Un 4 novembre 2008 avec les étudiants américains

De notre correspondant à Boston Guillaume Cauchois Publié le
Un 4 novembre 2008 avec les étudiants américains
Dans un pub irlandais // © 
Pour le Boston Globe, c’est une "victoire historique". Mardi 4 novembre 2008, Barack Obama a été largement élu président des Etats-Unis. Il l’emporte avec un peu plus de 52% des suffrages et 338 votes des grands électeurs. Le 4 novembre 2008 restera gravé dans toutes les mémoires. Américaine et mondiale. Le démocrate est le premier noir à accéder à la Maison-Blanche. Retour sur cette ahurissante journée avec notre correspondant à Boston, aux côtés des étudiants américains et des étudiants français en Amérique.

Une vague d’impatience

10 h 20. Dans la file d’attente d’un bureau de vote, aménagé à l’intérieur de la mairie de Cambridge (près de Boston), les mines sont réjouies ou verrouillées à double tour. Elles expriment toutes une immense impatience. Deux élus chinois prennent une jeune femme en photo. Un bébé pleure dans sa poussette. Malgré leur casque qui les gêne un peu, un couple de cyclistes s’embrasse tendrement.

Un peu plus loin, un robuste officier de police veille à ce que les électeurs ne portent aucun signe politique ostentatoire. Juste avant de rentrer dans l’isoloir, Scott Arfin, 26 ans, est gentiment prié d’enlever ses autocollants aux couleurs démocrates. Cet étudiant, qui accomplit un PhD d’ingénierie électrique au MIT (Massachusetts Institute of Technology), n’en peut plus. « Je veux savoir quelle réponse va donner l’Amérique à la question qu’on lui pose. Depuis plusieurs semaines, je m’investis à fond. Dimanche, je suis allé dans le New Hampshire pour obtenir des votes de la communauté latino. C’était très dur. Les supporters de John McCain s’étaient également déplacés. Ce soir, je veux absolument boire à la santé de Barack Obama ! » Il sort soulagé. Un petit badge avec un slogan tout simple est accroché à son manteau : « J’ai voté ».   

Les républicains muets

13 h 45. Chez les républicains, c’est la soupe à la grimace et silence radio. Les volontaires de passage au siège du parti à Boston ont reçu une consigne stricte. Ils n’ont pas le droit de parler à la presse sans l’autorisation de Barney Keller, l’injoignable directeur de la communication. Un signe de fébrilité ?            

L’histoire d’un déclic

15 h 30. C’est la fin de la pause déjeuner au Emerson College. Une trentaine d’élèves, repartis sur cinq tables, assistent à une réunion organisée par la Communication Politics Law Association. Face au risque d’abstention, ce mouvement non partisan (35 membres) s’est résolu à partir à la chasse aux électeurs dans tout l’établissement. En engloutissant une glace, les étudiants écoutent patiemment le récit du stage de quatre mois effectué en 2007 par Anna Gabbidon au quartier général des démocrates à Manchester dans le New Hampshire.

Inscrite en quatrième année de communication politique, elle a travaillé pour Barack Obama qui n’était qu’un candidat à l’investiture démocrate. Elle évoque son déclic. « J’ai eu la chance d’être le chauffeur de sa femme, Michelle, lors de l’une de ses visites. Elle est à la fois très douce et incroyablement forte. Quand elle a eu son mari au téléphone, j’ai compris à quel point leur union s’avérait solide et leur passion contagieuse. » A la fin de cet émouvant témoignage, Christopher Thompson, déguisé en Oncle Sam, s’allonge par terre et met un peu de musique. Chacun gère cette longue journée comme il peut.              

Le monde entier regarde cette élection

17 h 30. Le salon de Catherine N. Stratton du MIT est bondé. Les futurs ingénieurs ont les yeux rivés sur un écran plat branché sur CNN. La tension est palpable. Les premiers bureaux de vote vont bientôt fermer (Kentucky). Et livrer leurs premiers secrets. Elève des Mines de Paris, Tite Yokossi suit le dénouement du scrutin avec une grande attention. « On se sent autant concerné par ce vote que par une élection française. Même si cette remarque a déjà été répétée mille fois, on a vraiment l’impression que pour Barack Obama, l’Europe existe. L’image des Etats-Unis est en jeu. » Il n'est pas le seul étranger dans la salle. Des Chinois, des Indiens et un Espagnol pointent le bout de leur nez de temps à autre.  

Les Etats-Unis repeints en bleu

21 h 30. Après la Pennsylvanie, le sénateur de l’Illinois vient de remporter un autre Etat clé, l’Ohio. Les deux cents étudiants démocrates d’Harvard massés dans le Tommy Doyles, un bar irlandais très tendance, exultent. L’alcool coule à flot. La carte de l’Amérique, affichée sur les quinze télévisions allumées, vire au bleu. La victoire est proche.  

Le premier Noir à devenir président

23 h. Justin Barra, 28 ans, pleure. Son champion sera le 44ème président des Etats-Unis. Envahi par l’émotion, il susurre quelques mots : « Tout a déjà changé, tout a déjà changé ! » Les trois salles du pub sont en fusion. Les jeunes rugissent comme des lions, se jettent dans les bras de leur voisin (quelle que soit leur nationalité) ou restent prostrés. Des bouteilles de champagne circulent. Le tube de Bruce Springsteen, Born in the USA, donne le tempo. Un poster géant de Barack Obama, brandi par un garçon ivre (de bonheur), provoque une scène d’hystérie collective.

L’ambiance devient complètement surréaliste quand le grand vainqueur apparaît sur une scène aménagée dans un parc de Chicago. Des filles fondent en larmes. Des amoureux s’enlacent. Tout le monde se fige au début du très beau discours du premier Noir à remporter la Maison-Blanche. Le silence est rompu par des vibrants « Yes, we can ». « L’heure d’une nouvelle aube du leadership américain est arrivée. »  

Fuir vers le nord ?

0 h 30. Des affiches froissées gisent sur une chaise du café. Les organisateurs de la soirée y avaient écrit : « Au fait, il se peut qu’on distribue des tickets de bus gratuits pour le Canada si John McCain gagne… »  

Le rêve américain ressuscité

1 h 00. Des jeunes, qui ont souvent voté pour la première fois, chantent et boivent dans les rues de Cambridge. Un mini concert est improvisé. Cette nouvelle génération croit dur comme fer au retour du rêve américain. 

De notre correspondant à Boston Guillaume Cauchois | Publié le