Bernard Cerquiglini, recteur de l'Agence universitaire de la francophonie (AUF) : "Notre initiative pilote de formation à distance a permis de former 1700 instituteurs à l'enseignement du français en Afrique"

Propos recueillis par Maëlle Flot Publié le
Bernard Cerquiglini, recteur de l'Agence universitaire de la francophonie (AUF) : "Notre initiative pilote de formation à distance a permis de former 1700 instituteurs à l'enseignement du français en Afrique"
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L'Agence universitaire de la francophonie (AUF ) vient de finaliser un vaste programme de formation à distance d'enseignants. Son recteur, Bernard Cerquiglini , revient sur cette expérience et les transformations de la « francophonie universitaire ».

Vous venez de rendre une première évaluation de votre Initiative francophone pour la formation à distance des maîtres, l'IFADEM . En quoi consiste cette expérimentation ?

L'Agence universitaire de la francophonie a toujours considéré que la formation des maîtres relevait de l'enseignement supérieur. C'est pourquoi nous avons mis en place, avec l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) , une initiative pilote de formation à distance pour des instituteurs en poste, prioritairement dans les zones rurales, dans quatre pays : le Bénin, le Burundi, Haïti et Madagascar. En deux ans, rien qu'au Burundi et au Bénin, 1.700 instituteurs ont été formés dans le domaine de l'enseignement du français. Cette initiative s'appuie sur un dispositif hybride qui associe formation traditionnelle, utilisation des TIC, techniques et méthodes de la formation à distance.

Quelle est la logistique d'un tel projet ?

Avec ce type de programme, il faut être souple et pragmatique, et s'appuyer sur les forces des pays qui expérimentent. Il est essentiel qu'un tel projet soit intégré au programme de formation continue des pays concernés. L'OIF a facilité les concertations institutionnelles, tandis que l'AUF a apporté son expertise scientifique, organisationnelle et technique. Nous possédons un vaste réseau d'enseignants-chercheurs spécialisés en éducation, notamment en didactique, mais sont également intervenus des rédacteurs de contenu locaux, des animateurs, des experts, des tuteurs, etc. Le programme de formation devait aussi inclure une initiation à l'informatique. Il a coûté 500.000 € par an au total. Il faut y inclure le coût des installations techniques (cellules photovoltaïques, connexion Internet, etc.), puisque la formation s'est faite partiellement à distance en lien avec nos campus numériques.

Cette initiative pourrait-elle s'étendre à d'autres pays francophones ? L'utilisation des nouvelles technologies ne présente-t-elle pas un frein pour les pays du Sud ?

L'évaluation qui a été commandée par l'AUF est très positive. Elle parle d'un « bel exemple de dispositif partiellement à distance pour la formation continue dans le secteur éducatif ». Il s'agit maintenant de voir si nous devons élargir le nombre de bénéficiaires au sein des pays concernés par l'expérimentation et/ou l'étendre à d'autres pays. Une telle extension ne pourra se faire qu'avec de nouveaux bailleurs de fonds. Quant aux limites techniques de l'utilisation des nouvelles technologies dans les pays du Sud, les centres IFADEM ont justement permis de développer la formation initiale en informatique des jeunes élèves-instituteurs, avec des perspectives d'ouverture à un public plus large.

Trente-cinq nouveaux membres ont rejoint en juin votre agence. Leur arrivée pourrait-elle modifier les orientations stratégiques de l'AUF ?

L'arrivée de ces nouveaux membres, en grande partie des établissements supérieurs africains et européens, ne modifie pas sensiblement la composition de notre agence. Nos actions bénéficient principalement aux pays du Sud. Nous nous ouvrons également à des pays qui n'ont pas de tradition francophone comme le Brésil, où une antenne verra le jour à la rentrée avec la création de pôles d'excellence. Nous avons aussi deux universités israéliennes et deux palestiniennes.

L'AUF fêtera ses 50 ans d'existence l'année prochaine. Les contours de la francophonie évoluent. Qu'en est-il de l'AUF ?


Avec nos 759 membres, notre agence est la plus grande association d'universités au monde. Nos bailleurs demeurent ceux qui étaient là à la création de l'agence. La France participe à hauteur de 83 % de notre budget ; viennent ensuite le Québec, la communauté francophone de Belgique, la Suisse, le Cameroun, le Liban, etc. Notre organisation a évolué en interne en passant d'une gestion par programmes à une gestion par projets, avec un renforcement du rôle des bureaux régionaux pour être au plus près des réalités locales. Pour un euro versé par les bailleurs, 80 centimes sont affectés aux projets. Je suis très fier de notre programme d'échanges de doctorants avec les pays du Maghreb, mais aussi de partenariats, comme celui avec l'Association internationale des maires francophones, qui nous a permis de créer un réseau de chercheurs en urbanisme. Nous poursuivons plus que jamais notre engagement envers Haïti, où nous avons une délégation, et où nous coordonnons l'ensemble des actions universitaires.

L'AUF en chiffres

L'AUF est une association d'universités, créée en 1961 à Montréal, à l'initiative de la France, du Québec, du Maroc et d'autres pays francophones. Elle est aussi l'un des opérateurs des grands Sommets de la francophonie. À ce titre, elle fait travailler 452 personnes dans 63 implantations ; 759 universités en sont aujourd'hui membres.

Propos recueillis par Maëlle Flot | Publié le