Bertrand Monthubert (président de l'université Paul-Sabatier) : «Pourquoi j'ai décidé de suspendre notre engagement dans le Plan campus»

Propos recueillis par Frédéric Dessort, notre correspondant à Toulouse Publié le
Le 9 mai, Bertrand Monthubert était élu à la tête de l'université Paul-Sabatier-Toulouse 3 (sciences, santé), l'une des plus importantes de France, avec 32.000 étudiants et près de 358 M€ de budget. Le jeune président (41 ans), normalien professeur de mathématiques et secrétaire national du Parti socialiste jusqu’à l’automne, explique ses premières priorités.

Dès les premiers jours de votre prise de fonctions, vous avez affirmé que l'université faisait face à une urgence financière. Comment l'expliquez-vous et quelles mesures envisagez-vous ?

En fait, l'université a eu à faire face à un important déficit en 2010, causé par une compensation financière insuffisante de l'État au moment du passage aux RCE (responsabilités et compétences élargies). Du coup, des arbitrages avaient été décidés par l'équipe précédente, en particulier concernant le budget réservé au patrimoine, à la maintenance et à la sécurité : il est passé de 2,5 M€ à 500 K€, ce que nous devrons impérativement corriger. 

«Nous ne prendrons pas de décisions importantes avant un grand débat d'orientation budgétaire à la rentrée»

C'est aussi dans ce domaine que j'ai demandé la suspension du partenariat public-privé qui nous engage dans le cadre de la première tranche du Plan campus. En effet, nous nous sommes rendu compte que nous aurions à notre charge près de 500 K€ par an en matière de maintenance. Une somme qui sera vraisemblablement augmentée dans un deuxième volet du PPP (partenariat public-privé), qui n'est pas encore budgété ! (1)

Dans ce contexte, je veux faire la clarté totale : nous avons lancé un audit financier complet. Et nous ne prendrons pas de décisions importantes avant un grand débat d'orientation budgétaire à la rentrée. Une piste d'économies est toutefois déjà envisagée : nous allons mettre à plat la mécanique des appels à projets internes, parfois confuse et éclatée. Une meilleure gestion qui sera également au bénéfice de chercheurs submergés par trop de tâches administratives.

Au-delà de la problématique budgétaire, quelles sont vos autres priorités ?

En premier lieu, l'enjeu fondamental se situe au niveau des étudiants. Nous devons modifier l'image négative et fausse qu'ils ont de l'université. Il s'agit par exemple de leur faire prendre conscience que les enseignants sont aussi des chercheurs, ce qui est un atout pour la qualité des cours !

Plus largement, la problématique de la désaffection des filières scientifiques doit être abordée par une meilleure orientation en amont de l'enseignement supérieur. Nous allons créer une commission des relations avec les établissements régionaux du secondaire et développer des actions de sensibilisation, à l'image des stages «Hippocampe» .

Autre objectif important : favoriser la vie sociale et culturelle sur le campus. Les étudiants pourront mettre en œuvre des séminaires, et je proposerai de lancer une librairie et un bar !

Enfin, notre université devra être exemplaire concernant des thématiques sur lesquelles nous avons des investissements à faire : le numérique, la transition énergétique, le bâtiment... À chaque fois, nous devrons mener une réflexion globale et être le cordonnier bien chaussé, en associant, tant que possible, nos propres forces en termes de recherche et de formation. Nous devons être la vitrine des savoirs que nous créons et que nous transmettons.

Durant votre campagne, vous avez pointé la gouvernance instaurée par votre prédécesseur. Quelle nouvelle organisation est mise en place ?

«Nous remettons de la collégialité dans notre université»

Nous remettons de la collégialité dans notre université. En l'occurrence, les directions stratégiques, qui reprenaient les prérogatives des conseils sous l'autorité du président, vont disparaître. Nous les remplacerons par des commissions stratégiques qui travailleront directement au sein des conseils. Je proposerai leurs présidents, mais ceux-ci devront obtenir leur légitimité en se faisant élire. Les conseils centraux, qui ne devront pas être des chambres d'enregistrement, débattront a posteriori des propositions faites par ces commissions avant de passer en conseil d'administration. Ce dernier ne pourra pas entériner une décision contre l'avis des conseils, auquel cas nous instaurerons une navette.

Je porte cette vision démocratique au sein du PRES, qui a lancé un processus de concertation, perçu comme trop rapide par certains syndicats. Mais nous organisons à l'UPS une assemblée générale le 11 juin afin de débattre du fond et de la méthode. En tout état de cause, je refuse que la réorientation du dossier de l'université de Toulouse et de l'Idex soit décidée entre les six dirigeants des établissements fondateurs du PRES. Un large vote devra être organisé sans lequel le processus ne pourra être finalisé.




(1) Cette première tranche du Plan campus, spécifique à l'université Paul-Sabatier, est prévue de 2014 à 2016, et représente 29.700 m? de nouveaux bâtiments sur le campus du complexe scientifique de Rangueil. Ce premier volet prévoit des loyers annuels d'investissements de 4,7 M€ pris en charge par l'État et 1,28 M€ de loyers d'exploitation/maintenance, dont environ 500 K€ à la charge de l'UPS. D'autres opérations sont prévues dans cette partie du Plan campus toulousain dénommée «Toulouse Campus Midi», répartie dans le sud-est de la ville (cf. cette page du PRES ). En particulier, trois nouveaux bâtiments et des rénovations concernent Toulouse 3 dans une seconde tranche.

Propos recueillis par Frédéric Dessort, notre correspondant à Toulouse | Publié le