Concours enseignants : 60.000 postes mais pas assez de (bons) candidats ?

Erwin Canard Publié le
Concours enseignants : 60.000 postes mais pas assez de (bons) candidats ?
De futurs enseignants en formation à l'Espé d'Aix-Marseille. // ©  Espé Aix-Marseille
Najat Vallaud-Belkacem confirme ce 22 septembre la création de 60.000 postes dans l'Education nationale durant le quinquennat. Pourtant, depuis 2012, s'il y a plus de postes ouverts, il y a aussi plus de postes non pourvus... Pour attirer de nouveaux étudiants, tout est bon : forte communication, développement de cursus en alternance… Pour certains concours, la question d'une baisse des exigences se pose même.

25.000. Entre les créations de postes et les départs à la retraite, c'est le nombre d'enseignants que va recruter l'Éducation nationale en 2017, tous concours confondus. Entre 2011 et 2016, le nombre de postes offerts pour le seul Capes (certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré) externe a été multiplié par 1,5, passant de 4.900 à 7.400, avec un pic en 2014 à 13.500 postes en raison du concours exceptionnel qui a été organisé en sus du concours classique. 

Le nombre de postes ouverts au CRPE (concours de recrutement de professeurs des écoles) a lui plus que doublé, puisque 4.600 postes étaient offerts en 2012 et 11.900 en 2016. Le tout pour tenir la promesse de François Hollande de créer 60.000 postes entre 2012 et 2017 dans l’Éducation nationale.

d’autres métiers mieux rémunérés

Le nombre de candidats présents à l'admissibilité a lui aussi grimpé en flèche mais, proportionnellement, de manière moins forte que le nombre de postes offerts. Résultat : le nombre de postes non pourvus a crû lui aussi. Concernant le CRPE, alors que tous les postes étaient pourvus en 2011, 550 ne l’étaient pas en 2016. Et si 800 postes n'étaient pas pourvus au Capes externe de 2011, 1.100 ne l’ont pas été en 2016, essentiellement en mathématiques, lettres (modernes et classiques), anglais et allemand.

"Le manque de candidats peut s'expliquer différemment dans chaque discipline. Mais, globalement, on ne trouve pas assez d’étudiants et pas non plus d’étudiants assez préparés", explique Alain Billate, secrétaire national du Snes-FSU en charge de la formation. En mathématiques par exemple, "il y a peu d’étudiants à l’université et d’autres métiers attirent plus que l'enseignement car ils sont mieux rémunérés", souligne Loïc Foissy, président du jury du Capes de mathématiques 2016. "Il est difficile de motiver les étudiants à ne gagner que 1,3 Smic avec un bac+5", renchérit Alain Billate. Plus globalement, il y aurait un "problème de vivier", explique Christian Chevalier, secrétaire général du SE-Unsa.

L'alternance et l'apprentissage pour attirer des candidats

Pour pourvoir tous les postes, le gouvernement a mis en place, dès 2012, une importante campagne de communication. La création des Espé en 2013, afin de remettre en place une formation professionnelle supprimée en 2010, et le placement du concours à la fin de M1 (au lieu de la fin de M2, ce qui avait engendré une perte de candidats potentiels), ont également attiré de nouveaux candidats, de même que la diversification des parcours permettant de devenir enseignant. 

Le dispositif "étudiant apprenti professeur" permet par exemple à des étudiants en L2 ou en L3 d'assurer des cours en classe en même temps qu’ils poursuivent leurs études. 1.100 étudiants seront recrutés dans ce cursus "préprofessionnalisant" en 2016-2017, dans cinq académies pour le CRPE et dans quatre disciplines du Capes.

Un dispositif d’alternance en M1 est également accessible pour devenir professeur des écoles, dans cinq académies. "Mais ces dispositifs sont insuffisants. C’est du bricolage, il n’y a rien de pérenne qui permette d’attirer des étudiants sur le long terme", estime Alain Billate.

En quatre ans, l'admissibilité au capes de maths est passée de 6,75 à 5,7

Pour augmenter le nombre d'admis, l’Éducation nationale aurait-elle par ailleurs revu ses exigences à la baisse ? "Lorsque l’on regarde les rapports des jurys, on voit que la note la plus basse a diminué", relève Alain Billate. En mathématiques, entre 2012 et 2015, la barre d’admissibilité (sur 20 points) a été successivement placée à 6,75, 6,50, 6 et 5,7, avant de remonter à 6 en 2016. La barre d’admission a baissé continuellement entre 2012 et 2015, passant de 9,40 à 7,8. 

"Il y a beaucoup de postes et peu de candidats, nous avons donc souhaité donner leur chance à l'écrit à beaucoup de candidats, explique Loïc Foissy. Mais ces différences de barre ne sont pas forcément très fiables car cela dépend des sujets. Et nous maintenons bien sûr un certain niveau d’exigence." En lettres, il n’y a pas de baisse des barres d’admissibilité ou d’admission. Néanmoins, "nous avons fait le choix d’ouvrir davantage l’admissibilité, à 80 % des candidats, ce qui nous permet de voir plus de monde, souligne Patrick Laudet, président du jury du Capes de lettres 2016. Mais il n’est pas question de brader le concours. Il y a une commande ministérielle de nombreux postes mais le président de jury que je suis conserve sa liberté pour garder élevé le niveau d’exigence. D’ailleurs, le ministère m’a suivi dans cette idée."

Davantage de candidats en reconversion  
Deux phénomènes nouveaux peuvent toutefois laisser envisager une recrudescence du nombre de candidats. "Un public s’est développé : celui des personnes en reconversion. Cela est peut-être dû au contexte économique. 13 % des admissibles au Capes de maths étaient d’ailleurs sans emploi", indique Loïc Foissy.

Patrick Laudet a lui aussi perçu cette évolution : "La moyenne d’âge des candidats augmente sensiblement. Il y a des personnes qui ont connu des difficultés liées au stress de certains métiers et, en ce qui concerne les Capes de lettres, ce sont des personnes qui ont fait des études de lettres mais qui ont étudié à un moment où la désaffection pour le métier enseignant était forte."

Le retour au métier enseignant peut également avoir une autre signification. "Pour en avoir discuté avec des candidats, je vois que, suite aux attentats, il y a une remobilisation citoyenne qui peut parfois se faire au bénéfice des concours enseignants", relève Patrick Laudet.
Erwin Canard | Publié le