Agnès Florin, professeur de psychologie à Nantes et directrice du collège doctoral Nantes-Atlantique : « Il faut que les entreprises se saisissent du savoir des doctorants »

Propos recueillis par Séverine Tavennec Publié le
Agnès Florin, professeur de psychologie à Nantes et directrice du collège doctoral Nantes-Atlantique : « Il faut que les entreprises se saisissent du savoir des doctorants »
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Depuis 1990, Agnès Florin exerce à l'université de Nantes en tant que professeur de psychologie. Conseillère du président de cet établissement, elle y dirige aussi le collège doctoral où elle a notamment développé avec son équipe un logiciel de suivi des doctorants. Parallèlement, elle continue ses recherches en psychologie de l'enfant et écrit de nombreux ouvrages. Un nouveau volet de notre série « Les entrepreneurs pédagogiques ».

Professeur de psychologie de l'enfant et de l'éducation à l'université de Nantes, vous êtes fidèle à cet établissement depuis vingt ans...

Entre l'université de Nantes et moi, c'est en effet une vieille histoire. À l'issue de mes études de psychologie à l'université de Poitiers où j'ai travaillé pendant longtemps dans l'équipe du CNRS de l'établissement, j'ai donc été recrutée en tant que professeur de psychologie à Nantes après ma thèse d'État sur « La communication et le langage à l'école maternelle ».

Vous décidez d'y créer très vite le laboratoire de psychologie « Éducation, cognition, développement ». Avez-vous rencontré des difficultés pour la mise en œuvre de ce projet ?

Fidèle à ma conception du travail qui prône le collectif, l'esprit d'équipe, j'ai fait appel aux compétences locales existantes : des enseignants-chercheurs en psychologie sociale, cognitive, du développement... Je leur ai présenté mon projet de recherche qui avait pour thème « Comment les contextes éducatifs modèlent-ils le développement des personnes ? ». Cette équipe m'a suivie. J'ai ainsi mis en place des statuts, un règlement intérieur, un séminaire bihebdomadaire.

Puis vous avez été labellisés rapidement par le ministère de l'Enseignement supérieur...

Nous avons ainsi eu l'opportunité de répondre à des appels à projets, notamment sur l'impact des modes d'accueil préscolaires sur le développement... J'ai dirigé ce laboratoire « Éducation, cognition, développement » jusqu'en 2004. J'ai également monté un réseau des équipes de psychologie du développement et de l'éducation des universités de la région Ouest avec Nantes comme université d'appui. Il a fédéré les facultés de Caen, Rouen, Rennes, Angers, Tours, Poitiers et Bordeaux ; il se développe aujourd'hui dans un périmètre plus large.

Entretemps, vous créez le DEA [l'actuel master recherche] « Psychologie : approches fondamentales et appliquées », que vous dirigez toujours aujourd'hui...

Il s'agit de la seule formation recherche en psychologie dans la région des Pays de la Loire. Depuis 2007, nous l'avons mutualisée avec l'université d'Angers. Depuis 2004, je suis aussi responsable du master de psychologie.

Vous êtes aujourd'hui conseillère du président de l'université de Nantes et directrice du collège doctoral et du plateau recherche SHS de l'établissement. Trouvez-vous le temps de vous consacrer encore à vos activités de recherche ?

Ce n'est pas toujours facile, mais je ne pourrais pas m'en passer. Je continue ainsi mes recherches en psychologie de l'enfant, notamment sur les relations entre imagination et raisonnement, sur la prévention des difficultés d'apprentissage, les interactions adulte/enfant. Je travaille en outre sur la qualité de vie des enfants, plus précisément l'autoestimation de leur qualité de vie. Je continue à publier, seule ou avec mes collègues, et en particulier sur la petite enfance.

En 2002, alors membre du bureau de l'université de Nantes, on vous confie donc la coordination des cinq écoles doctorales de l'université de Nantes. Quelle volonté pédagogique vous animait alors ?

Je savais que cette mission allait être un travail de longue haleine. La formation doctorale est encore assez méconnue des entreprises. Les docteurs peinent à décrocher un CDI à l'issue de leur thèse. Il fallait donc penser à lancer des actions concrètes pour que les doctorants et les entreprises se rencontrent et se comprennent. En 2004, j'ai notamment organisé les premières « Doctoriales » régionales à l'université de Nantes. Cette formation, initiée par l'Association Bernard-Gregory, est ainsi ouverte aux doctorants de toutes les universités et de toutes disciplines, en résidentiel pendant une semaine, et a pour objectif de promouvoir l'insertion professionnelle des doctorants. Puis, en 2007, nous avons opéré la régionalisation de nos écoles doctorales des Pays de la Loire. Nous sommes passés à huit écoles doctorales mutualisées entre les trois universités et les écoles des Pays de la Loire, dans le cadre du PRES UNAM (pôle de recherche et d'enseignement supérieur des universités de Nantes, Angers, Le Mans), avec la mise en place de collèges doctoraux de sites.

Beaucoup de doctorants ont encore une idée imprécise des postes auxquels ils pourraient prétendre dans le secteur privé. Quels dispositifs instaurez-vous pour les informer sur ces opportunités de carrière ?

Nous leur proposons une offre de formations large et nous organisons notamment des journées de formation dédiées à l'insertion professionnelle, intitulées « La recherche et l'entreprise », avec des consultants et entreprises qui viennent parler de propriété industrielle, de dépôt de brevets.... On a fêté cette année la XIe édition de ces journées. Nous avons aussi réalisé l'un des cinq forums des écoles doctorales en partenariat avec l'Association Bernard-Gregory et le MEDEF national.

Vous avez également développé le logiciel DoctorG. Pouvez-vous nous expliquer son fonctionnement ?

DoctorG est un outil de suivi des doctorants et des docteurs pour les écoles doctorales de l'université de Nantes. La création de cette application a permis de centraliser les données administratives concernant le doctorant et son suivi jusqu'à sa soutenance de thèse. Nous avons ainsi accès en interne à une série d'informations sur la thèse, son encadrement, les formations que suit le doctorant, l'état d'avancement du travail, les financements... Un suivi similaire va être développé au niveau du PRES UNAM.

Les entreprises commencent-elles à prendre conscience du fort potentiel des doctorants ?

Cela évolue doucement. Il y a des entreprises qui ont encore une connaissance limitée des doctorants et qui affichent par exemple des craintes sur la propriété industrielle... Mais elles sont de plus en plus nombreuses à saluer les qualités des doctorants et des docteurs qui sont les spécialistes de l'innovation. L'activité de recherche pousse en effet les docteurs à créer sans cesse de nouvelles solutions. Il faut que les entreprises se saisissent de ce savoir !

Propos recueillis par Séverine Tavennec | Publié le