Staps : en finir avec la grande loterie

Marie-Anne Nourry Publié le
Staps : en finir avec la grande loterie
Université Paris-Est Créteil (UPEC) - Centre Staps, site de Duvauchelle (Créteil) © UPEC Nicolas Darphin - juin 2012 // © 
Trop de demandes, pas assez de places. Face à l'afflux de candidatures en licence dans certaines disciplines, les universités sont contraintes de limiter l'accueil et d'instaurer un tirage au sort des bacheliers. Bien que légal, le tri aléatoire provoque la consternation dans la communauté universitaire et inquiète les étudiants. Exemple le plus emblématique : la filière Staps.

La filière sportive, qui comptait 32.000 étudiants il y a cinq ans, en dénombre près de 42.000 aujourd'hui. Pour Didier Delignières, président de la Conférence des directeurs et doyens Staps (sciences et techniques des activités physiques et sportives), l'engouement des lycéens pour la filière s'explique avant tout par une meilleure communication sur ses débouchés professionnels, ce qui lui a permis de regagner ses lettres de noblesse. "Au début de son mandat, Nicolas Sarkozy avait assimilé les Staps à un dépotoir conduisant tout droit au chômage alors même qu'une étude du Céreq démontrait le contraire, rappelle le doyen. L'effet avait été désastreux : en un an, les effectifs avaient diminué de moitié."

La communication sur l'insertion des diplômés, additionnée à la légère augmentation du nombre de places au Capeps (certificat d'aptitude au professorat d'éducation physique et sportive), créatrice d'un appel d'air, a rassuré les familles. Désormais, le problème est que plusieurs universités n'ont plus les capacités d'accueil suffisantes pour satisfaire l'ensemble des demandes.

Priorité aux premiers vœux de l'académie

Pour affecter un bachelier, le site Admission postbac prend en compte l’académie d’obtention du bac, l’ordre des vœux et si, cela ne suffit pas, organise en dernier recours un tirage au sort - seule sélection autorisée en licence.

À Montpellier 1, Didier Delignières a reçu 4.700 demandes pour 650 places. Contre toute attente, il a réussi à éviter le tirage au sort en ouvrant les portes de la licence uniquement aux étudiants de l'académie qui ont placé Staps en premier vœu. "En tenant compte des désaffections, nous allons excéder de peu nos capacités d'accueil", note-t-il.

Le Montpelliérain a toutefois la victoire amère car des centaines d'étudiants issus d'autres académies risquent de se retrouver sur la touche. "Avec la Conférence des directeurs, on s'était mis d'accord pour tenter d'éviter au maximum le tirage au sort, mais ça va être dur dans certaines académies qui ont des capacités restreintes, comme Bordeaux ou Toulouse."

Avec le système actuel, on arrive à un taux d'échec très important en première année. C'est comme si on décidait d'accepter tout le monde en khâgne, y compris ceux qui ont eu 2 au bac français...
(G. Penel)

Seule alternative pour les perdants de la loterie : s'inscrire dans une autre filière et parier sur une réorientation. "On a régulièrement des retours d'étudiants qui s'inscrivent en sciences ou en médecine et rejoignent Staps au second semestre, confirme Laurent Beauvais, président de l'Anestaps (Association nationale des étudiants en Staps). Ils passent le premier trimestre au rattrapage ou redoublent." Cependant, là aussi, les places sont chères. "Nous avons été contraints de les limiter à 80", détaille Guillaume Penel, doyen  de la faculté des sciences du sport de Lille 2, qui doit plus largement gérer 2.300 demandes pour 550 places.

"Une équation impossible"

Pour les doyens Staps, la solution se situe dans l'orientation active, plus que dans la sélection sur dossier. "Il faut mettre en place des enseignements d'orientation au lycée", plaide Didier Delignières. Un avis partagé par le jeune président de l'Anestaps. "Une partie des étudiants qui s'orientent vers Staps sont mal renseignés sur la formation. Avec le tirage au sort, un jeune qui avait un projet solide peut se retrouver sur le côté."

Le président des doyens pointe aussi l'incohérence de la position dans laquelle se retrouvent les établissements. "On ne peut pas demander à une université d'amener 50% d'une classe d'âge au niveau licence si on laisse aux étudiants la totale liberté de choisir leur filière, sans prérequis, et sans rajouter de moyens. C'est une équation impossible." D'autant plus qu'avec les difficultés budgétaires rencontrées par les universités l'augmentation des capacités d'accueil n'est pas à l'ordre du jour.

Et le doyen Staps de Lille 2 d'enchaîner : "Si on veut favoriser la réussite des étudiants, il faut pouvoir accueillir les lycéens qui ont les profils les plus adaptés aux contenus qu'on dispense." En l'occurrence, des jeunes ayant obtenu un bac S option sport, si possible impliqués dans une association sportive. "Avec le système actuel, on arrive à un taux d'échec très important en première année. C'est comme si on décidait d'accepter tout le monde en khâgne, y compris ceux qui ont eu 2 au bac français…" Entre sélection et orientation active, le match n'est pas encore joué.

À lire
"L'université, les Staps, l'éducation physique et sportive", le blog de Didier Delignières

Marie-Anne Nourry | Publié le