Paris 2024 : les campus à l'échauffement

Aurélie Djavadi Publié le
Paris 2024 : les campus à l'échauffement
En 2015-2016, Grenoble INP, qui regroupe six écoles d'ingénieurs publiques, a accueilli 78 sportifs de haut niveau, dans 30 disciplines différentes. // ©  Grenoble INP - Alexis Chézières
Si le sport universitaire prend souvent le visage d’étudiants surmédaillés, il s’inscrit dans une stratégie de développement plus globale pour les établissements. Alors que Paris vient d’être choisie pour accueillir les jeux Olympiques en 2024, retour sur les initiatives impulsées sur les campus, entre défis matériels et volonté d’œuvrer au bien-être étudiant.

La boxeuse Estelle Mossely, médaillée olympique et ingénieure diplômée de l'Esilv (École supérieure d'ingénieurs Léonard-de-Vinci), le navigateur surdoué François Gabart, ancien de l'Insa Lyon, Yannick Borel, as de l'escrime passé par l'université Paris-Est-Créteil-Marne-la-Vallée... Ces champions seraient-ils les porte-drapeaux d'une nouvelle génération d'étudiants, particulièrement sportive ? Derrière leurs trophées, qui, par ricochet, mettent en lumière leur établissement, en réalité, la situation est très contrastée d'un campus à l'autre.

À l'échelle des seules universités, 420.000 étudiants pratiquent une activité physique régulière sur leur campus – que ce soit dans le cadre d'une unité d'enseignement, d'un entraînement à la compétition ou d'un loisir. Soit 26 % des jeunes inscrits à la fac au niveau national, contre 19 % il y a dix ans, d'après les chiffres du GNDS (groupement national des directeurs de SUAPS – Services universitaires des activités physiques et sportives).

Développer le sport universitaire

Alors que Paris accueillera les jeux Olympiques en 2024, l'engouement pour cet événement sportif pourrait-il amplifier cette progression ? "C'est une perspective qui peut bien sûr bénéficier au sport de haut niveau. Mais, de toutes les études de sociologie dont on dispose aujourd'hui, il ressort que les compétitions internationales n'ont qu'un faible impact sur les pratiques sportives du grand public, nuance David Izidore, vice-président délégué à la vie étudiante de l'UPMC (université Pierre-et-Marie-Curie). Quels que soient les événements, ils ne remplacent en rien une politique d'établissement. Si une université souhaite proposer un large panel d'activités, il faut une volonté de débloquer des moyens."

Une position partagée par la CPU (Conférence des présidents d'université). Lors de son colloque "Campus en mouvement", organisé en 2016, ses membres ont signé avec le ministère de l'Enseignement supérieur une charte pour le développement du sport. Parmi les objectifs fixé dans le texte : encourager les différents acteurs à bâtir des stratégies spécifiques et à mieux communiquer sur leurs aménagements. En parallèle, une dizaine de propositions autour de la vie étudiante ont été émises, parmi lesquelles la volonté de "placer les SUAPS au niveau des standards internationaux".

Un état des lieux des infrastructures en 2018

Pour cibler les besoins et réfléchir aux partenariats ou projets à mener, la CPU lance d'ailleurs en octobre 2017 un état des lieux de ses infrastructures. Si les résultats sont attendus pour l'été 2018, une chose est d'ores et déjà certaine : il y a du pain sur la planche. "Globalement, nous souffrons d'un manque d'installations. Il y a aussi le problème de la vétusté des équipements, une grande partie datant des années 1960 et 1970", précise Olivier Thenaisy, président du GNDS.

On souffre globalement d'un manque d'installations.
(O. Thenaisy)

Du côté de l'université de Bordeaux, engagée dans un grand programme de rénovation depuis 2008, on confirme la dimension stratégique du dossier : "Dans les installations qui ont bénéficié des travaux, la fréquentation des étudiants et des personnels a bondi", note Jean-Charles Astier, directeur du SUAPS de l'établissement.

Son souhait : que la pratique sportive passe de 27 % à 40 % des inscrits. Et pour cela, il compte actionner un autre levier  : proposer plus d'unités d'enseignement dédiées au sport. "Lorsqu'un étudiant, au cours de sa formation, a suivi des cours de sport, il est beaucoup plus enclin à poursuivre une discipline de sa propre initiative", ajoute-t-il.

Entre formation et bien-être étudiant

À l'heure où la lutte contre la sédentarité est devenu un enjeu de santé publique, les établissements veulent miser sur ce cercle vertueux. C'est le cas de l'université de Bretagne-Sud, qui, depuis septembre 2017, intègre des unités libres de sport dans toutes ses licences. Au-delà des disciplines collectives, qui attirent des sportifs de haut niveau, et des activités nautiques pour lesquelles il dispose d'un environnement privilégié, l'établissement s'attache à développer toute une offre autour du bien-être.

"Du taï chi à la musculation, en passant par le self-defense, quasiment 30 % de nos activités relèvent de ce champ, indique Erwann Tortuaux, directeur du SUAPS local. Le yoga remporte beaucoup de succès, à Vannes comme à Lorient." Et pour mieux orienter chaque inscrit vers la pratique qui lui conviendrait le mieux, l'université a instauré une "journée de la forme" à la rentrée, avec différents tests : endurance, souplesse, etc.

Tout en soutenant les challenges et compétitions qui contribuent à leur image de marque, les établissements s'efforcent donc d'habituer les étudiants à "prendre soin de leur capital santé", comme le rappelle Patrick Patureau, responsable des sports à HEC. D'autant que ces activités offrent aussi de riches contextes de formation.

"En montant un tournois de tennis, les jeunes se confrontent à des problèmes de budget, de logistique ou de communication qu'ils rencontreront un jour ou l'autre en entreprise", poursuit le responsable, dont les élèves, en plus des trois crédits à valider par la pratique d'un sport, peuvent aussi choisir un module en "management de projet sportif".


En montant un tournois de tennis, les jeunes se confrontent à résoudre des problèmes de budget, de logistique ou de communication.
(P. Pastureau)

Dans le même esprit, à l'Essec, l'organisation de l'ensemble des activités sportives sur le campus est confiée aux associations étudiantes. "Toutes ces compétences transversales sont précieuses. Les jeunes qui s'occupent de notre raid et accueillent des équipes venant de toute la France font preuve d'un vrai professionnalisme, souligne Mireille Jacomino, vice-présidente de la formation et de la vie étudiante à Grenoble INP, qui regroupe six écoles d'ingénieurs publiques. De plus, sur le terrain même, se transmettent des valeurs comme la persévérance et le sens du collectif."

Des bases pour forger un esprit de campus attractif, par-delà les frontières ? "Ce serait présomptueux de dire que les étudiants internationaux viennent à Grenoble pour ses activités sportives, répond la vice-présidente. En revanche, cela contribue indéniablement à la qualité de leur séjour et au souvenir qu'ils en garderont."

Aurélie Djavadi | Publié le