Rénovation des bacs STI et STL : des profs dénoncent un souci d’économie

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Les motivations affichées par le ministre de l’Education nationale pour rénover les séries STI et STL ne suffisent pas à convaincre l’ensemble des enseignants des filières technologiques Ils étaient une soixantaine à manifester leur désaccord devant le ministère le 24 mars 2010.

Avant que le ministère ne présente le nouveau profil des séries technologiques STI et STL le 1er avril 2010, devant le conseil supérieur de l’éducation (CSE), une soixantaine d’enseignants et lycéens ont manifesté l’après-midi du 24 mars 2010 devant le ministère de l’Education nationale, rue de Grenelle à Paris. Représentants les filières de la voie technologique, ils dénonçaient la disparition de certains enseignements spécifiques au profit d’enseignements plus transversaux.


Des bacs technos beaucoup moins technos

C’est le cas de Philippe Bua, enseignant en génie civil au lycée du BTP, rue Saint Lambert, dans le 15ème arrondissement de Paris, qui craint une « baisse du niveau des élèves en BTP, car il n’y aura plus que 5 heures d’enseignements spécifiques des matières liées au BTP dans la future 1ère STI architecture et construction, contre 15 heures aujourd’hui en génie civil, et 9 heures au lieu de 15 dans la future terminale ». D’après lui, la spécialité « architecture et construction » du bac STI ne sera plus qu’une thématique parmi d’autres. « Et comme 80% d’entre eux continuent actuellement en BTS ou DUT génie civil, le niveau du BTS risque de baisser. C’est peut être le but, avance Philippe Bua. Comme ça plus de bacs pros technicien d'études du bâtiment pourront y entrer. »

Moins de TP : un moyen de faire de économies 

L’enseignant, qui milite par ailleurs au SNES-FSU, est persuadé que la réforme vise à supprimer des postes d’enseignants, en baissant le nombre d’heures de cours des disciplines technologiques et les dédoublements. Un avis que partage Bruno Isselin, professeur de génie chimique en STL au lycée d’Arsonval, à St Maur-des-Fossés (94). « Le gouvernement s’apprête à faire des économies importantes avec la disparition des TP (travaux pratiques) en 1ère et d’une grande partie d’entre eux en terminale en génie chimique, notamment. Car les expériences coûtent cher en eau, en électricité et en produits chimique. Sans compter le coût de l’encadrement, puisqu’il faut dédoubler les classes ».

Plus d’abstraction: un choix peu adapté au profil des élèves

Bruno Isselin estime que sa matière, dont l’appellation est appelée à disparaître, n’a d’intérêt que s’il y a des TP « parce qu’on travaille sur la transformations industrielle des technologies chimiques ». D’après l’enseignant, il faut ne rien connaître aux spécificités des enseignements et du public accueilli pour vouloir rapprocher la physique et la chimie sous l’intitulé « sciences physiques et chimiques appliquées en laboratoire ». « Aujourd’hui, les trois filières de STL sont très orientées sur le laboratoire. Ce qui permet à nos élèves de se spécialiser et d’acquérir des compétences très pointues dès la 1ère. » Le professeur de génie chimique regrette que le ministère propose une formation plus abstraite à des élèves qui ne maîtrisent pas l’abstraction. «  Ils ne connaissent pas nos élèves les technocrates ! Sinon, ils sauraient que le réforme ne va pas créer mais casser des passerelles », a lancé une enseignante, en quittant le rassemblement. Restait une petite vingtaine de personnes pour l’entendre.

Les voix des syndicats divergent

Le SE-UNSA et SGEN-CFDT sont globalement satisfaits de la rénovation proposée pour les séries STI et STL. En revanche, le SNALC-CSEN et le SNES-FSU rejettent le projet qui viserait, selon eux, à effacer la spécificité de la voie technologique.

Pour le SNES-FSU, la rénovation des séries STI et STL, vise à réduire le nombre de postes d’enseignants dans la voie technologique. « Troncs communs, diminution des horaires, mise en œuvre de l’autonomie… Tout est prêt pour que cette réforme soit un des moyens de suppression de postes d’enseignants », estime le SNES-FSU dans son communiqué de presse du 10 mars 2010 . Pour le syndicat, la généralisation des enseignements est faite pour que « la spécificité de la voie technologique, c’est-à-dire ce qui a permis la réussite des jeunes, soit effacée du second degré ».
Une critique partagée par le SNALC-CSEN, qui associe cette rénovation à une remise en question du « fondement même d'un enseignement technologique (…) ». « Avec 13h00 d'enseignements technologiques sur 32h00 en classe de première et 15 h00 sur 32h00 en classe de terminale, peut-on encore qualifier cette voie de formation de voie technologique ? », interroge le syndicat dans son communiqué du 10 mars 2010 . Pour le SNALC, « le ministère s’est complètement fourvoyé sur l’objectif de la réforme » en proposant de « faire de la voie technologique une voie plus générale », au lieu de tendre vers « une plus grande polyvalence (couvrir davantage de domaines technologiques) ».

SE-UNSA et SGEN globalement satisfaits

Pas d’opposition majeure en revanche du côté du SE-UNSA. Pour Christian Chevalier, secrétaire général du syndicat, le projet de rénovation proposé par Luc Chatel affiche clairement que « la voie technologique, comme la voie générale, a vocation à préparer les élèves à la poursuite la poursuite d’études dans l’enseignement supérieur ». Un avis partagé par le SGEN-CFDT, à qui les propositions du ministre conviennent, précise le communiqué du 11 mars 2010 . e secrétaire général du SE-UNSA exhorte toutefois le ministre à « assumer jusqu’au bout la logique affichée d’égalité entre les voies technologique et générale », précisant dans son communiqué de presse daté du 9 mars 2010  que « cela passe en particulier par le respect de son engagement en faveur de l’enseignement obligatoire de deux langues vivantes étrangères pour tous les élèves ». Et Christian Chevalier, secrétaire général du SE-UNSA,  rappelle que cette rénovation doit être « accompagnée d’un plan ambitieux de formation et de reconversion pour les personnels ». Un plan de formation « négocié », insiste le SGEN-CFDT, « pour que les personnels puissent être véritablement acteurs de cette réforme et pour que les personnels soient respectés »

Un plan de formation annoncé par Luc Chatel

Lors de la présentation du projet de rénovation , qui sera soumis à l’avis du CSE (conseil supérieur de l’éducation) du 1er avril 2010, le ministre de l’Education nationale a annoncé la mise en place d’un plan de formation (…) dans les académies dès la rentrée 2010 sur la base d’un cahier des charges national destiné à « accompagner les enseignants dans la mise en œuvre de cette réforme ».

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