André Antibi (chercheur en didactique) «Evaluation des élèves : la constante macabre, ça suffit !»

Propos recueillis par Sophie de Tarlé Publié le
André Antibi (chercheur en didactique) «Evaluation des élèves : la constante macabre, ça suffit !»
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Professeur à l’université Paul-Sabatier de Toulouse, où il dirige le laboratoire de didactique, André Antibi est l’auteur de « La constante macabre » paru en 2003 (Math’adore-Nathan). Déjà 30 000 professeurs mettraient en pratique le système d’évaluation par contrat de confiance préconisé dans son ouvrage. André Antibi se réjouit que le ministère de l'Education nationale subventionne son mouvement depuis mars 2009. Si certains inspecteurs se montrent intéressés par sa méthode, les IUFM ne l'enseignent pas officiellement. Un colloque sur les suites à donner à cette adhésion est organisé le 10 juin 2009, à l’université Paris 12.

Pouvez-nous rappeler ce qu’est la « constante macabre » ?

Cela part du constat que sous la pression de la société, les professeurs se sentent obligés inconsciemment de mettre un certain pourcentage de mauvaises notes pour être crédibles. Ce n’est pas la faute des enseignants. Dans notre système éducatif, un professeur qui donne de trop bonnes notes est immédiatement jugé comme un fumiste. La constante macabre, c’est quand, quel que soit le niveau des élèves, il y a toujours un tiers de très bons élèves, un tiers de moyens, et un dernier tiers de mauvais élèves. Et je constate que les élèves défavorisés sont souvent dans le dernier tiers. Il y a trop d’enfants qui sont en échec de façon artificielle.

Ce n’est pas un peu démagogique de vouloir donner des bonnes notes à tout le monde ?

Si, mais ce n’est pas du tout mon objectif. Mon objectif est de récompenser les élèves qui travaillent, de ne pas les piéger. Moi-même avant, j’étais persuadé d'avoir donné un bon sujet lorsque la moyenne de la classe tournait autour de 10. Je trouve ça maintenant complètement absurde de penser qu’on a rempli notre mission lorsque la moitié de la classe est en échec. C’est un peu comme si un médecin pensait avoir fait son travail en guérissant un malade sur deux. Dans la majorité des pays du monde, il en va autrement. Il n’y a que la Belgique, l’Afrique francophone, l’Espagne et l’Amérique latine qui font comme nous. Quand les étrangers voient comment on procède, ils nous prennent pour des extra-terrestres. L’expression « avoir la moyenne » est incompréhensible au Québec par exemple. Attention, je ne souhaite pas non plus supprimer la note. On avait déjà essayé il y a trente ans sans succès. On avait voulu remplacer les notes par des lettres. Les professeurs se sont mis à mettre des A+, des B++, des C--, cela ne rimait plus à rien ! On ne peut pas importer des méthodes d’autres pays sans tenir compte de notre propre culture.

Que proposez-vous alors pour remédier à cette « constante macabre » ? 

Il  faut commencer par aider le professeur à ne pas piéger ses élèves. C’est pourquoi, je préconise l’évaluation par contrat de confiance. Il ne s’agit pas de donner le sujet à l’avance comme certains le croient. Il s’agit de dire aux élèves que les 4/5ème du contrôle porteront sur une douzaine de sujets que les élèves auront déjà faits et corrigés en classe. Ce qui fait que l’élève sait d’emblée que s’il travaille ces exercices, il aura une bonne note. On se rend compte que hormis le système scolaire, tous les systèmes d’évaluation procèdent de la sorte : permis de conduire, oraux d’agrégation, examens de musique, etc. Ainsi, au Conservatoire, on demande au candidat de restituer un morceau qu’il a préparé. Et ce n’est pas si facile de restituer ce qu'on a appris. Un professeur qui se fait inspecter dans sa classe, expose une leçon qu’il a préparée. De toute façon, je ne vois pas comment un élève pourrait résoudre un problème nouveau dans un temps limité. Mais attention, cela ne veut pas dire que cette méthode supprime l’échec scolaire, sinon on m’aurait donné le prix Nobel ! Je supprime juste l’échec artificiel. Cela permet de donner aux élèves l’envie de travailler. Car ils savent désormais que leur travail est récompensé.

Peux-t-on utiliser cette manière d’évaluer un élève dans toutes les matières ?

Cette méthode peut être utilisée dans toutes les matières, même en français, contrairement à ce que pensent certains. Attention, il ne doit pas y avoir de confusion entre l’évaluation et l’apprentissage. Ainsi, prenons l’exemple de l’orthographe. Une dictée préparée suffisamment longue est une application pratique de ma méthode. Mais ce n’est pas comme ça qu’on apprend l’orthographe bien sûr ! Cela ne se substitue pas aux exercices d’application qui permettent d’assimiler les règles de grammaire.

Deux colloques sur l'évaluation

« Une adhésion quasi-unanime : que fait-on à présent ? ». Colloque du 10 juin 2009 organisé par le MCLCM (Mouvement contre la constante macabre) , université Paris 12, faculté d’administration et d’échanges internationaux (AEI), bâtiment T.

Colloque Evaluation du travail des élèves du SGEN-CFDT , le 10 juin 2009, lycée Edgar Quinet à Paris 9ème.

Propos recueillis par Sophie de Tarlé | Publié le