Université Pierre-et-Marie Curie : les raisins amers de l’autonomie

Fabienne Guimont Publié le
Pionnières de l’autonomie, une vingtaine d’universités inaugurent cette année leurs nouvelles responsabilités et compétences élargies. Comment vivent-elles dans les faits leur première année d’indépendance relative accordée par la loi adoptée le 10 août 2007 ? Exemple de l'université Pierre-et-Marie Curie (UPMC) à l’heure où le mouvement des enseignants-chercheurs se radicalise avec l’apparition dans ses revendications de l’abrogation de la LRU.

Président de l'UPMC, Jean-Charles Pomerol ne veut pas se laisser impressionner par les positions de certains enseignants-chercheurs qui se radicalisent. Certains demandent l'abrogation de la loi sur l'autonomie, loi dont bénéficie pour la première année cette grande université de recherche.

La réforme du statut des enseignants-chercheurs permettant de le mettre en adéquation avec la loi LRU sera pourtant un véritable test de l’autonomie réelle de l’exécutif des universités avec une possible prise en main de leur GRH. Sur le terrain, la mesure de l'autonomie réelle accordée se mesure à l'aune d'autres paramètres pour Jean-Charles Pomerol. Il enrage d’abord contre le ministère de l’Enseignement supérieur : sur les moyens obtenus, le compte n’y est pas.

Des critères pas SYMPAS

« L’UPMC a quatre A, comme l’andouillette, ironise le président, or nous n’avons obtenu aucun financement supplémentaire ! ». « On nous truande de 5 millions d’euros et de 400 postes », tonne Gilbert Béréziat, l’ancien président de l’université qui a refait ses calculs.

Avec les critères de la nouvelle répartition des moyens, baptisée Sympa, les étudiants qui partent avant la fin de la licence (vétérinaires…) sont considérés comme des étudiants en échec et pénalisent la part du financement à la performance pour l’enseignement. Au-delà de ce biais, pour les 13 universités membres de la CURIF (Coordination des universités de recherche intensive françaises), le modèle ne prend pas en compte la spécificité des universités de recherche.

Des moyens en deçà des espérances

Autre déconvenue : les financements dégagés dans le cadre du plan de relance incluent ceux accordés pour la mise en sécurité des bâtiments et ne s’y ajoutent pas. L’université recevra donc 7 millions contre 11 espérés… Des marges de manœuvre rognées que l’exécutif de l’UPMC va tenter de défendre lors de la prochaine négociation de son contrat quadriennal avec le ministère.

« On craint que la loi LRU ne soit pas remise en cause devant le parlement mais que les marges de manœuvre des établissements soient très faibles au final. Nous enlever des postes la première année d’autonomie est une véritable provocation alors que nous n’avions pas eu de suppression de postes depuis 10 ans », résume Claude Ronceray, secrétaire général de l’UPMC.

Des marges de manœuvre à conquérir

Car sur le terrain, les marges de manœuvre sensées être laissées aux établissements ne sont pas encore acquises. Ce serait plutôt une bataille de plus à mener contre le rouleau compresseur centralisateur du ministère, selon les principaux intéressés.

Les primes que les établissements pensaient pouvoir librement fixer sont encore l’apanage du ministère qui en discute le montant, pour les agents-comptables, les secrétaires généraux et dernièrement pour… les présidents d’université.

Autre reproche à l’égard du ministère : ses contrôles administratifs tatillons et a priori par l’entremise du rectorat, notamment pour l’ouverture d’emplois de fonctionnaires (nouvelle circulaire envoyée fin février) ou pour l’approbation du budget des universités avant son exécution. Une procédure calquée sur celle en vigueur dans le secondaire avec la décentralisation des actes administratifs. Les universités supportent mal ce détour par le rectorat, elles qui avaient l’habitude de négocier directement avec le ministère…

La dévolution du patrimoine – demandée notamment par Corte et l’UPMC et que Bercy ne veut pas lâcher - reste une autre entorse à l’autonomie, mal comprise.

"L'autonomie, ça marche"

Pourtant, pas question de renoncer à l’autonomie acquise au moins sur le papier. Même si la confiance du ministère aux établissements reste encore une conquête à venir. « Il y a une sorte d’affolement du ministère qui oublie les principes de l’autonomie, avec une multiplication des demandes d’enquêtes… Mais on est sur le point de montrer que l’autonomie ça marche », veut y croire Jean-Charles Pomerol. Sur le versement de la paie aux personnels, en tout cas, « ça fonctionne », affirme le président. Une satisfaction au compteur au moins dans cette autonomie naissante… 

Trois universités apportent leurs propositions pour adapter le statut de 1984
La Conférence des présidents d’université (CPU) avait fait des propositions sur la réécriture du décret de 1984, le 19 février 2009. Quelques jours plus tard, alors que Valérie Pécresse a donné rendez-vous, le 27 février 2009, aux présidents d’université et aux syndicats pour rediscuter de ce texte, trois universités passées à l’autonomie – l’UPMC, Aix-Marseille 2 et Toulouse 1 – donnent, dans un communiqué daté du 25 février, les grandes lignes sur lesquelles le statut doit être fondé selon elles. Comme la CPU, le service de base reste fixé à 192 heures maximum, les heures supplémentaires étant payées en plus. En revanche, au contrat individuel signé avec chaque enseignant-chercheur, ces universités préfèrent lui substituer des tableaux de services par UFR, « prenant en compte l’ensemble des activités » d’enseignement, de recherche et d’administration.

Fabienne Guimont | Publié le