Après le rachat de l'EDC, Grupo Planeta veut poursuivre sa croissance en France

Cécile Peltier Publié le
Après le rachat de l'EDC, Grupo Planeta veut poursuivre sa croissance en France
Grupo Planeta entend poursuivre l'internationalisation de l'EDC Paris et y développer l'enseignement en ligne. // ©  EDC Paris
L'Espagnol Grupo Planeta a officialisé le 1er juin 2017 le rachat du groupe EDC, via sa filiale hexagonale, Editis. Jordi Sole, directeur général de la nouvelle branche "Planeta Formation et Universités France", explique les coulisses de cette reprise et détaille les projets de développement du géant de l'édition.

Jordi Sole, directeur général Planeta Formation et Universités France.Avec ses 100.000 élèves de 90 nationalités différentes, dont 30.0000 dans l'enseignement supérieur, Grupo Planeta revendique sa position de leader de l'enseignement privé en Espagne. Il reste pourtant peu connu en France. Pourquoi investir dans l'enseignement supérieur hexagonal ?

Planeta est un groupe familial fondé en 1949, à Barcelone, par José Manuel Lara, un entrepreneur passionné de littérature. La petite maison d'édition créée à l'origine a rapidement connu une croissance exceptionnelle, qui s'est traduite par le rachat d'autres petites maisons en Espagne et en Amérique latine. Aujourd'hui, le groupe est leader sur le marché hispanophone. 

Au début des années 2000, le groupe a entrepris un processus de diversification dans le secteur de la culture : médias, cinéma, tourisme mais aussi enseignement, avec la création de la division "Planeta Formation et Universités". Le développement est passé par des acquisitions ou des créations.

Planeta a d'abord investi dans la formation technique et les langues, en Espagne. En 2006, il a racheté sa première école de commerce : l'EAE Business School, née dans les années 1950, qui avait connu une période de crise. Grâce à une stratégie fondée sur le développement de la marque, l'internationalisation et la diversification de l'offre de formation, nous sommes parvenus à développer l'établissement, qui est passé de 600 à quelque 7.000 étudiants et a progressé dans les classements. C'est l'une des 30 meilleures écoles de commerce dans le monde, selon le classement America Economia.

Toujours dans cette perspective d'internationalisation, nous avons créé, en 2007, OBS Business School, une école de commerce 100 % en ligne, en partenariat avec l'université de Barcelone. En Espagne, aucune école de commerce n'est officiellement reconnue par l'État et tous les diplômes décernés le sont donc par l'université partenaire. 

En 2014, Planeta a racheté l'Université internationale de Valence (VIU), un établissement public que la région n'avait plus les moyens de soutenir. Un cas unique à ce jour, me semble-t-il. Puis nous avons créé en 2016, avec VIU, ESDesign, la première école de design en ligne d'Espagne. Un projet audacieux, bien accueilli par le milieu. Nous avons également monté une école de tourisme "classique" : Ostelea School of Hospitality & Tourism.

En 2015, la direction du groupe a souhaité accroître l'internationalisation des activités culturelles. Traditionnement francophile, Planeta s'était ouvert au début des années 2000 à la France avec l'acquisition d'Editis. Il y a trois ans, nous avons donc commencé à travailler sur un projet de division enseignement supérieur en France, "Planeta Formation et Universités France", dont je viens de prendre la direction générale.

Le rachat de l'ESLSCA, en septembre 2016, et de l'EDC, aujourd'hui, sont la concrétisation de cette stratégie.

Pourquoi avoir jeté votre dévolu sur ces écoles ?

Nous avons regardé, ces derniers temps, les dossiers des écoles qui étaient à vendre. Nous avons même participé aux premières étapes d'autres ventes.

L'ESLSCA est une école qui a connu une belle époque, avant de perdre de son influence ces quinze dernières années. Mais elle conserve un réseau d'anciens énorme et une reconnaissance de la marque dans les domaines de la finance et de l'intelligence économique. Le président d'Editis est d'ailleurs un ancien de l'ESLSCA.

Concernant l'EDC, nous cherchions une école avec une dimension culturelle et entrepreneuriale. Dès la première rencontre avec les actionnaires, il y a environ dix-huit mois, nous nous sommes bien entendus. Ce n'est pas la classique acquisition avec des intermédiaires et des avocats partout, mais une vraie entente avec une vision commune. Sauvée en 1995 par ses anciens, l'école a, depuis, réalisé un chemin intéressant : désormais très connue, elle est bien placée dans les classements. 

Ce n'est pas la classique acquisition avec des intermédiaires et des avocats partout, mais une vraie entente avec une vision commune.

Son président, Alain-Dominique Perrin a d'ailleurs toujours dit qu'il ne voulait pas vendre à un fonds d'investissement, mais à un partenaire industriel. C'est notre cas. Nous sommes un acteur privé, il y aura donc forcément une analyse du compte de résultats, mais avec une analyse de long terme : nous sommes là pour développer, pas pour revendre. Il n'y a dans mon souvenir pas de précédent de revente chez Planeta.

D'ailleurs, même s'il quitte la présidence de l'école, Alain-Dominique Perrin restera présent sur les projets.

Le marché des écoles de commerce postbac est aujourd'hui très concurrentiel. De quelle manière comptez-vous donner les moyens à l'EDC de tirer son épingle du jeu ?

Il est vrai que le marché français est particulièrement concurrentiel, mais l'EDC a déjà un positionnement stratégique qui n'appelle pas de grosses évolutions

Elle manquait de moyens pour mener certains projets. Le rachat va permettre d'accompagner la business school, mais aussi SMS et Sup de Luxe, dans le développement de la formation en ligne (diplômante ou non), la diversification de leur portefeuille de formations ou encore dans la poursuite de l'internationalisation. L'idée est d'attirer des étudiants francophones, et plus largement internationaux, avec la création de cursus anglophones.

Sur la base du travail accompli, nous allons également continuer d'améliorer la qualité pédagogique en investissant notamment dans la recherche ou les accréditations internationales.

Le groupe garde toujours la personnalité des entités et des marques qu'il achète.

Mais je ne vous donnerai pas d'objectifs à cinq ans, car ce n'est pas notre manière de procéder. Je suis toujours un peu surpris de lire, à l'occasion des rachats, des déclarations du type : "Je serai l'école leader en France en 2018." Le risque est de faire de belles promesses qui resteront lettre morte. 

Envisagez-vous des mutualisations du type EDC-ESLSCA ?

Non. Le groupe garde toujours la personnalité des entités et des marques qu'il achète. Aujourd'hui, par exemple en Espagne, Planeta possède plus d'une centaine de petites maisons d'édition avec chacune son positionnement, son plan de développement... Quitte à ce qu'il y ait parfois des marchés qui se superposent. 

En Espagne, vous possédez des business schools, mais aussi des écoles d'hôtellerie ou de design... Envisagez-vous le même type de diversification en France  ?

Dans un premier temps, nous allons développer l'existant. Ensuite, il y aura d'autres projets. S'agira-t-il de nouvelles acquisitions, de créations ex nihilo ? D'écoles d'ingénieurs, de design, de tourisme ? Il est encore trop tôt pour le dire. Mais une chose est sûre : nous allons poursuivre notre croissance sur le marché hexagonal.

Jean-Marcel Jammet veut reconstruire l'ESLSCA
Fidèle à sa politique de respect des marques, le groupe Planeta assure vouloir garder les équipes en place à l'EDC et à l'ESLSCA. C'est le cas de Jean-Marcel Jammet, directeur général du groupe EDC Paris depuis janvier 2014. "Non seulement je reste, mais je deviens, en plus, directeur général délégué aux affaires académiques au sein de la nouvelle branche française du groupe Planeta", se félicite l'intéressé. Sa mission ? "Développer et superviser chacune des marques du groupe en France."

Parmi ses chantiers prioritaires, il va s'atteler à la reconstruction de l'ESLSCA, à laquelle il rêve de rendre son lustre du "milieu des années 1990". "À une époque, les candidats qui passaient les concours, disaient : 'Je passe l'ESLSCA, l'ESG [aujourd'hui PSB] et l'Inseec'", se souvient-il.

Cette reconquête passe, selon lui, par la mise en place d'un programme grande école reconnu. "Nous devons recréer un corps professoral permanent afin de satisfaire à toutes les conditions posées par la CEFDG." La question de savoir si l'entrée se fera à bac+3 ou à bac n'est pas encore tranchée, mais une chose est sûre, l'école veut aller vite.
Planeta adepte du secret...
Mis à part son chiffre d'affaires avoisinant les "3.500 millions d'euros", difficile d'avoir des données chiffrées précises touchant aux finances du groupe Planeta, et plus précisément de son activité enseignement supérieur. Jordi Sole, directeur général de Planeta Formation et Universités France, le reconnaît : "La politique maison est claire en la matière : on ne communique pas les chiffres."

"Le marché des écoles de commerce est beaucoup moins transparent en Espagne qu'en France", continue le nouveau patron de la branche France. Des pratiques qui risquent de poser problème au moment des palmarès... "On trouvera des équilibres", promet Jordi Sole.
Cécile Peltier | Publié le