Portrait d'université. Lille 2, la formation continue dans les gènes

Morgane Taquet Publié le
Portrait d'université. Lille 2, la formation continue dans les gènes
Entre 2009 et 2014, le chiffre d'affaires de la formation continue contribue à hauteur de 15% du budget de Lille 2, hors masse salariale. // © 
Avec 6 millions d'euros de chiffre d'affaires par an, Lille 2 Droit et Santé se classe dans le top 15 des universités actives en formation continue. Avec une particularité : une stratégie décentralisée et offensive.

Larbi Ait Hennani passe beaucoup de temps dans sa voiture. Une nécessité pour le vice-président en charge de la formation continue, qui relie régulièrement les sept sites de Lille 2, du centre-ville lillois jusqu'à Roubaix, Tourcoing et Villeneuve-d'Ascq. L'ancien directeur de l'IUT est responsable du service commun de la formation continue. Huit personnes y travaillent, tandis que les composantes disposent en moyenne de deux à trois salariés dédiés à ce domaine dans leurs services respectifs.

Aux composantes la gestion opérationnelle, la gestion des contrats et le suivi des stagiaires. Le service central se charge notamment de la prospection auprès des entreprises et de la VAE (validation des acquis de l'expérience). "C'est notre stratégie pour être au plus près des attentes des étudiants", explique le vice-président. Mais, concède-t-il, "notre situation géographique multisite nous oblige également à mettre en place ce type d'organisation".

Un axe stratégique pour récolter des ressources propres

La dispersion des sites est dans l'ADN de Lille 2 depuis sa création. Dans les années 1970, alors que l'université de Lille est divisée en trois entités distinctes, l'université Lille 2 se fédère peu à peu autour d'un pôle de santé, médecine, pharmacie et de la faculté de droit. Puis se créent un IEP, et les différents instituts qui sont aujourd'hui des UFR (ILIS, IMMD et la faculté de finance, banque et comptabilité, notamment).

Alors que la formation continue est déjà présente dans les composantes, l'ancien président, Christian Sergheraert, passe à la vitesse supérieure et nomme un vice-président à la formation continue en 2008, à l'occasion de son deuxième mandat. La formation continue apparaît alors comme un axe stratégique pour récolter des ressources propres.

Une logique poussée depuis par le président de l'université, Xavier Vandendriessche. Lille 2, dans le cadre de la Comue, va d'ailleurs postuler à l'appel à projets "Pépite formation continue" proposé par François Germinet dans son rapport. "Les composantes sont en prise directe avec les attentes des apprenants. Il est donc naturel et logique que la formation continue se fasse dans les composantes", explique-t-il.

Et la stratégie semble payante, puisque le chiffre d'affaires a fortement augmenté sur les six dernières années. Il était, en 2014, de 6 millions d'euros alors qu'il représentait près de 3 millions d'euros en 2009. Une somme non négligeable, qui contribue à hauteur de 15% au budget de l'université (hors masse salariale). Cette somme, qui vient renforcer les ressources propres de l'université, doit atteindre les 10 millions d'euros dans les quatre ans à venir, selon les objectifs fixés par la gouvernance.

En six ans, quatre à cinq personnes sont venues renforcer les équipes dans les composantes, et le nombre de stagiaires ne cesse d'augmenter : plus de 7.000 stagiaires en 2014, contre environ 5.000 en 2009.

Les composantes sont en prise directe avec les attentes des apprenants. Il est donc naturel et logique que la formation continue se fasse dans les composantes.
(X. Vandendriessche)

Un Vice-président politique

Pour franchir un nouveau palier, le vice-président mise sur une stratégie offensive pour entrer à tout prix dans les entreprises. Couplés aux mailings, au recensement des besoins et aux visites de terrain, s'ajoutent les contacts pris par le vice-président en charge des relations avec le monde professionnel, Ghislain Cornillon.

Nommé à ce poste en avril 2015, il dirigeait un organisme de formation privé avant de rejoindre les rangs de l'université. Si le service commun joue son rôle d'opérationnel, Ghislain Cornillon, lui, assume un rôle politique. "J'agis comme un facilitateur qui parle non pas aux équipes en charge de la formation mais au patron. Nous nous sommes rendu compte que, dans certains secteurs, notamment dans celui de la distribution, les patrons avaient une connaissance très limitée de notre université."

Une réalité que confirme Larbi Ait Hennani : "Certaines portes nous étaient fermées". La clé : multiplier les cibles et saisir toutes les opportunités. "J'ai croisé le DRH de Promod lors d'un événement, rapporte Ghislain Cornillon. Nous avons discuté et nous en avons conclu que leurs responsables adjoints de boutique avaient un besoin de formation en commerce de détail. Résultat : nous ouvrons une licence en formation initiale et continue pour y répondre à la rentrée 2016."

Les étudiants déjeunent dans les couloirs de l'IUT de l'université Lille 2

Des composantes locomotives

Parmi les UFR les plus impliqués, l'IUT, l'Ilis, le droit et le pôle santé contribuent pour plus de 60% aux recettes globales. Pour se démarquer, l'IUT propose 14 licences professionnelles toutes ouvertes à la formation continue, via un contrat de professionnalisation.

Ancien IUP, l'Ilis (faculté d'ingénierie et de management de la santé) est intimement lié au monde de l'entreprise depuis sa création. Mises à jour sur les normes qualité, gouvernance d'un établissement médico-social, réorientation professionnelle, l'institut accueille chaque année 680 étudiants de formation continue, soit plus d'un tiers des effectifs.

Autre axe fort : les formations de santé. La formation continue en médecine existe depuis la création de l'université, en 1971. Elle représente aujourd'hui un chiffre d'affaires de près de 1,5 million d'euros, soit près d'un quart des recettes de formation continue de l'université.

Situé à quelques encablures du CHRU, le département de formation continue de la faculté de médecine compte sept salariés. De par son ancienneté, il est plus autonome, a moins de liens avec le service commun et gère lui-même sa masse salariale, composée de PU-PH et de contractuels. Son public : des médecins en début de clinicat, des généralistes voulant se spécialiser ou souhaitant se former à la direction d'un Ehpad (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes).

La faculté de pharmacie s'est focalisée sur une formation "délocalisée": les enseignants se déplacent à la rencontre des pharmaciens d'officine sur le territoire lillois pour animer des séminaires sur les dernières nouveautés thérapeutiques ou encore sur l'aide à l'allaitement en officine. "Il faut s'adapter aux horaires des pharmaciens qui ne peuvent pas forcément venir à Lille", explique Thierry Dine, responsable de la formation continue à la faculté de pharmacie.

J'agis comme un facilitateur qui parle non pas aux équipes en charge de la formation mais au patron.
(G. Cornillon)

Des promotions pour les enseignants-chercheurs impliqués

Cas particulier, les PU-PH sont les seuls à assurer des heures de formation continue incluses dans leurs services, précise Larbi Ait Hennani. Pour toutes les autres facultés, ces heures de formation, qui sont assurées en très grande partie par des enseignants-chercheurs, sont financées en heures complémentaires.

"La priorité reste leurs services en formation initiale, mais sur la formation continue, les enseignants de Lille 2 sont facilement mobilisables", assure le vice-président." Une envie qui s'explique aussi par la reconnaissance dans la carrière de ces tâches, indique le vice-président, évoquant des promotions en interne, avec le passage de certains maîtres de conférences en hors classe par exemple.

Une fusion qui pourrait rebattre les cartes

Reste une inconnue de taille : celle de la fusion avec les deux autres universités lilloises. D'autant que sa consœur Lille 1 figure parmi les universités qui dégagent le plus de chiffre d'affaires en formation continue en France. Quid d'une absorption ? "Nous répondons déjà à des appels ensemble et notre jury de VAE est déjà commun", assure Larbi Ait Hennani.

Pour le président Xavier Vandendriessche,"la fusion va permettre de disposer d'une offre complète sur l'ensemble du spectre disciplinaire". Et d'ajouter, "il ne s'agit pas simplement de fusionner trois services, mais de créer autre chose". D'autant que la formation continue pourrait bien peser de plus en plus dans la stratégie de la future université lilloise : la formation tout au long de la vie est un des axes forts du projet Idex des trois universités.

Morgane Taquet | Publié le