Sélection en master : une loi avant la fin du quinquennat ?

Aurore Abdoul-Maninroudine - Mis à jour le
Sélection en master : une loi avant la fin du quinquennat ?
Le 26 août 2016, le tribunal administratif de Montpellier a obligé l'université de la ville à admettre un étudiant dans un M2 pourtant sélectif. // ©  C.Stromboni
Alors que la concertation lancée en mai 2016 sur la sélection en master semble patiner, le dossier connaît un nouveau rebondissement avec le jugement rendu par le tribunal administratif de Montpellier. Face à cet imbroglio juridique, l’heure de la réforme va-t-elle enfin sonner ?

Après Bordeaux, Montpellier. Le 26 août 2016, le tribunal administratif de la ville a obligé l'université à admettre un étudiant dans un M2 pourtant sélectif, faute d'avoir adopté à temps un texte prévoyant le nombre de places disponibles dans le cursus, ainsi que les modalités d'examen des candidatures. 

"Le jugement du tribunal témoigne de la fragilité juridique du décret de mai 2016", analyse Gilles Roussel, président de la commission formation de la CPU (Conférence des Présidents d'université) et lui-même à la tête de l'université Paris-Est-Marne-la-Vallée.

Ce décret, autorisant 1.300 masters 2 sur les 3.000 existants à sélectionner, "ne sécurise rien, assène-t-il. La prochaine fois, d'autres éléments encore seront retenus. Sur un sujet aussi important, il faut une loi".

Légiférer sur le master ?

Ce n'est pas l'entourage de la ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche qui le contredira : "il paraît difficile de se passer d'une loi, si l'organisation même du master en est bouleversée, assure-t-on. En revanche, la discussion sur le véhicule de cette réforme est encore prématurée". Invitée à l'université d'été de la CPU le 31 août 2016, Najat Vallaud-Belkacem a confirmé sa volonté de construire "un modèle stable" sans plus détailler la nature de la prochaine réforme. "Le décret de mai a sécurisé la rentrée, même si tout n'est pas réglé", a-t-elle concédé. Avant de rappeler sa position : "certains proposent de sélectionner. C'est au contraire la force de l'université de concilier démocratisation et formation de qualité".

Face à ces divergences de point de vue, le ministère préfère donc temporiser. En mai 2016, une concertation était ouverte sur le sujet. Désormais, il parle d'"échanges informels avec les organisations" : "La concertation débutera une fois que nous aurons mis sur la table une proposition écrite. Pour l'instant, nous nous contentons de recueillir les positions de chacun. Un point d'étape aura lieu à l'automne."

PAS DE PASSAGE EN FORCE

Dans tous les cas, "il n'y aura pas de passage en force, assure l'entourage du secrétaire d'État. L'objectif est d'atteindre un compromis. "La probabilité d'y arriver est toutefois mise à mal par la décision de la CPU de rompre le dialogue avec le ministère. Najat Vallaud-Belkacem a insisté sur le fait que les discussions devaient se poursuivre, la CPU devant y prendre "pleinement sa place."

Gilles Roussel assure pourtant que la CPU, qui demande la possibilité pour les universités de sélectionner à l'entrée du master, n'assistera pas à une réunion prévue la semaine prochaine. La Conférence rencontre des parlementaires, qui se montrent "réceptifs" à ses arguments.

Particulièrement échaudés par le revirement du gouvernement – qui a finalement suivi la position de l'Unef – sur le contrôle continu intégral des étudiants, les présidents d'université dénoncent par ailleurs "l'intransigeance" de l'organisation étudiante et "attendent un signe qui ne vient pas".

De son côté, Lilâ Le Bas, future présidente de l'Unef, espère "trouver un compromis garantissant le droit à la poursuite d'études des étudiants en master" et insiste sur la responsabilité de "tous les acteurs". Interrogée par EducPros, elle refuse toutefois de détailler sa position.

Pour qu'une loi soit adoptée d'ici à mars 2017, la discussion technique et la négociation des modalités pratiques ne doivent pas tarder.
(S. Leymarie)

"UNE FENÊTRE DE TIR RÉDUITE AVANT LA FIN DU QUINQUENNAT"

Cette cristallisation du débat entre l'Unef et la CPU agace les autres organisations, pour qui un compromis n'est pas inatteignable, mais qui rappellent que la fenêtre de tir avant la fin du quinquennat est réduite. "Pour qu'une loi soit adoptée d'ici à mars 2017, la discussion technique et la négociation des modalités pratiques ne doivent pas tarder", alerte Stéphane Leymarie, secrétaire général de Sup'Recherche-UNSA.

"L'Unef n'a pas intérêt à attendre. Si une alternance politique se produit, une solution bien plus radicale risque d'être mise en place", souligne de son côté Franck Loureiro, secrétaire national du Sgen-CFDT, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche.

VERS UN DROIT À LA POURSUITE D'ÉTUDES ? 

Les positions de Sup'Recherche-UNSA, du Sgen-CFDT et de la Fage convergent sur certains points. Les trois organisations sont d'accord avec l'idée que les titulaires d'une licence puissent poursuivre leurs études en master, s'ils le souhaitent. Et de rappeler que les universités sont en mesure d'accueillir tous les élèves de licence en master : l'enjeu n'est pas de réduire les flux mais de les répartir entre les formations.

Toutefois, pour la Fage, à l'origine de la proposition de création d'une plate-forme APL (Admission post-licence), "l'étudiant doit obtenir au moins un des vœux demandés". En revanche, pour le Sgen-CFDT et Sup'Recherche-UNSA, l'étudiant n'obtiendrait pas nécessairement le master désiré, l'admission étant conditionnée à des prérequis connus de tous et liés à la mention de la licence ou à la validation d'enseignements. L'enjeu n'est pas de réduire les flux mais de les répartir entre les formations.

LE DÉCRET SUR LES M2 SéLECTIFS DOIT-IL ÊTRE SUPPRIMÉ ?

Reste à savoir si un tel dispositif de régulation des flux à l'entrée du M1 induit la suppression du décret listant les masters 2 sélectifs. Pas nécessairement, répond Stéphane Leymarie : "De nombreux collègues craignent que l'accès libre en M2 annonce la mort des masters, ces derniers ne pouvant pas proposer des stages à tous leurs étudiants, et n'entraîne la création de parcours-poubelle".

Recours master contre les universités : Florent Verdier lance un site web dédié

Devenu le spécialiste des recours contre la sélection en master, l'avocat bordelais Florent Verdier vient de lancer un site web dédié au sujet. Sur www.recours-master-verdier.com, les internautes peuvent se renseigner sur la marche à suivre pour attaquer l'université leur ayant refusé une inscription en master 2. "Maître Verdier s'occupe des procédures de justice pour obtenir votre inscription", est-il promis.

Particulièrement agacé par cette initiative, le président de la CPU, Jean-Loup Salzmann, a dénoncé, dans un courrier du 30 août 2016 adressé à l'Ordre des avocats du barreau de Bordeaux, "une démarche consumériste, lucrative et malhonnête" et demandé la fermeture du site.

Dès le lendemain, la mention "validé par le Conseil de l'Ordre" apparaissait en tête du site de Florent Verdier.

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