Grande école du numérique : un label à l’épreuve du terrain

Aurélie Djavadi Publié le
Grande école du numérique : un label à l’épreuve du terrain
Parmi les 171 formations labellisées Grande école du numérique, seule une petite poignée sont portées par des établissements d'enseignement supérieur. // ©  RGA / R.E.A
Labellisées en février 2016, les formations Grande école du numérique, portées pour certaines par des établissements d'enseignement supérieur, doivent désormais faire leur preuve sur le terrain de l’insertion professionnelle. L’enjeu ? Convaincre les entreprises, parfois rétives, de recruter les apprenants.

Sur les vingt étudiants sortis de SimplonMars en juin 2016, six ont été embauchés dans la foulée, dont cinq en CDI. Dans la précédente promotion, la première, tous ceux qui ont terminé le cursus travaillent désormais dans le développement informatique ou dans la médiation multimédia, quand ils n'ont pas repris des études en alternance.

Voilà donc un bon départ pour cette formation de huit mois à la programmation web, portée par l'école d'ingénieurs Centrale Marseille, en partenariat avec Simplon, et destinée à de jeunes décrocheurs. Comme 170 autres cursus innovants créant des passerelles pour les jeunes sans diplôme et les chercheurs d'emploi de tous âges vers les métiers du numérique, SimplonMars a obtenu le label GEN (Grande école du numérique) en février 2016.

En dépit d'un soutien institutionnel et d'un accompagnement financier de la part du gouvernement, le label ne semble pas, pour l'heure, interpeller les entreprises. Si la formation obtient des bons résultats en termes d'insertion, c'est au prix d'un "très gros travail de placement", précise Mathilde Chaboche, coordinatrice de SimplonMars. "Les recruteurs n'ont pas l'habitude de se tourner vers ces profils atypiques. Il faut beaucoup d'énergie pour les convaincre".

D'entretiens téléphoniques en salons professionnels, la chargée de projet multiplie les occasions de mettre en avant les compétences de ses étudiants. Son atout : la "marque" Centrale Marseille, "gage de sérieux" pour des interlocuteurs voulant s'assurer qu'ils ont affaire "à une formation à part entière et pas seulement à une initiative solidaire".

Des recruteurs qui restent à convaincre

Le constat dressé à Marseille vaut sur tout le territoire si l'on se réfère à une instruction ministérielle du mois d'août, révélée par le site Acteurs Publics. Devant des premiers résultats d'insertion contrastés, la note pointe un "déficit de notoriété du nouveau label". Alors que les préfectures et les directions régionales du travail sont invitées à organiser des événements avec les promotions sortantes et de potentiels employeurs, le cabinet d'Axelle Lemaire, secrétaire d'État au Numérique et à l'Innovation, confirme la création, en octobre 2016, du GIP (groupement d'intérêt public) annoncée dès 2015. La structure sera animée par douze personnes, associant les ministères impliqués dans le projet à quatre entreprises privées. Objectif : incarner la Grande école du numérique et piloter le réseau.

Ce coup de pouce serait d'autant plus précieux que les difficultés à trouver des partenaires économiques peuvent surgir dès les premières semaines de formation. Exemple à l'IUT Paris-Descartes, qui propose un diplôme universitaire de technicien en maintenance informatique et réseaux. "Depuis presque deux ans, avec la spécialisation croissante des métiers et la concurrence des contrats aidés, nous peinons à dénicher des contrats d'alternance, constate Guillaume Bordry, le directeur de l'IUT. Avec le label, nous espérions gagner en visibilité auprès des entreprises. Ce n'est pas le cas".

Avec le label, nous espérions gagner en visibilité auprès des entreprises. Ce n'est pas le cas.
(G. Bordry)

À l'UHA 4.0, l'école du numérique de l'université de Haute-Alsace, l'organisation de la première année a été revue pour permettre à ceux qui ne trouvent pas de stage, de suivre la formation en mode projet pendant la période dédiée. "Les stages précoces ne sont pas habituels à l'université", signale Pierre-Alain Müller.

Vice-président à l'innovation de l'université et directeur de l'UHA 4.0, il estime aussi que la Grande école du numérique pourrait faciliter les mises en route si, dès à présent, elle inscrivait de droit les formations labellisées au RNCP (Registre national des certifications professionnelles), comme cela se fait pour les licences et les masters. Avec pour principal atout la possibilité d'ouvrir sans attendre le cursus à l'apprentissage, une modalité que les entreprises préfèrent largement aux contrats de professionnalisation.

Un nouveau public à attirer

Au-delà de la communication à mener auprès des recruteurs, les formations doivent aussi jongler entre questions administratives et logistiques, notamment pour recruter un public qui échappait jusqu'ici à l'enseignement supérieur. N'ayant pas attiré assez de candidats par les médias classiques pour ouvrir en 2015, Devschool, portée par le pôle Léonard-de-Vinci, a donc mobilisé Pôle Emploi, les missions locales et les collectivités territoriales en 2016. Résultat : 300 candidatures reçues pour 30 places. De quoi varier les profils au sein des promotions.

À la DesignTech Académie, qui ouvrira en octobre au sein de l'école d'ingénieurs Télécom Saint-Étienne, et où l'on s'est aussi appuyé sur ces relais de proximité, 25 élèves, âgés de 18 ans à 50 ans, dont 50 % de non-bacheliers, sont attendus. "En un an, nous ne formerons pas des développeurs aboutis mais nous permettrons à des autodidactes d'acquérir des méthodes en génie logiciel, ou nous donnerons à des néophytes les clés pour participer à la maintenance et à l'évolution de sites dans une agence web, explique François Letellier, directeur du développement. Il s'agit de remettre ce public dans une logique d'apprentissage."

De là à raccrocher ensuite avec des formations plus classiques, apparaissant plus clairement dans le radar des recruteurs ? À l'université Rennes 2, dans le tout nouveau cursus en usages socio-éducatifs des technologies de l'information, on parle déjà, en tout cas, de passerelles avec un bac + 2 en médiation numérique.

GEN : top départ pour une deuxième vague de labellisation
Annoncée le 23 août 2016, la deuxième vague de labellisation Grande école du numérique doit permettre, d'ici à la fin 2017, de former 10.000 apprenants. Pour cette nouvelle phrase, 10 millions d'euros vont être débloqués, contre 5 millions lors de la première vague.

Les candidats peuvent se déclarer jusqu'en février 2017. Trois vagues de relevés de dossiers sont prévues : le 23 septembre 2016, le 25 novembre 2016 et le 24 février 2017.

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