Harcèlement sexuel : la riposte des universités américaines

Jessica Gourdon Publié le
Harcèlement sexuel : la riposte des universités américaines
L'université de Columbia, à New York, a mis en place un dispositif de sécurité en partenariat avec 130 commerces locaux à proximité immédiate de ses bâtiments. // ©  columbia
Si le harcèlement sexuel est encore un sujet tabou dans les établissements français, aux États-Unis, les universités ont mis en place des dispositifs importants pour lutter contre ces agressions.

Aux États-Unis, la question des agressions sexuelles et du harcèlement sur les campus est au cœur des préoccupations des universités. Selon une étude de référence, 20 % des étudiantes sont victimes, pendant leur scolarité, d’une agression sexuelle, et la plupart de ces faits ne sont pas déclarés.

Une loi de 1972 impose que, dans chaque établissement, une personne soit désignée pour superviser ces questions. Ces "Title IX Coordinators", du nom de l’amendement qui interdit toute discrimination basée sur le sexe au sein des universités, ont parfois toute une équipe à leur disposition.

Dans ce cadre, les universités ont, pour la plupart, instauré leur propre politique.

libérer la parole

Alors que beaucoup d’étudiants hésitent ou refusent de porter plainte, divers dispositifs ont été mis en place pour faciliter la prise de parole. À commencer par des psychologues et des cellules de crise mobilisables immédiatement et à toute heure sur ces sujets.

Alors que de nombreux cas de violences sexuelles sont particulièrement flous, certaines universités, comme l’université de Californie, ont tenté de définir précisément les situations, comportements ou actes qui relèvent du harcèlement ou de l’agression. Une manière d’aider les étudiants dans leur décision de porter plainte ou non.

De nombreuses universités tentent ensuite de faciliter les démarches. À l’université de Colgate, un formulaire est disponible en ligne pour signaler un incident en quelques instants. À Elon University, une ligne téléphonique est ouverte 24 heures sur 24 pour permettre à un étudiant de discuter ou de signaler un problème de cet ordre.

À l’université de Caroline du Nord (Chapel Hill), toute une équipe (la plupart du temps des professeurs ou des responsables administratifs divers) a été désignée et formée pour discuter avec des étudiants qui se manifesteraient, repérer les signaux de détresse ou les comportements abusifs. Ces membres du personnel se rendent disponibles pour ensuite aider l’élève dans d’éventuelles démarches. Pour ceux qui hésitent, les étudiants peuvent aussi avoir accès à une personne "confidentielle" (désignée comme telle par l’université) qui s’engage à ne rien divulguer de leur conversation sans consentement écrit de l’étudiant – sauf en cas d’obligation légale de sa part.

Les étudiants "témoins" sont aussi inclus dans ces dispositifs : Kansas State University a mis en place un "Silent Witness Program" qui permet de dénoncer un agresseur de manière anonyme (avec un formulaire en ligne), via un serveur sécurisé en crypté.

adapter la sécurité sur les campus

Caméras de surveillance, patrouilles de sécurité présentes 24 heures sur 24, éclairage adéquat, dortoirs sécurisés avec des clés électroniques, "service d’escorte" à la demande, "help phones" disséminés dans tous les bâtiments : de nombreuses universités ont revu leurs dispositifs pour rendre leurs campus plus rassurants.

L’université de Columbia, à New York, a mis en place un programme baptisé "Safe Haven", en partenariat avec 130 commerces locaux situés à proximité immédiate de ses bâtiments. Ceux-ci affichent sur leur devanture un petit panneau rouge avec un lion, indiquant à une personne qui se sent menacée ou intimidée par quelqu’un qu’elle peut se réfugier dans ce commerce. Le responsable s’engage à l’accueillir, et à prendre contact avec le service de sécurité de l’université.

Plusieurs États ont voté ces derniers mois des lois baptisées "Yes means yes", qui ciblent les étudiants.

Former les responsables de la sécurité

L’université du Texas a mis en place un manuel de conduite pour son propre service de sécurité, afin que ces personnels répondent de manière adéquate à des situations d’agression.

L’université s’est rendu compte que ses officiers avaient tendance à utiliser les mêmes techniques d’interrogation pour des victimes d’agressions sexuelles que pour des victimes, par exemple, de vols, omettant l’aspect traumatisant ou les conflits intérieurs que peuvent ressentir ces personnes. Ces officiers de sécurité ont appris à poser les bonnes questions, à prendre en compte le contexte, l’impact neurologique sur les victimes, età  comprendre la manière dont leur traumatisme a pu affecter leur mémoire des événements.

Sensibiliser autrement

La formation est un élément central des politiques de prévention. Beaucoup d’universités proposent des cours ou des ateliers autour de ces questions, ainsi que des cours de "self defense" pour les filles.

À Elon University, tous les nouveaux étudiants doivent suivre un cours en ligne, baptisé Haven. Il évoque l’éthique des relations amoureuses et sexuelles, les effets de l’alcool ou des drogues dans ce domaine, le consentement, et évoque quelques idées recues sur la question.

D’autres universités, comme Dayton (Ohio) ou l’université de Virginie, ont mis en place un programme de cours, proposés par l’association Green Dot, qui sensibilisent les étudiants à leur statut de "témoin" et aident les jeunes à parler à un ami qui aurait franchi la ligne blanche.

En outre, plusieurs États (New York, Californie...) ont voté ces derniers mois des lois (souvent moquées) baptisées "Yes means yes", qui ciblent les étudiants. Ces textes visent à introduire la notion de consentement direct entre deux personnes avant toute relation sexuelle. Ces textes sont adoptés peu à peu par différentes universités au-delà de ces États, et donnent lieu à des campagnes de communication. L’idée : inciter les étudiants à faire un pas en arrière et à vérifier que le partenaire est bien d’accord pour s’engager dans un rapport sexuel.

Dans ce cadre, l’université de Californie à Santa Cruz a ainsi lancé une "semaine du consentement", avec des débats, des ateliers, des conférences... Objectifs : faire en sorte que les étudiants soient conscients de ce qui est permis. Un premier pas nécessaire...

Jessica Gourdon | Publié le