Staps : une rentrée "difficile" avant la grande évasion de la Toussaint

Laura Taillandier Publié le
Staps : une rentrée "difficile" avant la grande évasion de la Toussaint
Le 19 septembre, des étudiants de Staps ont dénoncé les conditions difficiles de rentrée de certaines universités. // ©  Sebastien ORTOLA/REA
Tirage au sort, amphis bondés, recours en justice des étudiants... La rentrée 2017 est, une nouvelle fois, compliquée dans les UFR de Staps. Une situation emblématique de celles des filières en tension et qui appelle une réponse urgente du gouvernement, selon les acteurs du secteur.

Personne dans le gymnase. Ni sur la piste d'athlétisme. Sur le campus de l'université Paris-Descartes, mardi 19 septembre 2017, les étudiants inscrits en L1 Staps qui arpentent les couloirs se dirigent droit vers l'amphithéâtre pour leur deuxième journée de cours.

Malgré le calme qui règne dans les locaux, le directeur de l'UFR évoque volontiers une rentrée "difficile", comme dans la plupart des universités. "On a atteint notre seuil de compétences", alerte Luc Collard. En cette rentrée, l'établissement accueille 550 étudiants supplémentaires, pour un amphithéâtre de 250 places.

Face à cet afflux, l'UFR a opté pour une nouvelle organisation. Avant de se mettre au sport, les élèves débutent l'année par une semaine exclusive de cours magistraux. Et ces derniers sont dédoublés sur deux sites : celui de l'UFR de Staps et celui de pharmacie. 

"Dédoubler les cours magistraux revient moins cher. C’est aussi plus souple pour l’étudiant qui sait qu’il a un deuxième créneau pour rattraper, avance Luc Collard. On commence à être rôdés pour gérer ce type de flux. Nous n’avons d’ailleurs pas de grève. C’est révélateur." Ce qui n'est pas le cas dans d'autres UFR.

"Staps en péril"

Le même jour, sous le slogan "Staps, en péril", l'Anestaps, association qui rassemble des étudiants de la filièreappelait à une grande mobilisation pour dénoncer les conditions difficiles de rentrée de certaines universités, entre amphis bondés et enseignants manquants. Mais pas seulement. "Au final, 20.000 étudiants devraient avoir une place en Staps, alors que 33.000 avaient formulé un vœu 1 sur APB", pointe Orlane François, la présidente. Soit 10.000 étudiants déçus. Et "ce chiffre aurait pu être plus élevé. Mais plusieurs universités ont ouvert 900 places supplémentaires cet été", en échange des 1.500 euros promis par le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation

Face à la bêtise de l’aléa du tirage au sort, je préfère une sélection objective.
(L. Collard)

Une situation absurde pour Luc Collard, qui plaide pour la mise en place de prérequis. "De juin à septembre, les équipes de l’université ont reçu au cas par cas des dizaines et des dizaines de familles avec des étudiants parfois en pleurs. Face à la bêtise de l’aléa du tirage au sort, je préfère une sélection objective."

Quels prérequis en Staps ?

"Nous voyons des choses ahurissantes, comme des étudiants qui ne savent pas nager, témoigne le directeur d'UFR. Demander aux élèves de maîtriser le 50 mètres en eau profonde ne me paraît pas surréaliste !" La C3D (Conférence des directeurs et doyens de structures Staps), qui a déjà planché sur la question des prérequis, préconise pour sa part la prise en compte de quatre domaines de compétences : scientifiques (pouvant être attestées par la série de baccalauréat, et les notes obtenues dans ces matières) ; littéraires et argumentaires (résultats à l’épreuve de français du bac dans les matières économiques et sociales) ; sportives (licences sportives, parcours UNSS ou enseignements facultatifs d’EPS au lycée...) et investissement associatif.

Des propositions qui sont loin de convenir à l'Anestaps et au Snesup-FSU, qui opposent leur véto de principe à la mise en place de prérequis. Y compris celui d'avoir fait du sport pendant ses études secondaires. "La licence sportive est un coût que certaines familles ne peuvent pas se permettre, objecte Orlane François. On peut dégager d'autres solutions que la sélection en repensant la pédagogie, comme c'est déjà le cas à Grenoble. Les étudiants suivent des cours en ligne, puis ont accès à des formations en petits groupes."

Quelle que soit l’évolution de la procédure d’affectation à l’université, chaque structure Staps devra considérer prioritairement les vœux issus de son académie.
(D. Delignières)

Cette question de la pédagogie et de l'ingénierie de la formation n'est pas absente des débats. Elle fait même partie des quatre thèmes – avec l'orientation des lycéens, les passerelles entre formations et la question délicate de l'entrée en licence – sur lesquels planche le groupe de travail dédié aux Staps et piloté par le recteur Thierry Terret dans le cadre de la réforme du premier cycle universitaire. Sur ce dernier point, la C3D se veut rassurante : "Quelle que soit l’évolution de la procédure d’affectation à l’université, chaque structure Staps devra considérer prioritairement les vœux issus de son académie. Il est hors de question de mettre les UFR en concurrence."

Dans les amphis, il est urgent d'agir

Avec la mise en place de prérequis, l'objectif est de mettre fin à l'évaporation, fin octobre, des étudiants en Staps. Une évaporation qui peut concerner jusqu'à un quart des effectifs de première année. "C'est le phénomène des 'évadés de la Toussaint', décrypte Luc Collard. Ce sont avant tout des étudiants mal orientés qui viennent pour taper dans un ballon. Or, en Staps, c'est un tiers de sport et deux tiers de cours théoriques comme l'anatomie, la psychologie…"

Le directeur de l'UFR a hâte de voir les effets de cette évaporation. Non pour reprendre de nouveaux étudiants, mais "pour que les conditions d’études s’améliorent". "L’an prochain, si cela continue comme ça, nous aurons ici aussi des étudiants dans les allées des amphis", prévient Luc Collard, qui craint, de plus, un effet "jeux Olympiques". "Il y aura forcément des débouchés et des étudiants intéressés. Un appel d'air dont nous n'avions pas vraiment besoin..."

Vers une harmonisation des formations en Staps ?
Un point sur lequel s'accordent les acteurs de la filière : la nécessité d'harmoniser l'offre de formations des ministères des Sports et de l'Enseignement supérieur. Leur souhait semble avoir été entendu. Le comité de concertation créé il y a deux ans "mais au point mort" devrait se réunir rapidement pour avancer sur la question.
Tirage au sort en Staps : le ministère saisit le Conseil d'État
Le tribunal administratif de Bordeaux a jugé illégal, jeudi 21 septembre 2017, le tirage au sort opéré à l'entrée des licences en tension. Dans trois ordonnances concernant trois requêtes différentes d'étudiants, qu'EducPros s'est procurées, la juge a enjoint au recteur de l'académie de Bordeaux "de faire procéder, à titre provisoire, à l'inscription [des trois étudiants] en première année de licence Staps [sciences et techniques des activités physiques et sportives] de l'université de Bordeaux, au titre de l'année universitaire 2017-2018 [...] et ce, dans un délai de huit jours à compter de la notification" du jugement. Ces trois étudiants s'étaient vus refuser l'entrée en L1, faute de place dans la filière.

En réaction,  le ministère de l'Enseignement supérieur a annoncé, le 22 septembre, sa volonté de former un pourvoi en cassation devant le Conseil d'État.
Laura Taillandier | Publié le