L'école d'animation Mopa, théâtre d'un conflit après l'éviction de son directeur

Martin Rhodes Publié le
L'école d'animation Mopa, théâtre d'un conflit après l'éviction de son directeur
Pour l'heure, malgré les intentions des deux parties, aucune action judiciaire n'a pour le moment été lancée, que ce soit à l'encontre du Cipen ou de Julien Deparis. // ©  Mopa
Le 19 janvier 2017, Julien Deparis, directeur de l'école d'animation Mopa a été démis de ses fonctions pour fautes graves par son employeur, le Cipen, une association présidée par la CCI du Pays d'Arles. Depuis, les deux parties s'affrontent dans une guerre de communication qui semble loin d'être terminée.

Avec prudence et à visage couvert, le petit monde des écoles d'animation observe et commente les turbulences qui touchent l'une des leurs. Mopa (Motion picture in Arles), anciennement Supinfocom Arles, a changé de direction de façon brutale il y a quelques semaines. Le 19 janvier 2017, Julien Deparis, qui dirigeait l'école d'animation depuis 2015, a été démis de ses fonctions pour faute grave, par son employeur – et tutelle de l'établissement –, le Cipen (Cluster d'innovation pédagogique et numérique).

Cette association loi 1901 a été créée fin 2015 par la CCI (Chambre de commerce et d'industrie) du Pays d'Arles afin de regrouper et d'externaliser ses trois centres de formation : l'IRA (Institut de régularisation et d'automation), le PFC (Pôle formation compétences) et Mopa.

Schoool, la plate-forme de la discorde

Dans un communiqué de presse publié le 3 février 2017, le Cipen reproche notamment à Julien Deparis d'avoir créé une start-up "afin de commercialiser pour son compte la plate-forme intégrée de gestion numérique de l'école."

Schoool, c'est son nom, a été développé en interne par le responsable de la stratégie digitale, recruté par l'ancien directeur en personne. L'outil gère notamment les absences des élèves, le nombre d'heures de cours et la rémunération des intervenants.

"Julien Deparis a cherché à créer sa propre start-up pour développer un projet appartenant au Cipen", résume Alain Chaix, le directeur général du cluster. Ce dernier reproche à l'ancien directeur d'avoir déposé en son nom la marque Schoool à l'INPI (Institut national de la propriété intellectuelle). Une demande d'enregistrement de marque au nom de Julien Deparis et du développeur de la plateforme a bien été formulée auprès de l'Institut et rejetée en premier examen, car jugée trop proche de Sqool, acteur français du numérique éducatif.

Quoi qu'il en soit, le Cipen envisage de porter plainte au pénal pour détournement de propriété intellectuelle. "Schoool, qui a mobilisé des salariés du Mopa, aurait pu être commercialisé pour le compte du Cipen. Entre le temps perdu et le manque à gagner, nous évaluons le préjudice financier entre 150.000 et 200.000 euros", précise Alain Chaix.

Schoool aurait pu être commercialisé pour le compte du Cipen. Entre le temps perdu et le manque à gagner, nous évaluons le préjudice financier entre 150.000 et 200.000 euros (A. Chaix)

Le titre RNCP en question

Le Cipen reproche également à Julien Deparis d'avoir "négligé d'assurer le dépôt et le suivi du dossier d'obtention de la certification du diplôme Mopa auprès de la commission nationale et des instances régionales du RNCP (Répertoire national des certifications professionnelles)."

Mopa, qui forme chaque année 195 étudiants, bénéficie jusqu'en 2018 du titre RNCP niveau 1 détenu par Supinfocom. Avec sa prise d'indépendance vis-à-vis du groupe, l'école cherche désormais à décrocher la certification en son nom propre. Une mission "prioritaire" selon Alain Chaix, "qui n'a pas avancé en deux ans."

"Une éviction politique"

Le 9 février dernier, Julien Deparis a répondu à ces deux accusations dans un droit de réponse. L'ancien directeur de Mopa conteste l'ensemble des faits qui lui sont reprochés. Il assure que la direction du Cipen était informée et même impliquée dans le projet de start-up, et rappelle qu'à ce jour, aucune société n'a été créée.

Dans ce document, Julien Deparis énumère également les démarches entreprises auprès de la CNCP (Commission nationale de la certification professionnelle). "Pour un directeur, un titre RNCP niveau 1 récompense plusieurs années de travail. Je ne vois vraiment pas pourquoi j'aurais traîné pour l'obtenir". Selon la CNCP, le dossier, complet, a été déposé par l'école en novembre 2016. L'instruction, en cours, devrait aboutir à une décision d'ici au mois de juin.

Pour un directeur, un titre RNCP niveau 1 récompense plusieurs années de travail. Je ne vois vraiment pas pourquoi j'aurais traîné pour l'obtenir. (J. Deparis)

Pour l'ancien directeur de Mopa, la véritable raison de cette éviction est politique. "Le Cipen veut faire fusionner ses trois centres de formation et déménager le tout sur un autre site arlésien. Je m'y opposais, notamment parce qu'il n'y a pas d'intérêt pédagogique à unir des structures aussi différentes", précise Julien Deparis.

Une version contestée par le Cipen. "Il n'en a jamais été question. Ces entités ne visent pas du tout les mêmes publics. Elles ont uniquement en commun leurs services supports, comme la comptabilité et le service des achats", rétorque Alain Chaix, tout en reconnaissant que Mopa commence à être à l'étroit et qu'un déménagement n'est pas exclu.

Une mobilisation sans frontières

Pour l'heure, malgré les intentions des deux parties, aucune action judiciaire n'a pour le moment été lancée, que ce soit à l'encontre du Cipen ou de Julien Deparis. Un règlement à l'amiable est en cours.

Le dossier s'embrase en revanche sur le terrain de la communication. L'ancien directeur peut compter sur le soutien d'une partie de la communauté de Mopa. Des parents d'élèves, des étudiants, des intervenants et des professionnels français et américains (notamment Kristof Serrand, directeur de l'animation de Dreamworks en Californie et membre de l'Académie des Oscars) se sont rassemblés au sein d'une association nommée Comité Mopi. Tous contestent ce qu'ils considèrent comme une "éviction brutale et injustifiée perturbant le bon déroulement des cours."

Une critique que conteste la nouvelle directrice, Anne Brotot, qui avait elle-même contribué à la création de l'école en 2000. "Le licenciement de Julien Deparis n'implique pas une remise en cause de l'offre pédagogique. L'école continue sur la même voie", précisant que la quasi-totalité des intervenants continuent d'assurer leurs cours.

Le comité de soutien réclame par ailleurs l'autonomie totale de l'école vis-à-vis du Cipen et de la CCI du Pays d'Arles, et plaide pour la création d'un comité de pilotage réunissant étudiants, parents d'élèves et studios d'animation. Une revendication qu'Alain Chaix qualifie d'"extravagante".

"La CCI du Pays d'Arles et le Cipen, qui sont propriétaires du bâtiment, se démènent pour aller chercher la taxe d'apprentissage qui finance l'école", précise le directeur général de l'association, avant d'ajouter : "Nous allons créer un comité consultatif mais il est hors de question que l'école soit cédée." De son côté, le comité Mopi assure qu'il ne baissera pas les armes tant qu'il n'aura pas obtenu gain de cause.

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