Mobilisation des universités : neuf présidents appellent au retrait des réformes

CS Publié le
A la veille de la manifestation nationale des enseignants-chercheurs et des étudiants, Valérie Pécresse a annoncé dans la soirée sur France Info qu'elle s'engageait à retravailler le texte du décret statutaire avec la médiatrice nommée le même jour. Claire Bazy-Malaurie, présidente de Chambre à la Cour des comptes, aura deux mois pour mener à bien la concertation. Quelques heures auparavant, neuf présidents d'université lançaient, à la Sorbonne, un appel solennel au retrait des réformes engagées par la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Valérie Pécresse doit toujours rencontrer les acteurs de la communauté universitaire au lendemain de la manifestation parisienne. Les universités entrent dans leur troisième semaine de mobilisation.

Dans l’amphithéâtre Richelieu de la Sorbonne, Georges Molinié, président de Paris 4, a réuni le 9 février 2009 sept autres présidents : Pascal Binczak (Paris 8), Marie-Christine Lemardeley (Paris 3), Bernadette Madeuf (Paris 10), Anne Fraïsse (Montpellier 3), Claude Condé (Besançon), Jean-Loup Salzmann (Paris 13) et Cafer Ozkul (Rouen). La plupart s'étaient prononcés contre la loi LRU ou avaient émis des réserves au moment de son adoption. Etaient également représentés l’université de Grenoble 3, l’Inalco qui s’associait à la démarche et le vice-président chargé des questions enseignement supérieur et recherche à la région Ile-de-France, Marc Lipinski, venu témoigner de son soutien. Une assemblée de soutien à la mobilisation contre les réformes de l'université.

Un retrait préalable aux négociations

Déclamé en fin de réunion par Pascal Binczak, l’appel est clair : « Les présidents d’universités et représentants d’université présents en Sorbonne appellent les deux ministres de l’Education Nationale et de l’Enseignement supérieur et de la Recherche à retirer tous les projets de réforme controversés, condition nécessaire à l’ouverture de véritables négociations et à la relance du nécessaire processus de réforme auquel doivent être associés l’ensemble de la communauté universitaire - enseignants-chercheurs, BIATOSS et étudiants - ainsi que l'ensemble des acteurs de la recherche ».

Un amphi Richelieu bondé

Durant près de deux heures, les huit présidents présents ont décliné les motifs de leur colère. « Depuis plusieurs mois, nous sommes nombreux à tirer la sonnette d’alarme », a affirmé Georges Molinié, charismatique, devant un amphi rempli d’enseignants-chercheurs, mais aussi d’étudiants. Un autre amphithéâtre a dû être ouvert pour réunir une AG parallèle avec les étudiants, trop nombreux pour pouvoir assister à cette réunion.

« Cela fait deux ou trois ans que nous rongeons notre frein », a renchéri Claude Condé (Besançon) lors de son intervention. « Nous sommes là pour dire qu’il y en a marre ». Le ton est donné.

« Nous en avons assez de la culture du mépris, de la désinformation publique et même du mensonge », a poursuivi le président de Paris 4, très remonté. Seul succès de Valérie Pécresse : « créer contre elle un front que personne n’a créé depuis 40 ans ».

"Nous ne sommes pas une bande de vieux réactionnaires"

Plusieurs présidents ont insisté sur leur volonté de réformer l’université, malgré leur refus aux projets actuels. « Nous ne sommes pas contre toutes les réformes, nous ne sommes pas une bande de vieux réactionnaires », s’est emporté Georges Molinié, « laisser suggérer cela relève d’une méthode de voyou ». 

« Je ne me contente pas du statu-quo », a insisté Jean-Loup Salzmann, président de Paris 13, qui a prôné l’union de l’ensemble des personnels universitaires, afin de « défendre notre bien commun qui est l’enseignement et la recherche ».

« Nous ne sommes pas contre le principe même de la réforme mais nous souhaitons pouvoir y être associés », a précisé Pascal Binczak (Paris 8), qui a animé cette rencontre.

« Des mesures brutales, bâclées, sans négociations »

Autre point d’exaspération : l’avalanche de réformes sans négociations. « Il s’agit de mesures brutales, bâclées, sans concertation », a avancé Anne Fraïsse (Montpellier 3), « le ministère ne peut pas passer en force ces mesures absurdes ». Marie-Christine Lemardeley (Paris 3) a, elle, dénoncé « ce rythme effréné qui nous maintient dans l’urgence perpétuelle ».

Sur le fond, plusieurs présidents ont critiqué l’esprit même des réformes en cours, « avec un désengagement de l’Etat », selon Georges Molinié et une volonté de « monter les universités les unes contre les autres », a estimé Anne Fraïsse. Dans le même sens, Jean-Loup Salzmann a souligné la nécessité de « mettre à mal cette logique de concurrence qui est en train de voir le jour ».

Les dangers de l’évaluation prévue par la réforme

Bernadette Madeuf est elle revenue sur la question centrale du statut des enseignants-chercheurs. « Le décret est mauvais, la meilleure preuve, c’est que l’on doit immédiatement l’accompagner d’une charte », a assené la présidente de Paris 10, faisant allusion à la future charte d’application devant être discutée mercredi 11 février 2009 avec Valérie Pécresse.

La présidente de Paris 10 a également souligné les dangers de l’évaluation, telle qu’elle est prévue dans la réforme. « Le CNU, tous les quatre ans, pourrait-il faire autre chose que de compter le nombre d’articles ? » a-t-elle demandé.

Dernier point sensible : le positionnement vis-à-vis de la CPU. « Nous ne sommes pas un groupe de présidents en dissidence avec la CPU », a précisé Cafer Ozkul (Rouen). A l’inverse, Pascal Binczak a rappelé la situation lors du passage de la réforme LRU, en 2007, « le gouvernement a trouvé, dans la CPU d’alors, mieux qu’une salle d’enregistrement, une idéale caisse de résonance ». Le président de Paris 8 a ensuite dénoncé l’absence de négociations depuis 2007, pour lancer enfin l’appel solennel. 

Les présidents ont alors laissé place aux étudiants et enseignants de Paris 4, qui lançaient, eux, « l’Appel de Paris », demandant notamment le retrait du projet de masterisation et appelant à se joindre aux revendications sur le décret des enseignants-chercheurs et les suppressions de postes…

« Le ton doit être plus dur encore », les a enjoint Georges Molinié, avant de quitter l’amphithéâtre.

CS | Publié le