Bruno Jeauffroy (président de l'UPS) : "La polémique sur la gratuité est un mauvais procès fait aux classes prépas"

Sophie Blitman Publié le
Alors que la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche s'est prononcée, le 17 janvier 2013, en faveur d'un "rapprochement des classes préparatoires avec les universités", Bruno Jeauffroy, président de l'Union des professeurs de spéciales réagit aux questions soulevées lors des Assises, notamment celle de la gratuité des classes prépas. Et veut recentrer le débat sur la priorité qu'est selon lui l'orientation.

Geneviève Fioraso souhaite que des conventions de partenariat soient signées entre les lycées abritant des classes prépas et les universités qui aille au-delà des seules équivalences universitaires. Cette mesure vous paraît-elle constituer une avancée ?

Tout dépend du contenu de ces conventions, ce qui est encore flou. Si le fonctionnement des cours de prépa et les concours restent les mêmes, peu importe ! D'autant qu'il existe déjà de nombreux échanges entre CPGE et universités. Partout sur le territoire, il y a des contacts pédagogiques entre les établissements. A Limoges, Paris ou Bayonne, des enseignants-chercheurs viennent faire passer des interrogations orales aux préparationnaires.

Je suis favorable à des échanges plus poussés d'enseignements, mais je n'y crois pas vraiment. Il n'est pas toujours évident de trouver des universitaires disponibles pour venir dans les lycées, et prêts à prendre leur paquet de copies à l'issue du cours…

Réciproquement, les professeurs de classes prépa seraient-ils disposés à enseigner à l'université ?

Sur le principe, je ne vois pas pourquoi ils ne souhaiteraient pas le faire, mais reste à voir quelles seraient les modalités concrètes de ces échanges : au-delà des questions de rémunération, dans quelle mesure pourraient-ils être intégrés à des laboratoires de recherche ? Car s'il s'agit simplement de remplacer les PRAG [professeurs agrégés affectés aux universités],  je ne vois pas l'intérêt.

La ministre propose que les établissements (universités et prépas) décident dans le cadre de leur convention du paiement ou non de droits d’inscription à l’université. Cela semble être une façon de mettre un terme à la polémique, déjà suscitée à la rentrée 2012 et qui a resurgi ces derniers jours, autour de la gratuité de l'inscription en CPGE.

C'est un mauvais procès qu'on a opposé aux préparationnaires ! Il est surprenant de faire croire que ceux-ci ne paient rien, alors que – il est nécessaire de rappeler ce point qu'on oublie systématiquement – l'inscription aux concours à l'issue de la deuxième année de CPGE est loin d'être gratuite ! En moyenne, les élèves de maths spé dépensent 1.000 € de frais de concours, et parfois deux années de suite ! Le montant est à peu près le même pour ceux de prépa HEC ; quant aux littéraires, ils sont aujourd'hui très nombreux à s'inscrire aux concours des écoles de commerce…

D'autre part, aujourd'hui, déjà au moins un tiers des élèves de prépa s'inscrivent à l'université, pour s'assurer d'obtenir une équivalence s'ils échouent aux concours. Je serais d'accord pour rendre cette inscription obligatoire à condition de rendre en contrepartie les concours gratuits, mais l'Etat y serait perdant… En rester au statu quo me semble la solution la plus raisonnable.


Attention à ne pas casser un système qui fonctionne

Dans son rapport, Jean-Yves Le Déaut préconise aussi que "les TIPE (travail d’initiative personnelle encadré) deviennent des projets de recherche étudiante en lien avec les universités et les laboratoires de recherche". Cette réorientation, écrit-il, doit "permettre de mieux sensibiliser les élèves à la recherche". Qu'en pensez-vous ?

En prépa scientifique, c'est déjà le cas ! 90 % des élèves vont dans des laboratoires de recherche industriels ou universitaires dans le cadre de ces TIPE. Ils bénéficient ainsi d'une initiation à la recherche, beaucoup plus que les étudiants de L1 ou L2 scientifique, car il faut comparer ce qui est comparable ! Ainsi, je suis bien sûr tout à fait favorable au développement de ce type de projets, mais ne laissons pas dire qu'aujourd'hui rien n'est fait.

D'une manière générale, bien sûr, on peut améliorer le fonctionnement des CPGE, mais est-ce vraiment la priorité ? Surtout, il faut faire attention à ne pas casser un système qui fonctionne ! Les prépas coûtent de l'argent, c'est vrai, mais sont rentables pour notre société : la nation investit, et en retour, ces jeunes qui ont réussi leurs études vont payer des impôts, et faire avancer l'industrie française.

A mon sens, l'urgence aujourd'hui est de faire entrer les jeunes dans les bonnes filières, et ensuite de les accompagner autant que nécessaire, notamment en L1 et en L2. Car l'objectif, c'est la réussite de tous.

Une position commune aux associations des CPGE

La Conférence des classes prépas travaille sur une lettre commune qui doit être diffusée dans les jours qui viennent, afin d'exprimer sa position sur les mesures envisagées par la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche dans le cadre du futur projet de loi.
L'association rassemble les présidents des six associations représentatives des CPGE : l'AP-HEC (Association des professeurs des classes préparatoires au haut enseignement commercial), l'APPLS (Association des professeurs de première et de lettres supérieures), l'UPA (Union des professeurs des classes préparatoires aux grandes écoles agronomiques, biologiques, géologiques et vétérinaires), l'UPLS (Union des professeurs enseignant les disciplines littéraires dans les classes préparatoires scientifiques), l’UPS (Union des professeurs de spéciales) et l'UPSTI (Union des professeurs de sciences et techniques industrielles).
Sophie Blitman | Publié le