Universités : la valse des noms se poursuit

Marie-Anne Nourry Publié le
Universités : la valse des noms se poursuit
Université Bordeaux Montaigne : d'un logo à l'autre // © 
Sur fond d'internationalisation et de concurrence accrue, les universités doivent jouer des coudes pour se démarquer. Après l'UPEC, l'UdA ou encore l'UPMC, c'est au tour de Bordeaux 3 Michel-de-Montaigne et de Toulouse 2 Le Mirail de passer sous le rouleau compresseur. La valse des noms, acte II.

Dès lors qu'il y a concurrence, la question de la marque entre en jeu. La recomposition du paysage universitaire et la montée en puissance des rankings poussent les universités à se démarquer pour rester dans la course. Ce qui passe, entre autres, par le choix d'un nom capable d'exprimer leur ambition. Plus court et moins administratif.

Gagner en visibilité

Au 1er janvier 2014, la fusion de Bordeaux 1, 2 et 4 a donné naissance à l'Université de Bordeaux. Face au nouveau mastodonte aquitain, Bordeaux 3 Michel-de-Montaigne, qui a choisi de rester autonome, avait tout intérêt à se débarrasser de son numéro désormais inutile pour adopter une nouvelle identité. La cérémonie de présentation de "Bordeaux Montaigne" s'est ainsi tenue le 12 mars. "Nous avons retenu ce nom car nous sommes une université bordelaise, et Montaigne est notre référence depuis 1990, justifie le président Jean-Paul Jourdan. Au-delà des humanités, il renvoie aux humanismes et à une vision particulière de l'université."

Plus au sud, Toulouse 2 Le Mirail s'apprête aussi à franchir le pas pour prendre le nom de Jean Jaurès, un personnage midi-pyrénéen de stature mondiale, explique l'université. "Nous avons besoin d'un nom qui soit représentatif de notre diversité, précise son président Jean-Michel Minovez. Le Mirail est un quartier de Toulouse qui n'inclut pas les 3.000 étudiants répartis sur les autres sites de la région. Et il n'évoque rien pour les étudiants et universitaires dans le monde." Un projet de changement vieux de 15 ans qui revient régulièrement sur la table, mais que le président, élu en avril 2012, est cette fois décidé à mener à terme.

Imposer la marque en interne

Si la question de faire accepter la marque a vite été balayée à Bordeaux, elle est plus épineuse dans la ville rose. Jean-Michel Minovez a provoqué une levée de boucliers quand il a annoncé, le 24 février 2014, le changement de Toulouse Le Mirail pour Jean-Jaurès. Dans la foulée, des étudiants, reprochant au président de désavouer le quartier du Mirail, ont mis en ligne une pétition. "Je veux bien entendre ceux qui pétitionnent, mais les propos retenus ne sont jamais sortis de ma bouche, se défend le président. C'est tout le contraire : en tant que vice-président en charge du patrimoine,  j'ai porté le projet de reconstruction de l'université qui a contribué à faire tomber les grilles."

À Toulouse, l'opposition au changement de nom ne date pas d'hier. "Ce projet a été repoussé plusieurs fois par mes prédécesseurs à cause d'une instrumentalisation de l'opposition", grince Jean-Michel Minovez. Cette fois, un retour en arrière n'est pas envisagé. Le président veut être prêt pour la commémoration du centenaire de l'assassinat de Jean Jaurès, le 31 juillet.

Opération à moindre frais

À l'heure où les universités manquent de moyens, celles qui entrent dans une logique de marque s'arrangent pour mener leur opération "naming" à moindre coût. En interne, de préférence. À Bordeaux Montaigne, plusieurs acteurs de la maison ont été impliqués, du service communication aux directions des systèmes d'information et du patrimoine, sous le patronage de l'équipe dirigeante. L'établissement a fait appel à une agence de communication, uniquement pour élaborer le logo et la nouvelle charte graphique. "Le budget était de l'ordre de 30.000 à 40.000 €, détaille Jean-Paul Jourdan. Nous n'avons pas souhaité dépenser trop d'argent dans ce domaine au moment où les universités doivent se montrer attentives à leur situation financière, la nôtre en particulier." Reste à savoir combien de temps sera nécessaire pour récolter les fruits de cet investissement.

Logo UdAParmi les universités qui ont déjà franchi le pas, Clermont 1, devenue il y a sept ans l'Université d'Auvergne, connue aussi aujourd'hui sous le sigle UdA, mesure le chemin parcouru. À l'époque, le changement de nom avait aussi été opéré de manière "pragmatique et artisanale" avec le service communication, comme le rappelle Philippe Dulbecco, son président. "Nous n'avions pas mené de campagne spécifique mais utilisé systématiquement le tampon 'Made in UdA' sur les images, les documents papier ou les réseaux sociaux."

Si l'établissement auvergnat a reçu beaucoup de critiques de l'extérieur au début, notamment à cause de la formule anglaise "made in", les étudiants se sont vite rangés derrière l'appellation. Au point que le slogan "Bienvenue à l'avenir", accolé à UdA depuis 2011, peine à s'imposer. Mais une chose est sûre, Clermont 1 est en bonne voie d'être oublié. De quoi rassurer les futurs candidats au changement.

Marie-Anne Nourry | Publié le