Études de médecine : la Paces, un gouffre financier

Virginie Bertereau Publié le
Études de médecine : la Paces, un gouffre financier
Seuls 20% des étudiants en Paces obtiennent un des quatre concours. // © 
Fort taux de redoublement, pédagogie spécifique et surtout un concours dispendieux à organiser... La première année d'études de santé, très critiquée pour ses taux d'échec importants, est aussi très coûteuse pour les universités. Le point à l'occasion des troisièmes états généraux de la formation et de la recherche médicales à Paris, les 3 et 4 décembre 2015.

La Paces (première année commune aux études de santé), une année de sélection plus que de formation ? Seuls 20% des candidats à l'un de ses quatre concours (médecine, odontologie, sage-femme et pharmacie) franchissent l'obstacle et poursuivent leurs études. D'aucuns parlent de "gâchis humain", de "boucherie pédagogique". Ce qui agace certains doyens.

Pour Carole Burillon, doyen de la faculté de médecine et de maïeutique Lyon-Sud – Charles-Mérieux, l'expression "gâchis humain" est avant toute "médiatique".

"Un tiers des étudiants sont admis après deux ans de Paces. Les reçus-collés (30% des effectifs) sont tous admis en L2 dans d'autres filières universitaires. Ceux qui ont une moyenne inférieure à 6/20 (8%) sont réorientés en fin de premier semestre et bénéficient d'un semestre de réorientation. Certes, 40% n'ont rien au bout de deux ans. Mais en droit, on compte 80% de réussite en L1, 70% en L2, 60% en L3 : est-ce mieux ? Il s'agit plutôt d'un gâchis moral – il est difficile de se remettre de l'échec – et financier."

une pédagogie particulière... et onéreuse

Gâchis financier, le mot est lâché. Frédéric Dardel, le président de l'université Paris-Descartes, évalue le coût d'un étudiant de Paces à 2.500 euros pour une seule année. Mais la grande majorité redouble. La plupart du temps, les universités ont du mal à évaluer la facture et se calent sur le coût moyen d'un étudiant de première année de licence.

"Dans notre établissement, la L1 revient à 3.687 euros par élève. À Lyon-Sud, nous avons 1.300 jeunes en Paces. La première année de santé entraîne un surcoût, car les cours nécessitent de grands amphis en visioconférence", évoque Karim M'Barek, directeur administratif de la faculté de médecine et de maïeutique Lyon-Sud – Charles-Mérieux.

Même constat à la faculté de médecine de Grenoble, qui a opté, depuis 2006, pour la pédagogie inversée. "Même s'il y a moins de présentiel, on ne fait néanmoins pas d'économies, car les enseignants passent du temps pour préparer les cours en ligne, les séances de questions-réponses, etc. De plus, il faut des ingénieurs pour faire tourner le site en ligne", estime Jean-Philippe Vuillez, vice-doyen formation de la faculté de médecine de Grenoble.

Le concours : une facture salée pour les universités

Mais c'est bien le concours l'élément le plus onéreux de la Paces. Faire passer des épreuves sur plusieurs jours à des centaines de candidats dans des conditions d'égalité parfaite revient très cher. Organisé à Villepinte, le concours de Paris-Descartes coûte la somme exorbitante de 500.000 euros à l'université. À Lyon-Sud, la facture s'élève à 55.000 euros. "Soit un huitième des dotations pédagogiques de l'UFR", estime Karim M'Barek.

À Grenoble, il faut compter une centaine de milliers d'euros. "En janvier et en mai, il faut louer le Palais des sports pour cinq jours pour caser 1.600 tables et chaises. Il faut également payer six surveillants par bloc de tables et nous comptons 14 blocs. La pédagogie revient peu cher à côté…", calcule Jean-Philippe Vuillez.

Organisé à Villepinte, le concours de Paris-Descartes coûte la somme exorbitante de 500.000 euros.

le calcul d'angers

En supprimant la Paces et son concours au profit de l'expérimentation du parcours PluriPASS, l'université d'Angers a-t-elle trouvé la recette miracle ? PluriPASS met fin aux coûteux redoublements. Les étudiants intègrent une filière santé après le deuxième ou le troisième trimestre ou s'orientent progressivement dans une autre voie, sans retourner en L1.

"Sur un numerus clausus de 300 toutes filières confondues, 200 étudiants faisaient deux Paces. PluriPASS va donc nous permettre de réaliser 'une économie de 200 années d'étudiants' tous les ans. Soit 1,4 million d'euros", indique Isabelle Richard, doyen de la faculté de médecine d'Angers. À cela s'ajoute l'économie sur la gestion des locaux pour le concours (40.000 euros par an).

Côté dépenses, il faut toutefois compter les postes d'enseignants et d'enseignants-chercheurs affectés à l'expérimentation (8 pour le moment, 12 in fine) et le coût de l'ingénierie pédagogique. Conclusion : "PluriPASS coûte un peu plus par étudiant et par année que la Paces, mais le coût d'un diplômé en cinq ans revient moins cher", selon Isabelle Richard.

Un calcul suffisant pour généraliser ce type d'alternative à la Paces ? Si la question n'est pas tranchée, le temps presse. Les effectifs étudiants vont progresser dans les années à venir selon les projections ministérielles, et la Paces est toujours plus attractive. Un afflux et un surcoût potentiel à anticiper.

Les états généraux de la formation et de la recherche médicales
Les troisièmes états généraux de la formation et de la recherche médicales se dérouleront à l'université Paris 13 – Bobigny les 3 et 4 décembre 2015. Les participants réfléchiront à des thèmes aussi vastes que le recrutement des étudiants, la démographie médicale, la recherche en pédagogie médicale, la simulation en santé, les réorientations des étudiants en difficulté, l'innovation, etc. Un prélude à la grande conférence de la santé organisée par le gouvernement en février 2016.

Virginie Bertereau | Publié le