Trésors cachés. À Paris-Dauphine, l'héritage de l'Otan se lit sur les murs

Noa Benhaim Publié le
Trésors cachés. À Paris-Dauphine, l'héritage de l'Otan se lit sur les murs
La structuration originelle du bâtiment en bureaux a favorisé le développement de la pédagogie en petits groupes à Dauphine. // ©  Denis Allard / R.E.A
Installée dans les bâtiments ayant abrité pendant sept ans le siège de l'Otan, l'université Paris-Dauphine garde encore les traces de ce passé diplomatique. Retour sur EducPros de notre série "Les trésors cachés de l'enseignement supérieur".

Quand ils arpentent les couloirs de leur établissement, les 8.800 étudiants de Paris-Dauphine ignorent sans doute qu'ils marchent sur les pas des responsables de l'Otan (Organisation du traité de l'Atlantique Nord). Sorti de terre entre 1955 et 1957, le bâtiment de la Porte Dauphine, situé dans le 16e arrondissement de Paris, en lisière du bois de Boulogne, a en effet abrité, à partir de 1959, le siège de l'alliance Atlantique.

En 1966, quand la France quitte le commandement intégré de l'organisation sous l'impulsion du général de Gaulle, les locaux sont abandonnés. Ils seront réinvestis deux ans plus tard par les étudiants, inscrits dans le tout nouveau centre universitaire Dauphine.

Héritière de l'Otan... et de Mai 68

Au lendemain des événements de Mai 68, et pour répondre aux demandes de renouvellement pédagogique des étudiants, le nouveau ministre de l'Éducation nationale, Edgar Faure, réquisitionne les bâtiments néoclassiques dessinés par Jacques Carlu pour y installer une faculté. Dauphine est née.

"Edgar Faure n'habitait pas loin et savait que les locaux étaient vides", raconte Hervé Hamon, aujourd'hui chargé de mission pour le campus tunisien de Paris-Dauphine. En 1968, ce dernier a 25 ans et participe à la création de l'établissement, menée entre autres par Pierre Tabatoni et Hubert Brochier.

Si le ministre charge une équipe de quatre personnes de penser Dauphine dans son ensemble, la majeure partie de ce nouvel établissement se crée sur le tas, lorsqu'enseignants et étudiants débarquent dans les lieux, avec l'envie de renouveler l'enseignement supérieur. "Nous avions pour habitude d'être dans des amphithéâtres de 1.000 places où le professeur faisait cours en robe, sur l'estrade. Avec Mai 68, ce système magistral est entré en crise", rappelle Hervé Hamon.

Une pédagogie inspirée par les locaux

Avant d'accueillir ses 2.500 premiers étudiants en décembre 1968, le bâtiment de la Porte Dauphine connaît tout de même quelques mois de travaux. Le but : réussir à transformer cette succession de bureaux en un lieu d'enseignement. Si des cloisons sont abattues, les lieux vont jouer sur l'esprit même de l'établissement. "La pédagogie en petit groupe, très présente à Dauphine, a été en quelque sorte imposée par le bâtiment, détaille Hervé Hamon. Construit en ailes, il ne contenait que des bureaux de petite taille. Les salles qui ont été créées sont donc assez particulières."

De son passé comme siège de l'Otan, Dauphine a gardé d'autres traces, comme la devise "Animus in consulendo liber" (l'esprit libre dans la consultation), affichée dans le hall des amphithéâtres. Des amphithéâtres qui n'ont d'ailleurs rien à voir avec ceux d'autres universités : à l'exception de l'amphi 8, ancienne salle de l'assemblée plénière de l'Otan, qui accueille désormais conférences et événements associatifs, ils sont assez petits. Autre héritage de l'ère Otan : la salle Raymond-Aron, ex salle du Conseil, dont la table ovale a longtemps été l'originale.

Alors que l'établissement s'apprête à fêter son cinquantenaire, un grand programme de rénovation immobilière est en cours d'élaboration, avec des premiers travaux prévus pour 2020. Des travaux qui, s'ils doivent moderniser les bâtiments, conserveront les traces du passé historique des lieux.

Noa Benhaim | Publié le