Les éco-campus peinent à éclore

Delphine Dauvergne Publié le
Les éco-campus peinent à éclore
L'université de Montpellier a vu ses projets d'éco-campus ralentis par la fusion. // ©  UM2
Une vingtaine d'écoles et d'universités se sont lancées dans la construction d'un éco-campus depuis plusieurs années. Budgets conséquents, travaux retardés, évolution lente des mentalités... Une démarche de longue haleine qui ne décourage pas les acteurs. Le point à l'occasion du colloque éco-campus 3 des 15 et 16 octobre 2016.

Le développement durable est devenu un bon argument pour rénover les campus. Une vingtaine d'universités et écoles ont entamé des travaux ambitieux, pour notamment réaliser des économies d'énergie. "Nous avons 200 bâtiments répartis sur cinq départements en Languedoc-Roussillon, entreprendre des réhabilitations énergétiques représente un chantier énorme. Le nerf de la guerre, c'est la capacité d'investissement pour les concrétiser, car les budgets des universités se portent mal..." souligne Bernard Maurin, vice-président délégué au développement durable à l'université de Montpellier.

Des freins financiers

Avec un patrimoine foncier important, de lourdes charges financières pèsent sur les budgets des universités. Le terme d' "éco-campus" offre l'opportunité de débloquer des dotations conséquentes.

L'université de Poitiers réussit pour l'instant à financer ses travaux grâce à 60% de ses crédits d'État (10 millions annuels) et un CPER de 14 millions sur cinq ans. "Mais nous cherchons toujours d'autres financements, auprès de l'Ademe par exemple, c'est un effort permanent", rappelle Serge Huberson, le vice-président patrimoine et développement durable. Avec des objectifs annuels, depuis 2010, de réduction de 3% de la consommation d'électricité, de 7% pour celle du chauffage et de 12% pour celle de l'eau, l'université a déjà économisé 400.000 euros.

"Un peu plus de 10% de nos surfaces sont toujours en chantier désormais, nous menons ces opérations de manière continue, pour ne pas gêner les étudiants", décrit Serge Huberson. Une stratégie progressive qui semble payer : la classe énergie des bâtiments varie de B à C.

Une longue incubation

D'autres réhabilitations mettent plus de temps à se lancer. Alors que le projet d'éco-campus de l'université de Franche-Comté a été lancé en 2012, les travaux ne sont prévus que pour 2016, faute de financements. "Une vingtaine de millions d'euros est aujourd'hui acquise, sur un budget de 30 millions", précise Olivier Prévôt, directeur de l'IUT Belfort-Montbéliard.

Obtenir des financements, ne pas perturber les cours... Autre difficulté rencontrée : "le temps d'attente entre les décisions prises et la mise en œuvre des travaux, cela peut parfois prendre quatre ans dans l'immobilier", soupire Alice Roy, chargée de mission développement durable à l'université fédérale de Toulouse Midi-Pyrénées.

Les études de projet viennent ainsi seulement de s'achever en septembre 2015, alors qu'une convention éco-campus avait été signée en 2011 avec la communauté urbaine de Toulouse métropole et la Caisse des dépôts.

L'évolution lente des mentalités

En attendant, l'université fédérale de Toulouse Midi-Pyrénées met en place les mesures demandant moins de concertation, comme "le tri des déchets, qui se généralise dans tous les établissements et dans les résidences universitaires du Crous", ou encore des aménagements pour les cyclistes prévus pour 2016. Si ces initiatives peuvent s'opérer à moindre coût, elles nécessitent un travail de sensibilisation et d'évolution des mentalités qui prend du temps.

Le campus de LaSalle Beauvais ©Nathalie Baetens

Maxime Agnès, chargé de mission développement durable à l'école d'ingénieurs LaSalle Beauvais, ne dit pas le contraire : "Nous avons lancé un campus piéton en mars 2014, ce qui contraint les étudiants et le personnel à se garer en périphérie, cela n'a pas plu à tous..."

Même constat à l'université de Poitiers : "Nous aimerions progresser sur les transports, mais c'est difficile car cela fait appel à des habitudes en dehors de la fac".

A l'EIVP (École des ingénieurs de la Ville de Paris), c'est la mise en place de quatre imprimantes collectives qui "a mis du temps à être acceptée", tandis que la suppression des places de parking n'a pas rencontré d'opposition et que les éco-cups des fêtes étudiantes sont ensuite réutilisés par le personnel en réunion.

Des fusions à double tranchant

La réorganisation de l'enseignement supérieur n'est pas sans conséquence sur la mise en œuvre des éco-campus... Les universités de Montpellier 1 et 2 ont fusionné en janvier 2015, amenant la direction du nouvel établissement à repenser les campus. "La réorganisation des services prend du temps et nous devons agir prudemment pour ne pas fragiliser les finances du nouvel établissement", reconnaît Bernard Maurin, vice-président délégué au développement durable.

Même discours du côté de l'université fédérale de Toulouse Midi-Pyrénées : "nous devons passer par une phase de meilleures connaissances des établissements qui se sont rapprochés et de mise en réseaux de nos actions".

Les fusions et rapprochements en cours peuvent dans un premier temps ralentir les projets d'éco-campus, mais jouer ensuite un rôle de dynamique permettant d'avancer plus vite. C'est le cas du rapprochement Alliance, entre Audencia, Centrale Nantes et l'Ensa Nantes, selon André Sobczak, pilote de la démarche développement durable à l'école de commerce : " les écoles peuvent mettre en commun leurs synergies sur le campus, avec une dynamique territoriale qui permet aux étudiants d'organiser des choses ensemble." Rendre les campus plus verts est un développement durable dans le temps...

Un enseignement plus vert
Les écoles ont beaucoup avancé sur la thématique de l'intégration du développement durable dans leurs formations. Un choix qui se justifie par l'importance requise pour certaines formations, comme à l'EIVP, école d'ingénieurs spécialisée dans le génie urbain "60% de l'enseignement est désormais dédié à l'environnement durable, notre objectif est atteint", se félicite Leila Kebir, enseignante-chercheuse référente développement durable de l'école.

A Audencia Nantes, la proportion à atteindre (10%), était moins ambitieuse, mais bientôt remplie. "Nous sommes à 8%, mais nous avons encore des progrès à faire sur le qualitatif, car il y a parfois des doublons avec certaines thématiques abordées dans plusieurs cours et d'autres moins développées, comme les enjeux de la biodiversité par exemple", concède André Sobczak.
Qu'est-ce qu'un éco-campus ?
Popularisé par le colloque international "éco-campus", le mot-valise "éco-campus" n'est pas un label, mais il est devenu au fil des années une marque, libre, dont les établissements d'enseignement supérieur se prévalent pour étiqueter leurs projets de développement durable.

Dans leur démarche, ils visent l'ensemble de leur campus : les bâtiments, les espaces verts, la biodiversité, la restauration, le logement étudiant, les transports, la formation...

Le colloque éco-campus 3 se tient les 15 et 16 octobre à l'université Paris Ouest Nanterre La Défense et à l'Essec.
Tour de France "Agir Ensemble"

L'Avuf et l'Ademe, en partenariat avec la CDC, la CPU, le groupe MGEN, l'association CIRSES et 18 Crous organisent du 16 au 27 novembre le tour de France "Agir Ensemble".  L'objectif ? Sensibiliser étudiants, enseignants et personnels des écoles et universités aux gestes éco-responsables.

Consulter les étapes de ce Tour de France

Delphine Dauvergne | Publié le