Baromètre EducPros 2014. Salaire : les universitaires manquent d'argent… et de temps

Camille Stromboni, avec Sophie Blitman et Baptiste Legout Publié le
Baromètre EducPros 2014. Salaire : les universitaires manquent d'argent… et de temps
Baromètre EducPros 2014. Salaire - les universitaires manquent de temps et d'argent © Hervé Pinel // © 
Insatisfaits de leur rémunération, les membres de la communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche qui ont répondu au baromètre EducPros 2014 pointent avant tout le manque de temps dont ils disposent pour remplir l’ensemble de leurs missions.

Plus de 70% des sondés de notre baromètre EducPros sur le moral dans l’enseignement supérieur et la recherche considèrent ne pas être correctement rémunérés. Point de jalousie en la matière : ils n'estiment pas non plus que leurs collègues ont un salaire satisfaisant.

Dans notre échantillon, près d’un tiers des répondants gagnent moins de 25.000 € (brut annuel, primes incluses). 55% ont un salaire situé entre 26.000 € et 50.000 €. Ce groupe est divisé en deux parts égales : ceux qui gagnent moins de 36.000 € et ceux qui gagnent davantage.

Enfin, plus de 10% déclarent une rémunération allant de 51.000 € à 75.000 € et 3% au-delà de 75.000 €.

75% d'hommes parmi les sondés les mieux rémunérés

Parmi cette catégorie des salaires les plus élevés (au-delà de 51.000 €) figurent d’abord des hommes (75%) et des enseignants-chercheurs et chercheurs (76%), dans une moyenne d’âge supérieure à 50 ans – contre 40 ans pour l’ensemble de nos 2.000 répondants.

La quasi-totalité d’entre eux déclarent occuper une responsabilité dans leur établissement (pédagogique ou de gouvernance). 40% indiquent faire partie des équipes de direction ou des conseils (administratif, scientifique, vie étudiante, ou autres).

Hauts salaires : le droit d’abord, les sciences dures, puis les sciences humaines

Entre domaines disciplinaires, les écarts sont moins tranchés. Le droit-économie-gestion arrive en tête des hauts salaires : plus de 23% des juristes et économistes sondés affichent une rémunération dépassant les 51.000 € annuels.

Viennent ensuite les sciences-technologie-santé (18%), puis les ALLSHS (arts, lettres, langues, sciences humaines et sociales – 9%). Parmi les personnels travaillant dans les services administratifs et les fonctions support, seuls 6% prétendent à un tel niveau de salaire.

Ces écarts se remarquent également pour les salaires moyens et encore plus sur les rémunérations les plus basses. Si, dans toutes les disciplines, entre 50 et 60% des sondés ont un salaire situé entre 25.000 et 50.000 €, la part de répondants gagnant moins de 25.000 € se monte à 39% dans les ALLSHS, contre 23% dans les sciences dures et santé et 17% dans le droit.

Parmi l’ensemble des sondés déclarant figurer dans cette fourchette basse, plus d’un tiers ont un statut de post-doc/ATER, sont titulaires d’une bourse de doctorat ou vacataires/intervenants extérieurs.

Manque de temps pour assurer l’ensemble de ses missions

Une problématique fait dans tous les cas largement l’unanimité : quatre répondants sur cinq assurent ne pas avoir le temps de mener à bien toutes leurs missions. Une proportion plus grande encore déclare pourtant faire des heures supplémentaires ou complémentaires.

La communauté se montre en revanche plus partagée quant à la satisfaction que lui procure ce temps de travail : une moitié y trouve son compte, l’autre non. De la même manière, on recense dans notre panel autant de personnes estimant que leur travail leur permet de garder un équilibre entre vie professionnelle et vie privée que de mécontents sur ce sujet.

L’insatisfaction quant au temps de travail touche plus fortement les professionnels des arts, lettres, langues et SHS (14 points de plus qu'en sciences dures et santé, 22 points par rapport aux juristes et économistes).

En outre, seuls 40% des sondés d'ALLSHS estiment que leur travail leur permet d’atteindre un bon équilibre entre vie privée et vie professionnelle, alors qu’ils sont 47% dans cette situation en sciences dures-santé et 53% en droit-économie. Ce partage paraît enfin plus satisfaisant dans les écoles (54% de réponses positives) qu’à l’université ou dans les organismes de recherche (respectivement 48% et 44%).

PAROLES DE PROS (témoignages recueillis au cours de notre enquête)
"Je travaille beaucoup, mais c'est un choix de vie lié au métier d'enseignant-chercheur."

"Le faible niveau des salaires commence à poser un réel problème…"

"Venant du privé, je trouve qu'effectivement les rémunérations sont plutôt situées dans une fourchette très basse. Cela étant dit, au regard des onze semaines de congé (!!!!) que nous avons, il convient de bien tout peser dans la balance..."

"Le temps consacré au montage de projets est démentiel ! Conséquence : impossible de dégager du temps pour écrire des livres à l'attention des étudiants, la recherche se fait sur le temps personnel, durant les périodes de vacances."

"Les conditions de travail se dégradent d'année en année. Il faut tout faire, et les journées ne sont jamais assez longues. Il faut toujours être sur la brèche, dans l'urgence, et les contraintes, notamment administratives, se multiplient."

"Le métier et le statut d'enseignant-chercheur sont extraordinaires. Nous avons de la chance de pouvoir en bénéficier. Mais les conditions d'exercice sont de plus en plus difficiles, précaires et stériles. Combien de collègues m'avouent régulièrement qu'ils n'ont plus le temps de lire, ne serait-ce qu'un article ? Cet aveu est grave dans un monde professionnel censé être au cœur de la connaissance. Notre employeur doit nous redonner du temps. Du temps pour comprendre le monde, du temps pour digérer ses évolutions, du temps pour construire nos cours et former les étudiants, du temps plus que de la gouvernance, du temps plus que des projets ANR à plusieurs dizaines de milliers d'euros..."

Camille Stromboni, avec Sophie Blitman et Baptiste Legout | Publié le