Esther Benbassa, directrice d’études à l’École pratique des hautes études : «L’école reste un lieu de discrimination»

Propos recueillis par Emmanuel Vaillant Publié le
Esther Benbassa, directrice d’études à l’École pratique des hautes études : «L’école reste un lieu de discrimination»
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Sous la direction d’Esther Benbassa, directrice d’études à l’École pratique des hautes études, le premier Dictionnaire des racismes, de l’exclusion et des discriminations (Larousse), vient de paraître. Le parti pris de cet ouvrage ambitieux est d’évoquer tous les racismes, mais aussi toutes les formes d’exclusion et de discriminations, autant de sujets qui concernent l’école et l’enseignement supérieur.

A qui est destiné ce dictionnaire ?
Contrairement à d’autres pays, notamment les Etats-Unis, il n’existait jusqu’à présent en France aucun dictionnaire sur le sujet. Comme si le racisme ne pouvait pas exister dans un pays qui met en avant les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité, comme si on était incapable de regarder en face les exclusions et les multiples discriminations dont sont victimes en France différentes catégories de populations. Ce dictionnaire s’adresse à tout ceux qui se questionnent sur le rapport à l’autre, à la différence. Il est là pour mettre à plat des concepts et rappeler les définitions de mots qui sont souvent utilisés sans en connaître le sens. Combattre toutes les formes de racismes exige de combattre l’ignorance. Ce dictionnaire est donc un acte de prophylaxie sociale.

Quel regard portez-vous justement sur les politiques de lutte de diversité dans l’enseignement supérieur?
Les initiatives prises, à l’exemple de Sciences Po, sont très bonnes mais elles ne suffisent pas. Les voies du savoir sont encore trop souvent fermées à ceux qui ne viennent pas du même milieu. A voir les taux de réussite des jeunes issus de milieux favorisés par rapport à ceux qui le sont moins, notamment issus de l’immigration, l’école reste un lieu de discrimination. Il faut vaincre les complexes ou l’autocensure de ceux qui se sentent discriminés et n’osent pas suivre telle ou telle filière. Et il faut surtout que le volontarisme vienne d’en haut, de l’Etat et des élites qui restent violemment fermées sur elles-mêmes. Les entreprises ont là un rôle à jouer. Parce que l’argent n’a pas d’odeur, ni de couleur, l’entreprise me semble plus libérale sur ces questions de diversité.

Propos recueillis par Emmanuel Vaillant | Publié le