Une étude dénonce la « loterie » des notes au bac

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Voilà une étude qui ne devrait pas passer inaperçue au ministère de l’Education nationale et au Sénat où on réfléchit à la réforme du baccalauréat. Bruno Suchaut, le directeur de l’Iredu (institut de recherche sur l’éducation, université de Bourgogne) vient en effet de publier une petite enquête sur la notation au baccalauréat. Son constat n’étonnera pas les spécialistes : la notation des élèves relève de « l’arbitraire » et s’apparente parfois même à une « loterie ».

L’expérimentation menée par M. Suchaut a été réalisée dans deux académies (Besançon et Dijon) au cours de deux années scolaires consécutives (2006 et 2007) : 3 copies d’élèves ayant passé le bac ont été soumises à la correction d’une trentaine de professeurs de sciences économiques et sociales. Le constat est édifiant : les écarts de notation d’un correcteur à l’autre sont « très importants » jusqu’à dix points. Ainsi une copie qui a réellement obtenu 9 au bac, a, selon le correcteur, une chance sur 6 d’obtenir soit une note supérieure à 12…soit une note inférieure à 6. Cette incertitude sur la notation de la copie peut avoir de sévères conséquences, notamment pour cette épreuve de sciences économiques et sociales dont le coefficient est 7. « Un écart de 5 points en matière de notation entraîne au total des différences de 35 points, ce qui est loin d’être négligeable ».  

Le poids d'une exception française

Alors ? Alors l’incertitude des notes n’est pas une « découverte » scientifique récente. Dans les années 1930, une étude soulignait déjà de forts écarts de notation entre correcteurs dans les disciplines littéraires. Seulement voilà : la simplicité de la notation fait en partie son succès : « le chiffrage des performances des élèves est en effet lisible aisément par tous », observe Bruno Suchaut. Et puis cette pratique est une habitude culturelle en France, quand dans d’autres pays, notamment chez les Anglo-Saxons, elle a quasiment disparu.  

Pour le chercheur, il est pratiquement impossible de réduire l’incertitude de la notation au bac, à moins - et encore – de multiplier le nombre de correcteurs. Bruno Suchaut envisage alors de recourir à des formes de QCM « quand la nature de l’épreuve le permet » voir de supprimer purement et simplement la bac dans sa forme actuelle. Dévalorisation du diplôme, coût financier de son organisation, arbitraire de l’évaluation, le directeur de l’Iredu fait un sort au premier diplôme de l’enseignement supérieur. Reste à savoir si on peut vraiment tirer un trait sur un symbole qui n’est pas seulement celui de l’école mais de toute la société française.  

Changement de paradigme

Plus largement M. Suchaut s’interroge sur la notation à tous les échelons du système éducatif. « Faire le deuil de la notation, renvoie aussi à changer plus globalement la vision de la finalité de l’acte d’enseignement. Un changement en la matière obligerait à revoir totalement les mécanismes de sélection, d’orientation et de certification des élèves, mais aussi au quotidien le regard que porte l’enseignant sur l’élève 

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