Réforme du bac et entrée à l’université : deux concertations "étanches"

Erwin Canard, Laura Taillandier Publié le
Réforme du bac et entrée à l’université : deux concertations "étanches"
Lors de sa conférence de presse de rentrée, Jean-Michel Blanquer a laissé la porte de la discussion autour de la réforme du baccalauréat grande ouverte. // ©  Gilles Rolle/REA
Alors que la concertation sur l'entrée à l'université débute, celle sur la réforme du baccalauréat n'est pas prévue avant plusieurs semaines. Une déconnexion des deux discussions qui suscite l'incompréhension des syndicats enseignants, pour qui baccalauréat et entrée à l'université sont indissociables.

Rien n'est arrêté. Tout est possible". Lors de la conférence de presse de rentrée, mardi 29 août 2017, Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale, a laissé la porte de la discussion autour de la réforme du baccalauréat grande ouverte. Le nouveau bac devrait être en vigueur en 2021, et précédé d'une mise en route progressive d'une réforme du lycée : en classe de seconde pour la rentrée 2018, en première en 2019 et en terminale en 2020. Un étalement sur trois ans similaire à celui de la précédente réforme du lycée, en 2010.

Une concertation au plus tôt en octobre

Ce remaniement du bac sera le fruit d'une concertation entre le ministère et les partenaires sociaux. Une discussion sur laquelle plane, pour l'heure, un certain flou : son calendrier n'est pas encore connu. Prévue pour "l'automne", elle pourrait débuter courant octobre, voire après les vacances de la Toussaint.

Jean-Michel Blanquer a annoncé, le 29 août, la nomination, d'ici à la fin du mois de septembre, de deux experts chargés de mener cette concertation. Ceux-ci pourraient rendre rapidement un premier rapport écrit après avoir consulté différentes organisations (d'enseignants, de lycéens, de parents d'élèves, voire d'étudiants et de représentants de l'enseignement supérieur), qui servirait de base à la concertation.

Mais en cette période de rentrée, les syndicats enseignants se montrent inquiets sur la forme que cette dernière prendra, et notamment sur le fait qu'elle sera distincte de celle sur l'entrée à l'université. "La discussion sur le bac doit être connectée à celle sur les prérequis et traitée au niveau interministériel", plaide Alexis Torchet, secrétaire national du Sgen-CFDT.

Car "une réforme autour des prérequis aura forcément des conséquences sur le lycée", renchérit Frédérique Rolet, secrétaire générale du Snes-FSU. Or, selon elle, pour l'heure, "il y a une étanchéité complète entre les discussions dédiées à l'entrée à l'université et celles consacrées au bac".

Deux calendriers déconnectés

Le symbole de cette déconnexion ? Le calendrier annoncé. La concertation sur le bac devrait, approximativement, débuter au moment où celle sur l'université touchera à sa fin. "Le dossier n'est pas du tout bien engagé. Tant que l'on n'a pas trouvé, au sein du système éducatif, les solutions aux besoins des lycéens en matière d'orientation, on ne peut pas réfléchir à la suite dans l'enseignement supérieur. Là, on réfléchit à l'enseignement supérieur avant le lycée", souligne Claire Krepper, secrétaire nationale du SE-Unsa.

Il aurait été plus facile de lancer d'abord la transformation du bac mais la concertation sur l'université répond à une urgence politique.
(G. Roussel) 

"Quand on sait que la réforme du bac est prévue pour 2021 [alors que des changements sont attendus dès la rentrée 2018 à l'entrée de l'université], il y a de quoi s’interroger sur le calendrier", pointe Pierre Chantelot, secrétaire national du Snesup. Gilles Roussel, président de la CPU (Conférence des présidents d'université) le concède : "Il aurait été plus facile de lancer d'abord la transformation du bac, mais la concertation sur l'université répond à une urgence politique", a-t-il relevé, à l'occasion d'une conférence de presse de l'organisation, le 31 août.

La vice-présidente de la CPU, Fabienne Blaise, y voit tout de même une certaine "logique" : "On analyse les objectifs, puis on adapte ensuite le secondaire, avec le baccalauréat". Sur ce point, l'Unsa Sup' Recherche est satisfait. "Il est important que les deux concertations soient distinctes" mais, en revanche, il ne faut pas "de cloisonnement", note son secrétaire national, Stéphane Leymarie.

Deux concertations cloisonnées ?

Outre le calendrier, c'est le choix même des acteurs participant aux concertations qui pose question. Ainsi, ceux du "scolaire" ne sont pas conviés à la table des discussions sur l'entrée à l'université. "Si nous ne sollicitions pas les autres syndicats de notre fédération lorsque nous rencontrons le cabinet, ils ne seraient pas du tout associés à la démarche", regrette Pierre Chantelot.

Seules la Dgesco (Direction générale de l'enseignement scolaire), des fédérations de parents d'élèves et des organisations lycéennes ont participé au lancement des discussions sur l'université. Mais les syndicats de l'enseignement supérieur comptent bien continuer à associer leurs homologues du secondaire aux onze groupes de travail instaurés au ministère de l'Enseignement supérieur. 

"Il serait invraisemblable qu'il y ait deux réflexions parallèles et qu'à la fin chacune des parties expose ses propositions !" lance Jean-Rémi Girard, vice-président du Snalc. Si c'est le cas, "la montagne accouchera d'une souris. Ce n'est pas à l'université de résoudre à elle seule les problématiques de l'orientation", poursuit Franck Loureiro, secrétaire général adjoint du Sgen-CFDT.

Si ce dernier se dit "assez confiant sur la volonté de Frédérique Vidal de vouloir travailler avec le ministère de l'Éducation nationale", il l'est beaucoup moins concernant le souhait de la rue de Grenelle de faire de même. "L'omniprésence de Jean-Michel Blanquer perturbe les discussions",argumente-t-il. Même constat du côté de l'Unsa Sup' recherche. "Probablement que M. Blanquer parle trop... Et sur des sujets qui débordent de son champ..." observe Stéphane Leymarie.

Pour sa part, la CPU se montre plus optimiste. "Les deux ministères travaillent ensemble. Leurs liens sont beaucoup plus forts qu'auparavant", assure Gilles Roussel. Ce qui laisse un espoir à Stéphane Crochet, secrétaire général du SE-Unsa : "Si l'on n'accorde pas les travaux sur l'enseignement supérieur avec ceux du scolaire, l'idée même du continuum bac - 3/bac + 3 n'a plus de sens." Après une intervention conjointe devant les présidents d'université, le 31 août, à l'université d'été de la CPU, une rencontre entre les deux ministres est inscrite à leurs agendas, le 6 septembre. Un signal positif ?

"Il ne peut pas y avoir de consensus" sur la réforme du bac
Si la nécessité d'une réforme du baccalauréat fait quasiment l'unanimité, la manière de la mener ne fait pas consensus. Si Jean-Michel Blanquer a déclaré que "tout était possible", il a néanmoins rappelé que la volonté du président de la République était bien de réduire le nombre d'épreuves terminales. Or, "nous ne sommes pas du tout favorable à un passage en contrôle continu", déclare Frédérique Rolet, du Snes-FSU. "Il ne peut pas y avoir de consensus sur ces questions-là entre les organisations syndicales, affirme Jean-Rémi Girard, du Snalc. À la fin, c'est la décision politique qui s'imposera. Il faudra alors voir jusqu'à quel degré grandit la contestation…"

Chez les lycéens, on se tient prêt à toute éventualité : "Si le contrôle continu au bac et la sélection à la fac sont instaurés, nous serons favorables à une mobilisation lycéenne et étudiante", explique Coline Mayaudon, déléguée nationale du Syndicat général des lycéens, majoritaire. D'autant que, selon Alexis Torchet, pour éviter une mobilisation de la jeunesse, "le gouvernement pouvait difficilement plus mal s'y prendre, entre la diminution des moyens à dédiés à l'éducation et la baisse des APL…"
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