Ranking Vs mapping : le choix français

CM et MF Publié le
Plutôt que de cauchemarder sur les résultats du prochain classement de Shanghai, les universités européennes n’auraient-elles pas intérêt à réaliser leur propre palmarès ? Ce raisonnement, repris par Valérie Pécresse le 4 avril 2008 lors du colloque de la Conférence des présidents d’université, organisé cette année à Bruxelles, n’est certes pas nouveau. Il pourrait bien néanmoins, à l’occasion de la présidence française de l’Union européenne, prendre forme. D’autant que les présidents d’université y sont désormais favorables.

La nécessité d’un classement européen. Valérie Pécresse veut en finir avec le monopole mondial du palmarès de l’université Jiao Tong de Shanghai. « Nous connaissons les limites du classement de Shanghai, sa démarche essentiellement basée sur la recherche. Il a le défaut d’exister et d’être consulté par les étudiants et les chercheurs du monde entier », regrettait la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Elle souhaite le contrer en élaborant « des indicateurs qui permettraient de construire notre propre modèle ». Pour cela, il lui faut convaincre « ses » universités, mais aussi ses partenaires européens. Les établissements
français ont conscience qu’il faut mieux s’associer au processus d’élaboration des critères plutôt que de se les voir imposer.

Le CHE, un modèle à suivre ? Pour mettre en oeuvre ce classement, la France s’inspirera sans aucun doute de la méthodologie du CHE. Le travail de ce centre de recherche allemand est bien plus consensuel que celui de Shanghai, en passe de devenir « the » modèle à ne pas reproduire. Le principal reproche fait à l’étude chinoise est son entrée par établissement, alors qu’il serait préférable, pour ménager les susceptibilités, de tenir compte, d’une part, des spécificités des universités, et d’autre part, d’introduire des critères multiples, pour aboutir à une cartographie, plutôt qu’à une liste. À un mapping, plutôt qu’un ranking.

Un projet de ranking général. La Commission européenne finance actuellement un projet pilote du CHE dans toutes les disciplines (CHE Hochschulranking) pour les étudiants de Belgique et de Hollande avant de se prononcer sur un éventuel classement européen. Ce projet, déjà expérimenté en Allemagne, en Autriche et en Suisse, s’inspire largement du CHE allemand, cantonné lui aux seules filières scientifiques. Mais ce modèle présente aussi des limites. « Nous nous sommes retirés du classement, il y a deux ans, car nous nous sommes aperçus d’un biais, souligne Jean-Marc Rapp, professeur à l’université de Lausanne. Les enseignants doivent citer trois universités, hors la leur, dans lesquelles ils enverraient leurs enfants, et en Suisse romane, aucun universitaire ne connaît les établissements de Suisse alémanique, et vice versa. »

Six mois pour convaincre. Côté français, la DEPP est dans les starting-blocks. Elle n’attend que le feu vert de Valérie Pécresse pour se mettre au travail. Les données sont déjà collectées. Reste à construire les indicateurs, ce qui nécessiterait environ six mois de traitement. Ces indicateurs, que la France entend définir au cours de sa présidence de l’UE, pourraient, d’après nos informations, être rendus accessibles au public via un portail Internet. Chaque internaute aurait la possibilité de choisir ses critères selon son profil, qu’il soit étudiant (avec le taux de réussite en licence par exemple) ou chercheur (avec le nombre de doctorants) pour sélectionner l’établissement de son choix. Le classement global prendrait, lui, la forme de
plusieurs cartes avec, pour chaque catégorie d’établissements (scientifiques ou littéraires par exemple), un modèle type et les écarts par rapport à ce modèle, pour chaque indicateur. Valérie Pécresse a commencé une tournée des capitales européennes pour convaincre du bien-fondé de sa démarche, un voyage au cours duquel « les petits pays avaient une oreille attentive ».
 

CM et MF | Publié le