Une journée avec... la présidente de l'université de Haute-Alsace

Marine Miller Publié le
Une journée avec... la présidente de l'université de Haute-Alsace
Christine Gangloff-Ziegler, à son bureau de l'université de Haute-Alsace. // ©  Marine Miller
Réunions qui s'enchaînent, gestion de situations délicates avec les personnels, conférence de presse, rendez-vous politiques... Les présidents d'université ont un agenda surchargé. Illustration avec Christine Gangloff-Ziegler, présidente de l'université de Haute-Alsace, élue en 2012 et qui se représente en 2016.

Le froid règne ce matin du 23 février sur le campus de l'université de Haute-Alsace, à Mulhouse.

8 heures : Première réunion de la journée avec Jean-Luc Bischoff, le vice-président recherche

Christine Gangloff-Ziegler commence son marathon de réunions. Chaque semaine, la présidente rencontre son vice-président recherche, Jean-Luc Bischoff, pour faire le point. "Aujourd'hui, nous parlons de la Satt (société d'accélération du transfert de technologies), qui est chargée de gérer les contrats de recherche et la propriété intellectuelle. Pour nous, c'est important, car nous n'avons pas d'Idex ou d'Isite", explique-t-elle.

8 h 30 : Réunion avec le premier vice-président, Serge Neunlist

Trente minutes plus tard, le vice-président recherche laisse la place au premier vice-président, Serge Neunlist. Le couple exécutif de l'université passe en revue les différents points à l'ordre du jour. Un Premier ministre ? "Non, nous sommes un binôme", répond la présidente.

Chacun son rôle, chacun ses compétences : "Serge est un spécialiste de l'interculturalité car il est d'origine française, suisse et allemande, et il s'exprime dans les trois langues." Il est responsable des projets interculturels, et particulièrement de Novatris, l'Idefi de l'UHA. La présidente et son premier vice-président achèvent cette courte réunion en abordant l'accueil de huit étudiants syriens réfugiés inscrits en FLE.

9 heures : Début de la commission de préparation du conseil d'administration

Présentation des comptes 2015 de l'UHA

Christine Gangloff-Ziegler file à la réunion de préparation du conseil d'administration sur le budget. Une bise, une main serrée, elle salue les personnels croisés en se rendant à la vaste salle du conseil. "Bonjour à tous, l'ordre du jour est long, annonce-t-elle d'emblée à la trentaine de personnes présentes. Nous ferons un point sur le contingentement en première année et sur la création de la licence informatique, avant d'aborder les points financiers et de la révision des statuts de l'université."

Pendant plus d'une heure, les comptes de l'université seront présentés : fonds de roulements mobilisables, capacité d'autofinancement, taxe d'apprentissage, masse salariale, GVT (glissement vieillesse technicité)...

10 h 45 : Direction la Fonderie, l'un des trois campus de l'UHA à Mulhouse

À peine la réunion terminée, la présidente prend sa voiture pour rejoindre l'un des campus de l'UHA : la Fonderie, un bâtiment industriel devenu un immense campus couvert en 2007. Elle est invitée à une conférence de presse organisée par la Fondation Wallach, qui récompense des projets innovants de la silver economy [économie au service des personnes âgées].


Campus de la Fonderie de l'UHA

11 h 30 : Début de la conférence de presse

Devant les journalistes, Fernand Hessel, président de la fondation Wallach (entrepreneur mulhousien dans le textile du début du 20e siècle, qui avait offert plusieurs bâtiments aujourd'hui transformés en maisons d'accueil pour personnes âgées et étudiants démunis), prend la parole et présente pendant près de 20 minutes les missions de la fondation.

Puis c'est au tour de Christine Gangloff-Ziegler, qui plante tout de suite le décor. "L'UHA a été créée par des industriels et entend garder des liens étroits avec les entreprises du territoire. Quand nous avons vu l'appel à projet de la fondation sur la silver economy, nous avons tout de suite répondu présent", déclare-t-elle. 

12 h 30-13 h 30 : Buffet à la Fonderie


Christine Gangloff-Ziegler, à la Fonderie

Après la conférence de presse, la présidente se dirige de l'autre côté du campus couvert. Un buffet y est dressé. Un petit moment de pause et de détente pour la présidente avec des professeurs de l'université. Mais le répit est de courte durée : une nouvelle réunion attend la présidente dès 14 heures. Elle reprend sa voiture sous une pluie battante.

14 heures-16 heures : Réunion sur l'avancement des enseignants du second degré

Les directeurs de composantes de l'UHA doivent donner leur avis sur l'avancement des carrières des enseignants du second degré. "Nous avons classé les candidats pour une promotion. C'est un moment d'échange important avec les directeurs", rapporte Christine Gangloff-Ziegler après cette réunion confidentielle.

16 h 10 : Pause

Premier moment de répit pour la présidente, qui en profite pour regarder ses mails : "Je préfère les traiter moi-même, ce qui me conduit souvent à les lire et y répondre le soir tard." Mais déjà, les personnes convoquées pour la réunion suivante s'annoncent...

16 h 30-18 heures : Réunion avec le directeur de la mission handicap de Thalès

Christine Gangloff-Ziegler en réunion

À l'ordre du jour : la construction d'une convention sur le handicap entre l'UHA et les entreprises pour développer une politique commune. La présidente, qui a rencontré Gérard Lefranc, directeur de la mission handicap de Thalès lors d'un colloque de la CPU, l'a invité à Mulhouse pour une première réunion d'information. Avec elle, trois membres de la mission handicap de l'établissement.

"L'idée est de réunir vos entreprises chéries et de leur présenter une idée de convention sur le handicap", commence le directeur de la mission insertion de Thalès. Aussitôt, la présidente demande des précisions et des conseils : quels types de réunion ? Faut-il voir toutes les entreprises ensemble ? Combien de temps faut-il ? Gérard Lefranc répond que cela peut prendre un certains temps pour écrire un accord, quasiment six mois.

18 heures : Réunion sur un contentieux avec des personnels

Pour sa dernière réunion de la journée, la présidente doit arbitrer une situation délicate impliquant des personnels de l'université. La discussion avec trois autres femmes des services centraux doit aboutir à une décision rapide sur un contentieux. "Être président, c'est aussi être manager, il y a quelque 1.000 personnels et environ 600 enseignants-chercheurs à l'UHA", souligne Christine Gangloff-Ziegler.

18  h 45 : Fin des réunions, mais pas de la journée de la présidente


Christine Gangloff-Ziegler

Entre deux réunions, Christine Gangloff-Ziegler profite de quelques instants de libre pour avancer sur ses dossiers. // © Marine Miller

La journée s'achève, la nuit tombe déjà, mais la présidente ne rentrera chez elle que vers 20 h 15. Elle reprend ses mails et les dossiers restés toute la journée sur son bureau. "J'essaie de respecter un certain équilibre entre vie personnelle et vie privée. Mais, pour être honnête, je travaille beaucoup plus depuis quatre ans, le soir et le week-end. Heureusement, mon mari est compréhensif. Mais l'objectif n'est pas d'être célibataire à la fin de mon mandat !" sourit-elle.

Christine Gangloff-Ziegler : "Il faut lutter contre les représentations de genre et surtout constituer des viviers"
Vous êtes l'une des rares femmes présidente d'université en France.  Cela a-t-il des répercussions sur votre mission ?
Je n'aime pas associer une forme de management au genre, parce que c'est laisser croire que le genre influence notre façon d'être. Je pense que les aspects liés à l'éducation et à l'expérience déterminent plus nos représentations des rôles de chacun dans la société que le genre.

Dire qu'on a un modèle particulier de management parce qu'on est une femme, c'est dire qu'on est différente par nature et je ne veux pas revendiquer cette différence qui, du coup, apparaîtrait comme une forme de stéréotype, alors qu'il s'agit justement de les combattre. Les hommes entre eux et les femmes entre elles sont également différents. Mais la mixité, et plus largement la diversité, sont des éléments d'enrichissement, c'est pourquoi j'ai choisi d'avoir une équipe présidentielle paritaire. Et les femmes sont là, comme les hommes, en raison de leurs compétences.

Comment expliquez-vous qu'il y ait si peu de femmes présidentes d'université  ?
Je crois qu'il faut travailler sur la question de la confiance en soi et inciter les femmes à ne pas s'autocensurer. Il faut, bien sûr, aussi lutter contre les représentations de genre et surtout constituer des viviers. Par exemple, il y a plus de femmes en licence et en master mais ensuite, en doctorat, les hommes sont plus nombreux. Cet écart se retrouve ensuite chez les maîtres de conférences et plus encore chez les professeurs, même s'il y a des variations fortes selon les sections disciplinaires.

Lors des précédentes élections, il y a même eu une diminution du nombre de femmes présidentes. Pour essayer d'inverser cette tendance, nous essayons, à travers l'AFDESRI (Association pour les femmes dirigeantes de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation), de sensibiliser les femmes à la prise de responsabilité et de les soutenir dans leur parcours.

Il faut aussi travailler en amont, dans les écoles, pour inciter les jeunes filles à s'orienter vers les carrières scientifiques et leur donner des modèles. Et mieux conseiller nos jeunes collègues dans leur évolution de carrière.

Pourquoi vous représentez-vous ?
Être présidente est une expérience extra-ordinaire, au sens étymologique du terme. Cela demande un engagement très fort et les périodes sont difficiles, mais c'est une fonction qui permet de faire évoluer l'université et d'accompagner les projets qui sont pour beaucoup ceux des équipes.

En quatre ans, nous avons construit des réseaux, acquis de l'expérience et cela a du sens de continuer à les mettre au service du projet de l'établissement.

Les élections des conseils ont lieu le 3 mai 2016 et celle du président le 6 juin 2016. Il n'y a, à ce jour, pas d'autres candidatures hormis celle de Christine Gangloff-Ziegler.

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