Cinq actes pour un mouvement étudiant

Grégory Danel Publié le
Cinq actes pour un mouvement étudiant
Une AG à Rennes 2 durant le mouvement (Tangi_Bertin/Flickr) // © 
Six mois après son arrivée, rue Descartes, Valérie Pécresse a affronté son premier mouvement étudiant. Une mobilisation qui répond à des considérations politiques et n’avait rien à voir, selon le gouvernement, avec la loi sur l’autonomie des universités (LRU)...Educpros décrypte en cinq points la naissance de la contestation étudiante.

De l’agitation. Les médias ont sérieusement commencé à parler de la contestation estudiantine au mois de novembre, alors que l’agitation dans certaines universités avait démarré dès septembre. « La loi LRU est un déni de démocratie total car elle a été votée pendant que les étudiants étaient en vacances », s’émeut Xavier des Jeunes Communistes Révolutionnaires (JCR), du Collectif étudiant contre l’autonomie des universités (CECAU). De fait, dans l’incapacité de mobiliser pendant l’été, les organisations étudiantes anti-loi tractent, organisent des réunions d’information puis des assemblées générales depuis la rentrée universitaire. Le mot d’ordre tient dans ce syllogisme : la loi Pécresse « privatise » l’université, « il n’y a donc rien à négocier dans cette réforme », la loi doit être abrogée.

Des bastions. La première coordination nationale des universités est organisée à Toulouse les 27 et 28 octobre 2007. Un hasard ? Non. Plutôt une « tradition », sourit Xavier. L’université de lettres et sciences humaines Toulouse 2 connaît depuis toujours un intense bouillonnement syndical. Rennes 2, qui met sur pied la deuxième coordination, est elle aussi un bastion des luttes étudiantes. Aix-Marseille 1, Rouen, Perpignan, Tours, Tolbiac, Nanterre, également. Une habitude qui démoralise certains présidents. « C’est calamiteux pour l’image de l’établissement », déplore Michel Lussault, président de Tours et vice-président de la Conférence des présidents d’université (CPU).

Des « anars » à Julliard. Un mouvement étudiant fonctionne comme une poupée russe. Ainsi, de Rouen à Paris, les observateurs avertis auront noté la forte présence des anarchistes, autonomes et autres néo-situationnistes dont l’activisme a été très vite mis sous l’entonnoir des organisations d’extrême gauche : FSE, UEC, Sud-Étudiant, JCR et le courant minoritaire de l’UNEF. Leur mot d’ordre de grève, l’abrogation de la loi Pécresse, empêche dans un premier temps l’UNEF, qui a négocié le texte, de rejoindre le mouvement. Par peur de se faire doubler sur sa gauche, elle finit cependant par s’engager. L'ex-président de l'Unef, Bruno Julliard résume la position de son syndicat : « On ne veut pas faire une mobilisation exclusivement sur l’abrogation car c’est un objectif qui ne nous semble pas atteignable. Nous pouvons avoir quelques divergences avec les AG sur cette question, mais nous n’en faisons pas un point de rupture. Plus le temps passe, plus nous allons devenir moteur de ce mouvement. » L'avenir lui donnera en partie raison.

La Sorbonne. Le 6 novembre 2007, une centaine d’étudiants ont tenté d’occuper la Sorbonne comme aux heures les plus chaudes du CPE. Pas besoin d’être grand clerc pour comprendre la symbolique du geste. C’est 1968 ! Géographiquement, le lieu a le mérite d’être proche des ministères. C’est aussi l’assurance d’optimiser la couverture médiatique. Bref, comme le résume une ancienne militante anti-CPE, « on rejoue à chaque fois la prise de la Sorbonne ». 

Son avenir. « Nos universités sont ainsi faites qu’il suffit de 150 à 200 étudiants pour les bloquer », observe Michel Lussault. Sur le terrain, donc, rien n’empêche grèves et blocages de durer. Mais c’est surtout du climat social du pays dont dépendait le mouvement. Avec une grève des transports le 14 novembre, une grève de la fonction publique le 20, ce mouvement, selon le député UMP Benoist Apparu, rapporteur de la LRU, « prend prétexte de cette loi pour organiser le troisième tour social ». L'attitude des grandes centrales syndicales dans le conflit sur les régimes spéciaux de retraite et les positions byzantines de l'Unef ont sans doute constitué des freins trop importants pour emporter la réforme Pécresse. Reste qu'une nouvelle fois, la jeunesse des universités et plus particulièrement celles des amphis de Lettres et Sciences humaines a montré l'ampleur de son malaise.

Grégory Danel | Publié le