Stéphane Tassel (Snesup) : "Le pré-projet de loi ESR n'est pas à la hauteur des ambitions affichées"

Propos recueillis par Camille Stromboni Publié le
Pour Stéphane Tassel, secrétaire général du Snesup-FSU, le pré-projet de loi sur l'enseignement supérieur et de la recherche comporte des éléments inquiétants.

Stéphane Tassel - secrétaire général du Snesup FSUQue pensez-vous globalement du pré-projet de loi sur l'enseignement supérieur et la recherche ?

Le texte n'est pas à la hauteur des ambitions affichées. La communauté universitaire attend des changements réels, avec certaines décisions incontournables sur la question des moyens et des emplois. Les situations de déficit dans les universités se multiplient. Pau, Nantes, Angers... Il y a urgence à débloquer des fonds. Le plan pluriannuel d'emplois était l'une des demandes importantes du rapporteur des Assises, Vincent Berger. C'est totalement oublié.

L'équivalent des 1.000 postes en masse salariale prévus pour l'enseignement supérieur et la recherche est certes une petite bulle d'air, mais cela ne comble pas les 3.000 emplois supprimés entre 2008 et 2012, ni les 1.500 postes gelés. C'est dramatique.

Ce pré-projet ne fait pas, en outre, la rupture avec les politiques que nous vivons depuis plusieurs années. Il comporte des éléments inquiétants, comme l'extension des missions des universités au transfert technologique, avec la dimension de compétitivité.

Avez-vous connaissance d'un texte remanié, suite aux négociations avec le ministère ?

Le seul texte qui nous ait été communiqué est celui en date du 15/01. Nous attendons donc le nouveau texte, ainsi que son préambule qui expose les motifs et l'esprit de la loi. C'est d'autant plus important qu'un grand nombre de mesures sont d'ordre règlementaires. De manière générale, nous avançons toujours sans garanties, on ne peut pas travailler comme ça.

Êtes-vous favorable au rapprochement des universités et des classes prépas ?

La démocratisation de l'enseignement supérieur n'est pas au rendez-vous, alors que la jeunesse est censée être une priorité de ce gouvernement. Concernant justement le rapprochement des classes préparatoires et des universités, le texte fait l'impasse sur la première urgence, la convergence des moyens. Le financement est trois fois supérieur en prépa, par rapport au cycle licence. C'est prioritaire.

En outre sur les conventions entre le deux structures, peu d'engagements figurent dans le texte. Rien n'est dit sur l'articulation et le contenu de ce rapprochement.

De manière générale, nous avançons toujours sans garanties, on ne peut pas travailler comme ça.


La disparition de l'AERES (Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur) est inscrite dans cette première ébauche de la loi, vous y êtes favorable…

Effectivement, mais pour l'instant, qu'il s'agisse de la composition de la future instance, ou de son mode de fonctionnement… tout est renvoyé à des décrets d'application. Nous avons besoin de garanties claires. Enfin en parallèle, l'ANR (Agence nationale de la recherche) n'est pas du tout remise en cause, ce que nous regrettons.

Les nouvelles règles de regroupements des établissements vous semblent-elles adéquates ?

Le texte est très centré autour de la réorganisation du paysage universitaire. Avec l'idée inquiétante de ne voir perdurer que 30 pôles, et le risque laissé à une confusion entre public et privé.

En effet dans la transformation des PRES (Pôles de recherche et d'enseignement supérieur) en EPCSCP (Etablissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel), rien n'empêchera les établissements privés d'y participer et d'utiliser ainsi le terme d'université. Avec le risque également de voir diluer les moyens publics, ces nouveaux regroupements ayant désormais le pouvoir de se voir attribuer masse salariale et financements. Il faut que ces communautés d'universités soient des groupements d'établissement d'enseignement supérieur public.

Le nouveau format de communauté d'université permet-il de renforcer la démocratie, comme vous le souhaitiez ?

Il y aura certes 50% d'élus dans les conseils d'administration, mais la question du mode de scrutin, direct ou indirect, est laissée au choix des établissements. Il n'est pas possible de renforcer la démocratie si ce scrutin n'est pas au suffrage direct, d'autant plus étant donné l'augmentation des pouvoirs donnés à cette structure.

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