Universités : comment attirer plus d’étudiants vers la médecine générale ?

Virginie Bertereau Publié le
La médecine générale ne fait pas l’unanimité lors du choix des affectations des étudiants en médecine. Enquête sur ce qui (dé)motive les étudiants et les façons de redorer le blason de cette spécialité, alors que la ministre de la Santé vient de présenter son propre plan d'action contre les déserts médicaux.

Chaque année, la médecine générale ne parvient pas à pourvoir tous ses postes. En 2011, 633 places sont ainsi restées vacantes après le passage des quelque 8.000 candidats à l'ECN (examen classant national). Pourtant, la discipline représente 52 % des postes ouverts (soit environ 4.000). 

Génération terre-à-terre

Qu'est-ce qui motivent les candidats dans leur choix ou leur "non-choix" de spécialité ? "Les étudiants d'aujourd'hui sont plus terre-à-terre que la génération précédente, analyse Dominique Perrotin, président de la Conférence des doyens de médecine. Ils prêtent davantage attention aux conditions d'exercice et choisissent en priorité les spécialités les plus rémunératrices, où l'on a moins de responsabilités et de gardes. Il y a 30 ans, les spécialités phares étaient la médecine interne et la chirurgie viscérale, qui séduit aujourd'hui beaucoup moins".

Or, les conditions de travail des médecins généralistes peuvent rebuter certains étudiants. Selon une étude de la DREES (1), la durée moyenne d'une semaine de travail d'un généraliste s'élève à 57 heures. Certains atteignent la barre des 71 heures hebdomadaires. En plus de leurs activités en cabinet, ces patriciens peuvent effectuer des gardes, s'impliquer dans la régulation des appels d'urgence au sein du SAMU, exercer dans une structure type maison de retraite ou crèche, s'occuper de la comptabilité, etc. 14 % entretiennent eux-mêmes les sols de leurs locaux ! Tout cela pour 6.572 € net par mois en moyenne (2). Pour autant, la médecine générale ne se révèle pas toujours un choix par défaut chez les étudiants. Toujours selon la DREES (3), la spécialité recrute à tous niveaux de classement ECN (du 57e au dernier rang en 2011).

La renommée de la spécialité compte aussi beaucoup. "Quand je préparais l'ECN, je n'ai pas arrêté d'entendre des professeurs dire "si vous ne travaillez pas, vous serez généraliste", confie un interne en radiologie à Paris.

ACCROître le nombre de formateurs en médecine générale

Comment attirer davantage alors que la formation des médecins est très centrée sur la pratique à l'hôpital ? "Seulement 49 % des étudiants font un stage en médecine générale de deuxième cycle alors que celui-ci existe depuis 1997. Ils ne sont pas du tout contre mais il n'existe pas assez de formateurs et de terrains de stage. En France, on ne recense que 110,5 postes "équivalent temps plein" universitaires pour 10.146 internes de médecine générale contre 5.662 pour 9.000 internes de spécialité", déplore Pierre Catoire, président de l'ANEMF (Association nationale des étudiants en médecine de France). Dans le cadre de son "Pacte territoire-santé", Marisol Touraine, la ministre de la Santé, a annoncé jeudi 13 décembre 2012 que tous les étudiants de médecine devront passer en stage en cabinet libéral.

Pour mettre cela en pratique, il faudrait donc diversifier les terrains de stage, par exemple en les formant aussi dans des maisons de santé pluridisciplinaires. Le Pacte territoire-santé parle de "rapprocher ces maisons des universités". Autre piste, pour la rémunération : en finir avec le paiement à l'acte au profit d'un salaire ou d'une rémunération en partie forfaitaire. En effet, les actes techniques (les radios, les interventions chirurgicales, par exemple) sont plus rémunérateurs que les actes cliniques (consultations, visites avec examen du patient).

200 "praticiens territoriaux de médecine générale"

Marisol Touraine a également repris d'autres idées – le développement de la télémédecine, le transfert des compétences à d'autres professionnels de santé – défendues notamment les étudiants (lire encadré). Et pour inciter les jeunes médecins – déjà pas assez nombreux pour remplacer leurs aînés qui partent à la retraite – à s'installer en zone rurale, la ministre a confirmé la création de 200 postes de "praticiens territoriaux de médecine générale" dès 2013.

Il s'agit d'accorder à des jeunes médecins libéraux qui iront s'installer dans des zones isolées et/ou sensibles une aide financière pendant deux ans. Objectif : que tous gagnent au moins 55.000 € par an (environ 4.600 € par mois). S'ils ne parvenaient pas à atteindre ce plafond, l'Etat leur paiera la différence avec ce qu'ils auront gagné. En outre, un "référent-installation" unique sera présent dans chaque région. D'énièmes mesures incitatives pour une urgence : la démographie médicale devrait atteindre son stade critique en 2020.


(1) Note de la DREES de mars 2012 sur "Les emplois du temps des médecins généralistes"
(2) Source UNASA (Union nationale des associations agréées).
(3) Note de la DREES de mars 2012 sur "Les affectations suite aux ECN 2011"

Déserts médicaux : le plan d'action

Si certaines régions comptent une densité de médecins plus importante que la moyenne (Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Ile-de-France, Languedoc-Roussillon, Aquitaine), d'autres peinent à attirer (Pays de la Loire, Centre, Haute-Normandie, Picardie, Champagne-Ardenne)*.
Pour tenter de résoudre le problème des déserts médicaux (qui ne date pas d'hier), l'ANEMF a proposé son plan de démographie médicale en dix points. Des idées que l'on retrouve souvent dans le plan d'action de la ministre de la Santé.

*Note de la DREES de mars 2012 sur "Les médecins au 1er janvier 2012"

Virginie Bertereau | Publié le