Alain Chopin, auteur de "Flaubert est un blaireau" : « Ecouter les élèves fait partie de la fonction d’enseignant »

Propos recueillis par Emmanuel Vaillant Publié le
Alain Chopin, auteur de "Flaubert est un blaireau" : « Ecouter les élèves fait partie de la fonction d’enseignant »
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Tout juste retraité de l’Education nationale, Alain Chopin a fait toute sa carrière de professeur de français en lycée professionnel dans le Nord. Il est l’auteur de « Flaubert est un blaireau » (éditions-dialogues.fr), un récit subtil et souvent drôle de ses années d’enseignement, sous forme de portraits d’élèves et de scènes de classes.

Vous parlez du bonheur d’enseigner alors même qu’on entend plus souvent la plainte des enseignants. Quelle est votre recette ?
J’ai eu en effet la chance de traverser ce métier de façon très heureuse. Je n’ai pas de leçon à donner mais je dirais que j’ai toujours fait en sorte d’écouter vraiment les élèves, de les laisser parler sans les juger. Et sans complaisance s’ils ne jouaient pas le jeu. Ecouter cela veut dire que quand un élève intervenait par une parole qui n’était pas prévue par moi, et qui pouvait parfois être déroutante, j’arrêtais le cours et j’essayais de comprendre. Je laissais venir…

Ecouter, laisser venir… est-ce, selon vous, la condition pour rendre possible l’échange avec les élèves ?
Récemment j’ai entendu Luc Ferry dire qu’on ne pouvait pas demander à des agrégés « de faire les nounous avec les élèves ». C’est incroyable d’entendre de tels propos. Ecouter fait partie de la fonction d’enseignant. Un exemple : je me souviens de Fatimata, une jeune fille arrivée du Sénégal, sans sa famille, avec personne à qui parler. Elle se sentait seule, à l’écart. Un jour j’ai pris le temps de discuter, elle m’a montré les photos de sa famille restée au pays, elle avait besoin que je sache d’où elle venait avant de se rendre disponible pour travailler en classe.

L’enseignant doit-il accepter de remettre en question sa place dans la classe ?
En classe je crois qu’il faut accepter de remettre en jeu son savoir. C’est là une révolution à faire dans la représentation du métier d’enseignant qui n’est plus seulement celui qui possède le savoir. Autrefois, nous étions dans une stabilité par rapport à la transmission : l’enseignant enseignait, l’élève apprenait puis restituait. Aujourd’hui les élèves ont accès à d’autres sources, notamment avec internet. La transmission se fait alors par l’échange, en faisant émerger du sens, en direct, en pensant ensemble, le professeur et ses élèves, en trouvant des points de contact.

Comment trouviez-vous ces « points de contact » ?
De quoi parlent les textes de la littérature ? D’amour, de mort, de trahison, de jalousie… ce sont des sentiments que chaque élève a déjà ressenti. Les points de contacts peuvent être un lieu, par exemple la ville de Marseille à travers les romans de Jean-Claude Izzo qui a si bien décrit le quartier Belsunce. Cela pouvait être aussi du rap à travers, par exemple, des textes de Kool Shen qui peuvent faire un lien avec des textes classiques comme Bérénice de Racine.

La formation des enseignants est-elle en cause dans les difficultés qu’ils rencontrent ?
La formation en IUFM n’était pas un outil parfait. Seulement au lieu d’en faire un bilan pour voir ce que l’on aurait pu améliorer, l’outil a été cassé. La période de stages et de contacts avec les élèves est désormais réduite alors que cette expérience est essentielle. Il m’est arrivé de passer des heures à préparer un cours et de me rendre compte que les élèves ne veulent pas le recevoir. Quand ça ne passe pas, on se raidit, on oblige, on punit. Il vaut mieux arrêter, discuter, accepter de bouger et l’élève va bouger à son tour. Pour le reste, chacun fait cours avec son tempérament, avec ce qu’il est.

Découvrez la critique de "Flaubert est un blaireau" par notre consoeur Céline Manceau, journaliste à l'Etudiant sur  son blog span style="font-style: italic;">Fac Story

Propos recueillis par Emmanuel Vaillant | Publié le