Une libéralisation rapide.
Initiée par le gouvernement travailliste de Tony Blair, cette réforme intervient dix années après l’instauration en 1998 des premiers frais de scolarité (calculés à l’époque selon les revenus du foyer). Dans les années 90, le principal argument était sociologique : la majorité des Britanniques n’a pas suivi d’études supérieures. Pour les supporters des Tuition fees, il est donc injuste que les contribuables renflouent le supérieur, alors même qu’ils n’en ont pas bénéficié. «La plupart des étudiants sont issus de milieux favorisés, souligne ainsi Nicholas Barr, professeur d’économie publique à la prestigieuse London School of Economics, fervent défenseur du plan. Un enseignement financé excessivement sur l’impôt signifie que les taxes payées par le chauffeur de taxi paient les études de jeunes favorisés. » À la différence des frais de scolarité première version, acquittés dès l’inscription, la nouvelle formule profite aux étudiants parce que le remboursement est différé et qu’il est lié à un salaire minimum (cf. encadré). Autre garantie pour eux : au terme de vingt-cinq ans sans activité, une femme qui déciderait par exemple de se consacrer à ses enfants verra sa dette définitivement effacée. « Le système subventionne les personnes sur la base de ce qu’elles gagneront une fois en activité, argumente encore Nicholas Barr. L’exemple emblématique de ce parcours est Chérie Blair, la femme du Premier ministre, issue d’une famille pauvre et qui est devenue une avocate très célèbre et bien payée. Si les personnes réussissent, elles remboursent, sinon elles ne paient pas et ce n’est pas un problème. » Un investissement à long terme dans l’esprit du gouvernement.
Un moyen de financer les universités britanniques.
C’est l’autre argument. « Il nous faut trouver des ressources complémentaires pour être plus compétitifs, notamment face aux universités américaines, justifie le Pr David Rhind, vice-chancelier de la City University à Londres. Et comme ceux qui vont à l’université en tirent un réel bénéfice, il est normal qu’ils contribuent financièrement. » Enfin, les défenseurs de ce dispositif font valoir qu’il s’accompagne d’une gamme de soutiens financiers afin d’aider les plus démunis à couvrir les dépenses de la vie quotidienne. Des aides sociales non remboursables de 2700 £ l’année et destinées aux moins fortunés concerneront la moitié des étudiants, d’après l’organisation Universities.
Vers un enseignement à plusieurs vitesses ?
Les syndicats, eux, ne sont pas convaincus et dénoncent ce risque. Au pire, les plus pauvres renonceront à poursuivre des études et entreront directement sur le marché du travail. Au mieux, ils feront un choix par défaut : facs les plus proches de chez eux, ou les moins coûteuses. « Les plus favorisés s’orienteront vers les établissements les plus riches, qui militent d’ailleurs pour une augmentation supplémentaire des droits, les autres iront vers les moins dotés », pronostique Richard Angell, membre du NUS. Surtout, les responsables des universités ne souhaitent pas se limiter à 3 000 £. Comme le note Nicholas Barr,ce plafond a été prévu « pour donner aux gens le temps de s’habituer au principe des frais ». Lui comme la plupart de ses collègues universitaires ne masquent pas leur volonté de doubler au minimum ce montant. Et les membres du Russel Group, qui regroupe les vingt établissements d’excellence au Royaume-Uni (Cambridge, Oxford...),sont très actifs dans ce lobbying. D’autant qu’ils accueillent le plus grand nombre d’étudiants étrangers (Indiens, Chinois, etc.), de jeunes expatriés qui paient trois ou quatre fois le prix des Britanniques pour assister aux mêmes cours. Au final, ces institutions ne seront-elles pas tentées d’attirer les plus riches, quelle que soit leur origine, plutôt que de remplir les objectifs de service public fixés par le gouvernement ?