Sciences : le manque d'investissement dans la recherche responsable de la crise des vocations ?

Sophie Blitman Publié le
Face à la désaffection des filières scientifiques, la bonne insertion professionnelle des diplômés, issus d'école d'ingénieurs ou d'université, est l'un des arguments régulièrement mis en avant par les formations pour attirer davantage de jeunes. Une employabilité cependant beaucoup moins vraie pour ceux qui souhaitent s'orienter vers la recherche. Trois mois après l'Académie des sciences, le CNRS dénonce un manque d'investissement induisant une baisse des recrutements. Et sonne l'alarme.

"La crise de l'emploi scientifique en France et ses dangers" : tel est le titre du texte adopté à l'unanimité par le conseil scientifique du CNRS, le 10 mars 2014, relayé par le site Sauvons l'université.

Constatant la "diminution constante depuis une dizaine d'années" des recrutements dans le secteur de la recherche, l'instance y voit l'une des raisons de la désaffection des filières scientifiques.

"Les conséquences se font déjà sentir à travers une crise de la vocation scientifique des nouvelles générations. Si les jeunes se détournent de ces apprentissages et de ces carrières, c'est l'ensemble du système français de recherche qu'on aura mis à mal, et avec lui, les perspectives d'innovation, d'emploi mais aussi d'influence de notre pays dans le moyen terme".

En cause, selon les membres du conseil, qui s'appuient sur les chiffres de l'OCDE : la baisse du financement de la recherche. Avec une dépense intérieure consacrée à la recherche et développement se montant à 2,24 % du PIB, la France se situe à la 15e place, et à la 20e pour les dépenses intérieures relatives à l'enseignement supérieur et la recherche.

En décembre 2013, l'Académie des sciences s'était inquiétée de la diminution des crédits : ceux, récurrents des laboratoires, comme ceux des projets ANR.

Les conséquences de la diminution des recrutements se font déjà sentir à travers une crise de la vocation scientifique des nouvelles générations

Pour le conseil scientifique du CNRS, "la faiblesse de l'investissement dans ce domaine se traduit directement dans l'emploi scientifique", à travers des recrutements rares mais aussi le non-remplacement des départs à la retraite. "Au CNRS, c'est une baisse de 38 % qu'on devrait observer d'ici 2016 pour les emplois chercheurs, ingénieurs et techniciens", souligne le texte.

En particulier, " les perspectives professionnelles offertes aux jeunes qui sortent au plus haut niveau de l'enseignement supérieur français, munis d'un doctorat, ne cessent de s'assombrir. Le taux de chômage des jeunes docteurs est, selon les rares chiffres dont on dispose, particulièrement élevé en France : près de 10 %, déjà, en 2007. Ceci s'explique notamment par leurs faibles débouchés dans les entreprises, qui pour leur activité de recherche, préfèrent en général embaucher des jeunes sortis d'écoles d'ingénieurs. La conséquence logique est le recul des inscriptions en doctorat, avec une baisse prévisible de 5,9 % d'ici 2022, accompagné d'un recul des inscriptions dans les universités et l'enseignement supérieur en général (32,2 % d'une classe d'âge en 2011 contre 39,2 % en 2000)."

Face à ces constats, et ces enjeux, le conseil scientifique du CNRS plaide pour "un choix politique affirmé" en faveur de la vocation scientifique.

Lire le texte sur le site de Sauvons l'université

Sophie Blitman | Publié le