Écoles et universités apprivoisent le webmarketing

Jean Chabod-Serieis Publié le
Écoles et universités apprivoisent le webmarketing
Le compte Instagram de Centrale Marseille permet de suivre les étudiants et les diplômés de l'école tout autour du monde. // ©  Centrale Marseille
Attirer ou orienter des candidats grâce au web (réseaux sociaux, sites, applis) : toutes les écoles et universités s’y essaient. Mais peu se sont organisées pour mettre au point une véritable stratégie de webmarketing avec des moyens financiers, recrutement et formation. Le point avant la conférence EducPros du 13 octobre 2016, intitulée “Comment gagner la bataille du recrutement sur le Web ?”

Des classements – souvent publiés par des cabinets de conseil spécialisés en webmarketing – paraissent depuis plusieurs années pour évaluer les établissements de l'enseignement supérieur et de la recherche "les plus influents" sur la Toile. Arrivent en tête plusieurs grandes écoles de commerce (HEC, GEM...), quelques universités (UPMC, Paris 1...) et de rares écoles d'ingénieurs.

Mais c'est quoi, l'influence d'une école ? "Quand on parle de recrutement, ce n'est pas la quantité qui compte, juge Manuel Canévet, consultant en stratégie de communication, spécialisé dans l'enseignement supérieur et la recherche. Ce qu'il faut, c'est une communauté engagée, dont les membres retransmettent les messages et se font le relais de la marque auprès de leurs réseaux." Un engagement au service de l'image de l'établissement, et donc de son attractivité, auprès des candidats potentiels.

À Centrale Marseille, à chaque réseau sa cible

Mais si écoles et universités ont bien compris l'utilité des réseaux sociaux et d'Internet pour leur communication, elles n'en sont qu'aux prémices de l'utilisation des techniques de webmarketing pour recruter leurs étudiants.

"Les écoles d'ingénieurs et les universités ont du retard en la matière parce que le webmarketing n'est pas dans leur culture interne, contrairement aux écoles de commerce", estime Nicolas Chapuis, le directeur de la communication de Centrale Marseille. La présence de l'école d'ingénieurs sur le web a été soigneusement pensée.

Deux personnes chargées des réseaux sociaux, une présence sur Facebook, Twitter, LinkedIn, Instagram, Pinterest, Scoop it et, tout récemment, Snapchat, avec un contenu adapté à chaque réseau : LinkedIn pour les diplômés, Facebook pour les étudiants, les associations de l'école et même les lycéens, Snapchat pour les interactions d'étudiants à étudiants, ainsi que Twitter pour l'extérieur.

L'école a d'ailleurs été la première dans l'enseignement supérieur à débarquer sur Snapshat, il y a deux ans. "Mais nous ne nous en servions quasiment pas, remarque Nicolas Chapuis. On l'a dynamisé cet été pour la communication vers les admissibles, c'est-à-dire les élèves de prépas qui ont passé le concours d'entrée. La particularité, c'est qu'une équipe d'élèves gère le compte avec moi et nous couvrons ensemble des événements de l'école."

Attirer des étudiants peut pourtant paraître inutile pour une école d'ingénieurs, qui n'a pas de problème pour remplir ses promotions. "Nos problématiques de recrutement sont différentes, souligne Nicolas Chapuis. Nous sommes une jeune école, existant depuis dix ans, il y a donc du chemin à faire entre la perception et la réalité, même si c'est une école Centrale. On doit constamment préciser notre image auprès des candidats et du grand public." Une manière de s'assurer que les futurs étudiants choisissent l'école en connaissance de cause.

Nous sommes une jeune école, nous devons constamment préciser notre image auprès des candidats et du grand public.
(N. Chapuis, Centrale Marseille)

À Paris 1, l'orientation par le web

Les universités, elles non plus, n'ont pas de problème pour attirer, elles qui ont accueilli près de 80.000 étudiants supplémentaires ces deux dernières années. Pourtant, elles cherchent à gagner de l'audience sur le web. "Nous voulons améliorer la visibilité des formations auprès des candidats", rappelle Julien Pompey, le responsable de la communication de Paris 1-Panthéon-Sorbonne, qui compte 42.000 étudiants, dont près de 15.000 nouveaux arrivants chaque année. Orienter plutôt qu'attirer, tel est le credo de cette université en formation initiale.

En formation continue, en revanche, la stratégie est plus franche. "L'offre de formation continue est en développement, poursuit Julien Pompey, elle est encore trop peu connue du grand public. Nous voulons inciter les salariés à prendre les devants et, pour cela, nous devons leur montrer que nos formations sont adaptées à leurs besoins." Via les réseaux sociaux et le site web, entre autres.

À Paris 1, la stratégie consiste à "rubriquer" les publications pour donner des rendez-vous réguliers aux internautes : citation de la semaine, Humans of Sorbonne (portraits d'étudiant), Le Sorbonnaute (conseils pratiques, actualités, etc.).

Impliquer personnels et étudiants

L'université Paris 1 engage aussi enseignants, administratifs et associations d'étudiants à créer leurs propres comptes Facebook ou Twitter en accord avec le service com, pour présenter leurs activités. En interne, les équipes ont été sensibilisées par le service communication."En 2016, nous avons diffusé une charte interne de bonne utilisation des réseaux sociaux : quel logo utiliser, quelle photo de profil, à quel moment publier une information, etc.", détaille Julien Pompey.

À Centrale Marseille, les personnels, enseignants, chercheurs, et associations d'élèves ont carrément été formés aux réseaux sociaux, pour produire ensuite des contenus au nom de l'école et entrer en contact sur les réseaux avec les personnes extérieures... dont les candidats. "Le but est de créer une communauté agissante, justifie Nicolas Chapuis, car le gros du travail, c'est l'acculturation interne avant de déployer des stratégies intenables parce que l'on n'a pas les ressources humaines."

Le web, c'est aussi un budget pub

Se lancer en webmarketing pour recruter, c'est y consacrer un minimum de budget : formations internes, recrutement d'un community manager... et achat d'espaces publicitaires. Pas de ticket d'entrée minimum pour acheter ces espaces ; selon le périmètre couvert et l'objectif de l'établissement (promouvoir une seule formation ou l'école en général), cela peut aller de quelques centaines à plusieurs dizaines de milliers d'euros.

"Kedge Business School et HEC en sont de bons exemples, précise Manuel Canévet, Kedge achète même des espaces sur Instagram." Pour lui, le réseau social doit être le maillon d'une chaîne intelligente, partant d'une stratégie : "Nous pouvons lancer une campagne de notoriété sur un événement – communiquer sur la bonne place de l'école dans un classement, par exemple. Cela permet de toucher des candidats-prospects qu'on ramène ensuite sur les réseaux, et enfin sur le site web, où ils laisseront peut-être leur mail."

Autre budget : le site web, qui ne doit pas être négligé, même s'il faut se méfier de son utilisation facilement verticale et descendante. À l'école de l'image Georges-Méliès (220 étudiants), le site peut être la porte d'entrée pour les futurs candidats.

Il vient d'être refait, intégrant une visite virtuelle à 360°, un outil qui "séduit les futurs étudiants, estime le directeur général, Franck Petitta. L'école est dans un bâtiment historiquement et visuellement extraordinaire, qui provoque un effet 'wahou' chez tous nos visiteurs, qui s'en trouvent conquis. La visite virtuelle transpose cet effet en ligne. Elle est d'ailleurs le centre de notre communication numérique, puisque nous la diffusons lors des salons sur une tablette tactile de 27 pouces et dans un casque virtuel."

Les écoles se demandent : "qui a-t-on intérêt à recruter dans nos formations pour limiter le taux d'échec ?"
(M. Canévet)

Webmarketing : l'efficacité se mesure

L'atout du webmarketing ? Il s'évalue. "Il existe des logiciels d'analyse très précis, indique Manuel Canévet, avec lesquels on peut mesurer finement si on a touché les bonnes cibles." La mesure portera d'abord sur du quantitatif, mais pas forcément là où on l'attendait : "Les écoles mesurent le taux d'échec au diplôme ou au passage en deuxième année et se demandent par conséquent : 'Qui a-t-on intérêt à recruter dans nos formations pour limiter le taux d'échec ?' C'est ensuite qu'elles déterminent leurs cibles (spécialités, provenances géographiques, etc.)" Une base du webmarketing.

Conférence EducPros du 13 octobre 2016 : "Comment gagner la bataille du recrutement sur le Web ?"

L'accélération de la compétition internationale conjuguée à une baisse des financements des organismes consulaires ou de l'Etat poussent aujourd'hui les établissements d'enseignement supérieur à sans cesse innover pour élargir leur recrutement.

Mais comment toucher plus d'étudiants alors que le vivier des étudiants de prépas tend à se réduire ? Comment développer sa marque sur tous les supports offerts par le numérique pour séduire les « digital natives »? Comment diversifier son recrutement à l'international avec des moyens toujours plus contraints ? Comment attirer de nouveaux talents et construire une offre de formation, initiale et continue, adaptée aux enjeux d'un monde en mouvement ?

Ce sont toutes ces questions auxquelles répondront les intervenants de la conférence EducPros du 13 octobre "Comment gagner la bataille du recrutement sur le Web ?

Jean Chabod-Serieis | Publié le