Unités mixtes de recherche : dialogue de sourds entre le CNRS et les universités

Frédérique Letourneux Publié le
Alors que les universités de la vague C sont en phase de négociation en vue de l'établissement de leur contrat quadriennal, un duel entre les universités et le CNRS s'est engagé. La Conférence des présidents d'université (CPU) a dégainé la première en publiant, le 23 octobre 2008, un communiqué de presse accusant le CNRS de vouloir transformer de façon unilatérale certaines UMR (unités mixtes de recherche) en UPR (unités propres de recherche) pour les garder sous sa seule tutelle, et, dans un même mouvement, de se retirer dans « des proportions tout à fait inhabituelles » d'autres unités mixtes.Le CNRS riposte à l'attaque portée. Tour d'horizon des questions qui fâchent.


Assiste-t-on à un désengagement du CNRS des universités ?  

Le paysage de l'enseignement supérieur et de la recherche française est en pleine mutation : avec la loi sur l'autonomie, les universités sont en effet appelées dans un avenir proche à s'affranchir de la tutelle du CNRS et piloter elles-mêmes leur politique de recherche. De l'autre côté, le CNRS voit son rôle d'agence de moyens se renforcer. Dans ce contexte, la CPU dénonce une sorte de réflexe protectionniste de la part du CNRS... qui s'en défend.

« Sur les quelque 350 laboratoires de la vague C, le mouvement de transformation des UMR en UPR est absolument marginal, assure Arnold Migus, directeur général du CNRS. En revanche, il est vrai que dans certains cas, nous souhaitons nous retirer d'UMR dans lesquelles nous ne mettons que des moyens symboliques et ce en respectant les évaluations rendues par l'AERES (Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur) qui servent désormais à labelliser la qualité de la recherche des unités. D'ailleurs, nous appliquons pleinement les recommandations du rapport d'Aubert qui préconise que seuls les partenariats pleinement actifs dans les unités doivent être maintenus. De façon générale, les cas de « désassociation » sur la vague C ne concernent pas plus de 5 % des unités mixtes. Sans compter que, nous pouvons très bien, dans certains de ces cas, continuer à verser des crédits et à jouer notre rôle d'agence de moyens. » 

Il reste que le « label CNRS » conserve un fort pouvoir d'attraction... et les universités ne veulent pas s'en passer. Même si le temps semble résolument à la concentration : près de 80 % des collaborations extérieures du CNRS se font déjà aujourd'hui avec moins d'une quinzaine d'universités... et leur nombre pourrait diminuer, au nom de la politique d'excellence.  

Certaines disciplines sont-elles plus menacées que d'autres ? 

L'inquiétude est forte au sein de la CPU de voir le CNRS consolider son pré-carré sur certains domaines stratégiques, délaissant les autres aux universités : « Pour l'instant, il semblerait que le phénomène de repli soit plus important en SHS, surtout dans les unités où le nombre de chercheurs CNRS est moindre », souligne Jacques Fontanille, président de l'université de Limoges et de la commission recherche de la CPU. Une affirmation que conteste fermement Arnold Migus : « Aucune discipline ne doit disparaître du CNRS ». Il faut dire que le sujet est très sensible, à l'heure où les négociations se poursuivent à propos du périmètre du futur Institut national SHS.    

Y a-t-il un pilote dans l'UMR ?

Le vrai enjeu est aujourd'hui celui du pilotage administratif. En effet, à la suite du rapport d'Aubert , universités et organismes doivent désormais instaurer un mandat de gestion unique au sein des UMR, c'est-à-dire désigner un responsable unique pour la gestion des crédits et la gestion administrative afin de simplifier les procédures. Un groupe mixte organismes/universités est d'ailleurs en train d'élaborer un cahier des charges fixant un ensemble de bonnes pratiques permettant de garantir une certaine souplesse dans la gestion au quotidien.

« Sous réserve que la qualité du service rendu aux laboratoires soit au moins égale à ce qu'elle est maintenant, nous sommes favorables à ce que la délégation unique de gestion revienne à l'hébergeur, c'est-à-dire à l'université dans la très grande majorité des cas, assure Arnold Migus. Même si pour certains laboratoires, nous demandons à être gestionnaire-hébergeur, c'est-à-dire à être responsable du point de vue de la gestion, sans être forcément propriétaire des murs, notamment pour les grands projets à long terme ».

Du côté de la CPU, on craint que cette simplification gestionnaire ne se traduise purement et simplement par la disparition du co-pilotage scientifique : « Le rééquilibrage vers les universités devra être progressif et s'accompagner d'une vraie redistribution de moyens. Pour l'instant, nous souhaitons qu'à chaque fois que le CNRS se retrouve opérateur, la mixité scientifique soit la norme, car elle seule est garante d'un co-pilotage qui a fonctionné jusqu’à présent au bénéfice des deux parties », assure Jacques Fontanille.  

Les UMR au cœur de la discorde

La formule d’unité mixte de recherche (UMR) concerne 1300 des quelque 3000 laboratoires publics : leur tutelle scientifique est assurée à la fois par un ou plusieurs organismes et par une ou plusieurs universités. Pour rendre le dispositif moins complexe, le rapport d'Aubert préconise que le nombre de tutelles soit limité à deux : une université et un organisme.  


Frédérique Letourneux | Publié le