses proches”, poursuit Mark Kaech, enseignant. Conviviale, l'application de discussion présente une interface au confluent de celle développée par Facebook ou LinkedIn. Un environnement numérique familier, en somme, qui a donc pour but de fidéliser les étudiants. Pari gagné pour ASU qui a su conserver 85% de ces effectifs entre la première et la deuxième année.


“Chez nous, profs ou étudiants, les communautés rassemblées sur le réseau social ont relégué le mail au second rang des moyens de communication, poursuit l'enseignant d'ASU. Quand on travaillait avec plusieurs groupes de professeurs, il pouvait arriver, par mail, que l'on oublie d'en prévenir un sur la situation personnelle d'un étudiant. Désormais, chacun a accès à son profil. En outre, les discussions entre professeurs et étudiants sont accessibles par l'ensemble des enseignants. Sauf à avoir inscrit la discussion en messagerie privée, il n'y a pas de 'secret' dans une discussion d'ordre pédagogique. Ainsi, une enseignante peut prendre connaissance de l'historique des échanges entre ses collègues et un groupe d'étudiants ou un étudiant en particulier.”

Les discussions entre professeurs et étudiants sont accessibles par l'ensemble des enseignants. [...] Il n'y a pas de  'secret' dans une discussion d'ordre pédagogique.
(Mark Kaech - Arizona State University)


IMPLIQUER LES ENSEIGNANTS DANS LES TRAVAUX À RENDRE

Car ces réseaux servent autant aux étudiants qu'aux enseignants. Quand elle a créé le programme “College for America”, en 2012, Southern New Hampshire University a souhaité innover avec une formation continue par correspondance délivrant un Bachelor Degree sans cours, ni crédits à comptabiliser, mais en basant son évaluation sur les connaissances déjà acquises par l'étudiant dans sa vie professionnelle.

“La gestion du rendu de devoirs par correspondance, notamment pour les travaux de groupe, implique un engagement des enseignants à répondre dans les 48 heures aux étudiants, détaille David MacWhinnie, l'un des responsables du programme. Ces derniers bénéficient chacun d'un “coach” à même de répondre à leurs attentes. En moyenne, le temps de réponse, que nous sommes en mesure de constater grâce au back office de notre réseau social, s'élève à 29 heures en moyenne. L'évaluation se fait donc en direct. De même, nous pouvons constater le nombre de connexions de l'étudiant au réseau et ainsi surveiller son assiduité.”


UNE AIDE À LA LEVéE DE FONDS

Autre atout de ces réseaux sociaux internes : gagner en efficacité, notamment pour l'enjeu crucial du fundraising. Face à la baisse des dotations d'État, les universités américaines sont amenées à réorganiser leurs services chargés de lever des fonds auprès d'entreprises ou de particuliers. Au Worcester Polytechnic Institute, ce sont ainsi 200 millions de dollars sur cinq ans qui doivent être trouvés. “Nous devions absolument nous montrer plus organisés afin de gagner du temps dans nos prospections”, reconnaît Cheryl-Ann Cerny, qui travaille au sein d'un service dédié de 12 personnes.


La plateforme mise en place permet notamment de dresser un état des lieux immédiat quant à l'argent récolté pour le compte de l'établissement. Et, à l'instar de l'entreprise, permet de voir qui est en avance ou en retard sur les objectifs fixés par la direction. Un chiffre en libre accès et en temps réel pour les 12 utilisateurs qui évite bien des réunions de services. “Le fait de pouvoir échanger sur notre propre réseau social nous libère du temps pour prospecter.” Et la responsable de service de rappeler que cet accompagnement technique permis par la plateforme ne doit pas être perçu comme une solution miracle, dans son cas, comme celui de ses confrères. “Il ne suffit pas d'installer un nouvel équipement. Les équipes doivent y être formées. Cela implique également une restructuration humaine des services avec de nouvelles répartitions de tâches.” Les réseaux sociaux n'ont pas fini de bouleverser les universités américaines... comme celles du Vieux Continent.

Guillaume Mollaret, envoyé spécial à San Francisco | Publié le