Sélection à l'université: le débat Pécresse-Fioraso

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Sélection à l'université: le débat Pécresse-Fioraso
Geneviève Fioraso, secrétaire d'Etat à l'Enseignement supérieur et à la recherche, et Valérie Pécresse, député UMP ancienne ministre // ©  MESR
Valérie Pécresse et Geneviève Fioraso s'opposent sur l'accès à l'université. L'ancienne ministre de l'Enseignement supérieur prône une orientation sélective, tandis que l'actuelle secrétaire d'État est contre toute barrière à l'entrée de l'université. Extraits du débat publié dans "L'Express" du 7 janvier 2015.

La grande majorité des parents choisit d'inscrire ses enfants dans une filière sélective. Prépas, écoles de commerce postbac, DUT, BTS font carton plein. Et l'université est très souvent un choix par défaut. Comment remédier à cela ?

Valérie Pécresse : Il faut instaurer une orientation sélective. Accorder à chaque bachelier le droit d'étudier dans le supérieur, mais pas n'importe où. Il ne s'agit pas de faire une sélection couperet, mais de définir des prérequis pour chaque inscription. Continuer à autoriser un bachelier professionnel à s'inscrire en licence de philosophie est un non-sens.

Vous seriez donc favorable à la sélection à l'entrée de l'université ?

V. P. : L'université pratique déjà la sélection pour certains diplômes, comme les bilicences, ou au sein des écoles internes que l'autonomie a permis de développer. Orienter les jeunes vers des filières où ils ont une chance de réussir éviterait de les mener dans le mur. C'est une réponse à l'échec en licence, en médecine et en droit particulièrement. Si ce dispositif était instauré, il faudrait mettre en place, simultanément, des parcours différenciés, adaptés aux bacheliers les plus fragiles, afin de ne laisser personne sur le bord de la route. Des cours de remise à niveau et des systèmes de passerelles leur permettraient d'évoluer durant leur parcours. Si l'on n'adapte pas complètement le système, on ne s'en sortira pas.

Geneviève Fioraso : Il est vrai que l'université doit trouver de nouvelles réponses à la très grande hétérogénéité de son public. Cependant, l'orientation sélective proposée par Valérie Pécresse n'est pas une solution. Il faut avant tout mettre en œuvre des mesures pour lutter contre le décrochage des étudiants. La démocratisation de l'enseignement supérieur appelle une révolution pédagogique. C'est l'enjeu du numérique, des amphis inversés [où le cours est consacré à débattre du sujet sur lequel les étudiants ont travaillé en amont] et des Mooc [cours magistraux en ligne, ouverts à tous].

Vous êtes donc opposée à la sélection à l'entrée de l'université, pratiquée, pourtant, dans de très nombreux pays ?

G. F. : Ce débat me paraît totalement archaïque. À 18 ans, il est normal qu'un jeune se cherche et ne puisse pas toujours définir son choix du premier coup. Pour atténuer l'échec en premier cycle, la spécialisation progressive en licence, que nous sommes en train de mettre en place, me semble mieux adaptée et plus juste. Aujourd'hui, 15 % des universités se sont engagées dans cette voie. L'idée est de proposer aux étudiants un parcours à la carte, où ils se détermineront au fil de l'eau, selon leur appétence et leurs résultats. Pour ceux qui sont en difficulté, je suis favorable à la mise en place de "summer schools".

Votre refus d'instaurer toute forme de sélection à l'entrée à l'université ne signe-t-il pas plutôt un manque de courage politique face à un tabou?

G. F. : Ce n'est pas un tabou. La sélection n'est tout simplement pas une réponse adaptée aux enjeux d'aujourd'hui. Je ne m'interdis aucun sujet. Je viens d'ailleurs de lancer un groupe de travail sur la sélection en master, pour la psychologie et certaines disciplines juridiques.

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