Alliance : radiographie d'un accord France/États-Unis qui marche

De notre correspondante aux Etats-Unis, Jessica Gourdon Publié le
Alliance : radiographie d'un accord France/États-Unis qui marche
Columbia University (New York) has launched a program called Safe Haven. // ©  columbia
Le programme Alliance vient de recevoir le prix 2014 du partenariat d’excellence franco-américain de la French American Foundation. Initié en 2002, ce partenariat entre Sciences po, Paris-1 Panthéon-Sorbonne, l'École polytechnique et Columbia University couvre un vaste champ : doubles diplômes, bourses de mobilité, échanges d'étudiants et de professeurs, projets de recherches, écoles d'été, etc. Alessia Lefébure, la directrice du programme, livre à EducPros les clés de cette réussite.

Alessia Lefébure - directrice du programme Alliance // ©JGourdonBeaucoup d'universités françaises ont du mal à établir des liens profonds avec des universités américaines. Est-ce un manque d'intérêt de leur coté ?

Pas du tout ! Aux États-Unis, l'intérêt pour les études en France et pour le français est immense. C'est d'abord un problème de communication. Les universités françaises ne sont pas orientées vers les services, comme le sont les américaines, et leurs "vitrines" ne sont pas aux normes. Les Américains qui vont sur le site web d'une université veulent trouver des descriptions de tous les cours, le CV des professeurs, des calendriers académiques un an à l'avance, des contacts, des informations sur la sélection, le logement, l'ouverture d'un compte en banque, les transports. Les familles américaines s'attendent aussi à disposer d'un service ouvert tout le mois d'août pour les accueillir, leur faire visiter le campus. Ces dispositifs sont absolument essentiels pour eux.

Une autre difficulté est liée à la sélection entre le M1 et le M2. C'est incompréhensible pour un Américain. Enfin, un dernier obstacle tient à la différence de culture managériale. Entre les responsables des relations internationales français, leur culture académique ou administrative, et leurs homologues américains, orientés business et très professionnels, c'est parfois le choc culturel. Ils ont du mal à se comprendre !

Face à ce constat, le programme Alliance fait figure d'exception. Quels conseils donneriez-vous à des établissements qui voudraient initier une collaboration similaire ?

Il est nécessaire que les établissements se connaissent très bien, qu'il y ait une relation de confiance. Il faut des années de collaboration avant de mettre en place ce type d'accords, qui impliquent un vrai partage de souveraineté.

Comment Alliance est-il administré, au quotidien ?

Notre force, c'est que nous avons nos propres ressources, et une administration dédiée : deux personnes à temps plein, financées par les quatre établissements, et salariées de Columbia. La coordination et l'impulsion de ce type de programme ne peuvent pas être confiées à des professeurs qui feraient cela en plus de leur travail, ou pendant une période ponctuelle. Cela ne marche pas sans investissement sérieux.

Il faut des années de collaboration avant de mettre en place ce type d'accords, qui impliquent un vrai partage de souveraineté.

Qui prend les décisions ? Est-ce collégial ?

C'est une combinaison de top-down et bottom-up. Si les présidents décident de tout, cela ne fonctionne pas. L'initiative, les idées, les projets viennent des professeurs. Ils répondent en tandem à des appels d'offre, puis un comité choisit les meilleurs projets, et nous les testons. Si cela marche, nous rendons cette initiative durable. Par exemple, le double-bachelor Sciences po-Columbia a eu une phase test de trois ans, avec de tout petits effectifs. Maintenant, nous recrutons 50 étudiants par an. Certaines initiatives viennent aussi des élèves - comme notre école dotorale d'été "science et politique". Nous travaillons comme un incubateur de projets internationaux.

Comment est alloué votre financement ?

Nous avons notre propre endowment. C'est une autre raison de notre réussite ! Columbia d'un coté, et la partie française de l'autre, ont alloué chacun un million de dollars en 2008. Cette somme a été placée, et le programme n'utilise que les intérêts. Cela nous permet d'avoir un financement durable, qui n'est pas tributaire des changements de personnes.

Le programme Alliance en chiffres

- 15 double-diplômes et échanges

- 240 étudiants du monde entier inscrits chaque année dans un double-diplôme

- 80 enseignants-chercheurs impliqués dans un projet de recherche conjoint

- 60 conférences publiques organisées chaque année à Paris ou New York

- 2 millions de dollars d'endowment en 2008

- 150 000 dollars de bourses de recherche par an

- 10 "visiting professors" échangés chaque année entre New York et Paris

- 15 disciplines concernées

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