Eric Charbonnier (OCDE) : "la France a rattrapé son retard en matière d’enseignement supérieur"

Propos recueillis par Isabelle Maradan Publié le
Expert à la direction éducation de l’OCDE, Eric Charbonnier analyse l’édition 2012 de "Regards sur l’éducation 2012", rendue publique mardi 11 septembre 2012. S’il rejoint les priorités du gouvernement en insistant sur la nécessité de faire porter les efforts sur le primaire et sur la formation des enseignants, il préconise une vigilance particulière sur les frais d’inscription dans l'enseignement supérieur en cette période de crise économique.

Regards sur l’éducation 2012 se penche sur les pays de l’OCDE face à la crise. Les indicateurs font-il apparaître une amélioration ou une dégradation de la situation du système éducatif français ?

Il y a certains éléments plus positifs que d’autres, notamment sur l’enseignement supérieur où l’on voit ressortir l’investissement. Globalement, la France a rattrapé son retard , mais il y a tout de même un bémol concernant la proportion de doctorat, où des progrès restent à faire. Seul 1,5% d'une classe d'âge possède un doctorat ou un PhD, en comptant les étudiants étrangers.
Un autre point positif est à noter du côté des enseignants. Ils sont plus jeunes que ce que nous pouvions imaginer. Point positif à modérer puisque leur nombre total a tout de même baissé de 8% dans le secondaire entre 1998 et 2012.

En 2010, vous préconisiez de s’inspirer du Royaume-Uni pour augmenter les ressources des universités en augmentant les frais d’inscription. La crise a-t-elle changé la donne ?

Nous préconisons donc de différencier les frais d’inscription et de les fixer en fonction des études et de leurs débouchés.

A partir du moment où il y a des bourses et des prêts, l’augmentation des frais d’inscription n’a pas d’effet négatif sur l’accès aux études. Mais en période de crise économique, il faut faire attention, parce que le niveau d’endettement des étudiants peut être important. Nous préconisons donc de différencier les frais d’inscription et de les fixer en fonction des études et de leurs débouchés.

Sur quoi les efforts doivent-ils désormais porter ?

L’investissement dans le pré-primaire et le primaire est essentiel. Or, à ce niveau-là, la dépense par élève en France est inférieure à celle du collège et du lycée. Il faut faire porter les efforts sur les premières années d’élémentaire.
Les questions de formation et d’affectation des enseignants sont également importantes pour diminuer l’échec scolaire et le redoublement. En France, les enseignants sont plus jeunes que la moyenne dans les zones d’éducation prioritaires. C’est contreproductif. Nous citons souvent Shanghai, où la logique inverse prévaut, puisque ce sont les enseignants les plus expérimentés qui sont envoyés dans les zones les plus difficiles. Il faut l’envisager avec des primes conséquentes et en repensant les avancées de carrière. 
Enfin, puisque la question des rythmes scolaires est d’actualité, il est important de préciser que ce n’est pas en changeant les rythmes que nous allons changer le système. Un exemple ? Les Pays-Bas et la France ont beaucoup d’heures de cours. La Finlande et la Norvège en ont peu. La France et la Norvège réussissent moins bien que les Pays-Bas et la Finlande. Cette réflexion sur les rythmes doit être connectée au reste : les méthodes pédagogiques, la formation, les investissements dans l’éducation. 

Le taux de déscolarisation des 15-19 ans augmente

C’est l’un des enseignements des indicateur du rapport annuel de l’OCDE, Regards sur l’éducation 2012. Les jeunes de 15 à 19 ans non scolarisés étaient 11% en 2000 et 16% dix ans plus tard en France. Ces jeunes gens déscolarisés sont à 71% sans emplois ou inactifs en France, contre 47% en moyenne dans les pays de l’OCDE. En période de crise économique, le diplôme reste plus que jamais le principal rempart contre le chômage en France.

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Propos recueillis par Isabelle Maradan | Publié le