Première rentrée post-Parcoursup : une année test dans les universités

Laura Taillandier, Éléonore de Vaumas Publié le
Première rentrée post-Parcoursup : une année test dans les universités
A l'université de Montpellier, théâtre de violents débordements l'an passé, le président s'attend à une rentrée sereine. // ©  UM - Miss Buffet froid
Après une année éprouvante, synonyme de blocages et de déploiement de la réforme de l'entrée en licence au pas de course, les établissements abordent la première rentrée de l'ère Parcoursup. Avec pragmatisme, voire défaitisme, alors que de nombreux chantiers restent encore à mener.

"Radicalisation des positions", "désaccords violents entre collègues", "stress et surcharge de travail", "multiplication des pressions", "stigmatisation de ceux qui ont pris en charge Parcoursup"... À la mi-mai 2018, lorsque la rédaction d'EducPros a interrogé les personnels des universités sur leurs conditions de travail, nombreux sont ceux qui ont dressé un tableau sombre du climat dans leur établissement.

En pleine mise en place de la loi ORE et alors que les universités connaissaient des blocages et débordements parfois violents, les témoignages faisaient état de fortes oppositions entre les personnels, avec l'équipe dirigeante ou même entre les étudiants. Une situation allant jusqu'à instaurer une "grande fracture au sein des UFR et de l'université".

"Une ligne rouge a été franchie"

"Une ligne rouge a été franchie. Il y a eu, de la part de certains enseignants, une attitude inédite : une opposition très forte au sein des équipes allant jusqu'à empêcher certains de pouvoir travailler", estime Franck Loureiro, cosecrétaire général du Sgen-CFDT. Et d'illustrer : "À Toulouse, des collègues n'avaient pas accès à leur laboratoire, dans d'autres universités, ils n'ont pas pu superviser les examens."

Comment aborder la rentrée après cette année mouvementée ? "Tirer totalement un trait ne sera pas facile, mais il faut aller de l'avant. Travailler sur les dispositifs d'accompagnement des étudiants prévus par la réforme et reconstruire l'image de l'université qui a été fortement dégradée par ces épisodes", juge-t-il.

Pour le Snesup-FSU, syndicat pourtant opposé à la réforme, les événements de l'année dernière sont déjà loin. "La réforme de l'entrée à l'université est passée. Aujourd'hui, ce qui nous préoccupe, ce sont les conditions techniques et matérielles de la rentrée. Il faut mettre au point les emplois du temps, constituer les groupes de travaux dirigés, trouver des volontaires pour jongler entre les amphis..." expose Pierre Chantelot, le secrétaire national.

L'état d'esprit n'est en revanche pas plus positif, oscillant, selon le syndicaliste, entre "lassitude et désillusion". "Personne n'a envie de faire d'efforts. Les équipes sont déjà fatiguées, comme si les vacances n'avaient pas eu lieu. Ce sentiment déjà prégnant à la rentrée précédente est encore renforcé cette année", regrette-t-il.

Les présidents d'université confiants

Le son de cloche est radicalement différent du côté des présidents d'université qui affichent leur optimisme. "Les troupes sont motivées. Nous attendons la rentrée plutôt sereinement, affirme, confiant, Philippe Augé, le président de l'université de Montpellier, alors que la faculté de droit de son établissement a été le théâtre de violences l'an passé. "Il n’y a pas eu d’effet de débordement comme on pouvait le craindre. Les tensions se sont apaisées dès l’arrêt des blocages des locaux."

Même échos positifs dans les universités de Picardie, Bordeaux, ou encore de Lyon. "Nous devrions pouvoir gérer la rentrée dans des conditions correctes et je ne vois pas de difficulté majeure, tant sur la gestion du nombre d’étudiants inscrits que du point de vue des membres du personnel", abonde Khaled Bouabdallah, le président de l'Université de Lyon et vice-président de la CPU (Conférence des présidents d'université).

Un constat qui tranche avec la rentrée "sous tension extrême" notamment en Île-de-France, prédite par l'Unef, en raison du surbooking pratiqué dans certaines formations. "Parcoursup a amélioré certains éléments mais il ne résoudra pas tout. Comme l'an passé, il y aura des amphis bondés dans les premiers jours qui se clairsèmeront au fil des semaines", tempère Jimmy Losfeld, le président de la Fage.

"La réforme est devant nous"

Pourtant, cette année devrait, comme la précédente, être synonyme de changements dans les établissements qui doivent désormais s’approprier les nouveautés ouvertes par l'arrêté licence. "La réforme est devant nous. Je n’ai pas d’inquiétude sur la mise en œuvre de Parcoursup pour l’entrée à l’université. En revanche, je demande à voir comment améliorer la réussite des étudiants. C'est tout l'enjeu", insiste Manuel Tunon de Lara, le président de l'université de Bordeaux. "Il faudra aller au charbon dans les conseils pour convaincre les enseignants de mettre en place l'évaluation continue intégrale. Même s'il faudra du temps pour que tous ces changements s'opèrent réellement", ajoute Jimmy Losfeld.

Une appropriation qui différera selon les établissements. Quand l'université de Picardie entend, dès la rentrée 2018, réunir une équipe pédagogique pour réfléchir au bloc de compétences, celle de Montpellier se cantonne, pour l'instant, au statu quo. "Il n’est pas question de se lancer dans des opérations de toilettage de maquette avant la fin de quinquennat. On y réfléchira pour la prochaine accréditation", précise Philippe Augé.

"Il ne faut pas rêver à de grands changements, les gens n'en ont pas l'énergie. Ce sera du copier-coller dans l'essentiel des établissements…" pronostique ainsi Pierre Chantelot. D'autant plus que l'Unef entend mener la "bataille" inverse. "Université par université, nous convaincrons les présidents afin qu'ils maintiennent les modalités existantes, nous en discuterons avec les étudiants sur les campus dès la rentrée..." annonce Lilâ Le Bas, à la tête de l'organisation étudiante. Une nouvelle année "test" donc, pour la mise en place de la réforme et pour le gouvernement.

Laura Taillandier, Éléonore de Vaumas | Publié le