Yaële Aferiat (AFF) : "Le fundraising est une course de fond, pas un sprint !"

Cécile Peltier Publié le
Yaële Aferiat (AFF)  : "Le fundraising est une course de fond, pas un sprint !"
Yaële Aferiat, directrice de l'Association française des fundraisers // ©  Photo fournie par le témoin
A la veille de la 8e conférence de fundraising pour l'enseignement supérieur et la recherche fin janvier 2013, Yaële Aferiat, directrice de l'AFF (Association française des fundraisers), fait le point pour EducPros. Face à la déception de certains établissements sur les sommes engrangées jusqu'ici, elle insiste sur la nécessité d'investir dans une démarche de long terme.

Où en est, aujourd'hui, le mécénat dans l'enseignement supérieur en France ?

Il faut distinguer plusieurs pelotons. Un peloton de tête avec les établissements pionniers – essentiellement des écoles – qui ont initié une démarche de fundraising voilà une quinzaine d'années. Et ont déjà à leur actif plusieurs campagnes de levées de fonds ambitieuses : l'Insead bien sûr, mais aussi HEC, Supélec, Centrale, Polytechnique, etc.

Un deuxième groupe comprend les universités qui se sont mises en ordre de marche dans la foulée de la loi LRU [août 2007] : Lyon, Strasbourg, Bordeaux, l'université d'Auvergne, Poitiers, etc. Ces établissements ont en commun d'avoir mené une véritable réflexion sur leur positionnement stratégique.

Le dernier groupe rassemble le gros des troupes. On y trouve des écoles d'ingénieurs, qui démarrent tout juste le travail de fundraising, et des universités qui se sont lancées dans l'aventure plus tardivement.

A L'heure des premiers bilans, on entend parfois une certaine déception de la part des établissements...

Le fundraising coûterait en effet trop cher par rapport à ce que cela rapporte, et serait "une goutte d'eau dans l'océan des ressources des universités". Mais n'est-il pas trop tôt pour tirer des conclusions ? S'est-on donné les moyens de réussir ? Le fundraising s'inscrit dans la durée, il n'a pas vocation à changer totalement le modèle économique de l'université et à remplacer les fonds publics...

Il a en outre pour vertu d'amener les établissements à se poser des questions stratégiques clés autour de leurs modèles économiques. Il est dommage de voir certains établissements se décourager.

Comment expliquez-vous les difficultés rencontrées par les établissements ?

Le mécénat et le fundraising sont relativement nouveaux et impliquent une forme d'ouverture, qu'il n'est pas toujours facile d'endosser dans le contexte d'évolution rapide et de tensions économiques que vivent actuellement les universités.

Il y a également une inexpérience de ce qu'est le fundraising. C'est un métier auquel les présidents d'université n'ont pas été formés et qui ne figure pas dans leur fiche de poste. Pour toutes ces raisons, le fundraising peut devenir anxiogène et ne pas apporter les fruits escomptés.

Le fait que toutes les universités se soient jetées dans la bataille en même temps et dans un contexte de crise et d'incertitude autour des dispositifs fiscaux associés au mécénat n'a pas non plus facilité les choses. Même s'il n'y a pas eu de grande catastrophe en matière de collecte, certains établissements font état d'une certaine frilosité des grands comptes sur le renouvellement des opérations pluriannuelles (type chaires).

Quels sont les défis à relever ?

Il faut d'abord resituer le débat sur le fundraising dans une réflexion plus large sur la diversification des ressources et rappeler que c'est une course de fond, pas un sprint ! Ensuite, il faut montrer que pour certains établissements, l'argent issu du mécénat n'est pas une goutte d'eau.

Sur certains projets (financement de chaires, de bourses, etc.), il joue un vrai effet-levier. L'égalité des chances, l'amélioration des conditions d'accueil, l'attractivité internationale de l'établissement sont des sujets qui attirent les mécènes. Globalement, il faut rappeler que s'agissant d'une thématique grand public ou d'une niche, des sciences dures ou des sciences sociales, chacun peut trouver sa place en matière de fundraising. Il s'agit juste d'identifier le bon noyau de donateurs potentiels.

Sur quels leviers peut-on jouer pour faire avancer le fundraising ?

Les établissements doivent investir dans les ressources humaines, former leurs équipes de direction, sensibiliser leurs enseignants-chercheurs en favorisant les synergies avec les chercheurs, qui ont souvent une expérience des relations avec les entreprises.

Les universités doivent apprendre à toucher de nouveaux publics ou à les aborder différemment. Il faut aussi explorer toutes les pistes : les PME représentent un fort potentiel. Les universités de Tours, Lille et Strasbourg, par exemple, sont parvenues à tisser un réseau important au niveau local. La mobilisation des anciens constitue par ailleurs un axe de développement important, en particulier dans les universités qui n'étaient pas outillées pour garder le contact avec des centaines de milliers d'étudiants. Enfin, la problématique du legs va également être de plus en plus posée.

Quelle place a été donnée à cette question du fundraising lors des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche ?

Les questions de fundraising et de mécénat n'ont pas été abordées en tant que telles au cours des Assises. Existerait-il un désintérêt politique pour ce mode de financement jugé non stratégique dans l'enseignement supérieur ? Je note pourtant que le modèle économique de l'enseignement supérieur constitue une véritable préoccupation, notamment pour les universités.

La conférence sur le fundraising
La 8e conférence de fundraising pour l'enseignement supérieur et la recherche, organisée par l'AFF (Association française des fundraisers), se tient les 29,30 et 31 janvier 2013 à la CIUP à Paris (13e arrondissement). Créée en 1991, l'association, qui fédère à l'origine des acteurs exerçant dans les secteurs caritatifs et de la solidarité internationale, a été rejointe par des fundraisers issus du monde de l'enseignement supérieur. Son activité consiste essentiellement dans des actions de formation "de praticien à praticien".
Cécile Peltier | Publié le